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Channel: Docteurdu16 – Le club des médecins blogueurs
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Sérenpidité du suivi des patients. Histoire de consultation 179.

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Madame A, 64 ans, est diabétique non insulino-dépendante, hypertendue, dyslipidémique et en surpoids. On peut même dire qu'elle est une diabétique pas bien équilibrée selon les canons de la médecine réglementaire puisque son HbA1C est à 8,2 (et que nous n'arrivons pas à faire baisser depuis des années malgré une pression artérielle, un LDL cholestérol, une fonction rénale et une rétine aux taquets). 

Les recommandations recommandent une HbA1C aux alentours de 7 (j'ai toujours aimé l'expression "aux alentours" issue de la Revue Prescrire).

Pourquoi cette patiente n'est-elle pas bien équilibrée sur le critère de substitution HbA1C ? 

Vous avez plusieurs options : c'est la faute du médecin qui la suit (le docteur du 16 depuis une une bonne vingtaine d'années), c'est la faute de la patiente, c'est de la faute de la société, ou vous mélangez le tout.

Nous étions convenus qu'elle se fasse opérer du genou (prothèse totale) en raison de lésions arthrosiques majeures très invalidantes pour une femme qui a la responsabilité de sa famille (mère, petits-enfants, arrière petits-enfants).
Je la revois l'autre jour au décours de son intervention (qui s'est "bien" passée), de son séjour en centre de rééducation (qui s'est bien passé à quelques détails près), de son retour à domicile (qui s'est mal passé car elle n'a pu continuer la rééducation, aucun kinésithérapeute ne voulant ou ne pouvant ou les deux se déplacer à domicile). 
J'ajoute que cette patiente a déménagé et habite désormais à plus de 20 kilomètres de mon cabinet et qu'au lieu de me contacter elle a essayé de se débrouiller toute seule, "pour ne pas me déranger".
Quoi qu'il en soit, je la reçois, l'examine et me rend compte qu'elle n'a pas récupéré une flexion complète mais, bien plus, que sans exercices, elle a régressé depuis sa sortie du centre de rééducation. Je lui prescris des séances de kinésithérapie (elle pourra s'y rendre car elle conduit désormais) et lui donne des conseils d'auto rééducation.

Mais voici l'affaire.
Durant son séjour au centre de rééducation, les médecins, à juste titre, ont trouvé que ses objectifs d'équilibration diabétique n'étaient pas atteints. Ils ont changé son traitement. Ce qu'elle n'a pas supporté (non désir de changer, effets indésirables, refus de se faire piquer). Elle leur a dit expressément qu'elle ne voulait pas continuer. Ils ont insisté. Ils l'ont menacée d'appeler son médecin traitant (ce qu'ils n'ont pas fait) pour l'obliger à l'observance (une nouvelle cause nationale ?). Tant et si bien qu'elle a refusé de se faire piquer (un nouveau médicament qui n'est pas de l'insuline), a fait semblant de prendre ses nouveaux médicaments et a continué à prendre en cachette ceux qu'elle prenait avant (metformine et glibenclamide) que lui rapportait l'une de ses petites-filles.
Une performance.
Plus de trois semaines après la sortie du centre je n'ai toujours pas reçu de compte rendu mais le compte rendu opératoire est arrivé.
Elle m'a dit également qu'on lui avait conseillé de demander à son médecin traitant de lui prescrire un lecteur de glycémie afin de mieux contrôler son diabète (je rappelle ici, et malgré les scandaleuses campagnes de publicité grand public que l'on entend actuellement pour inciter les diabétiques tout venant de demander à leur médecin de leur prescrire des lecteurs de glycémie, que les lecteurs de glycémie sont réservés aux diabétiques utilisant l'insuline -- voir ICI-- et que non seulement c'est hors nomenclature mais qu'en plus aucun essai n'a montré un quelconque avantage à se servir de ce type d'appareil pour équilibrer un diabète).

Nous sommes convenus avec la patiente de doser son HbA1C avant que je ne lui represcrive ses médicaments, le dernier dosage remonte à mi août, et, au dernier moment, avant qu'elle ne quitte le cabinet, je découvre ceci : durant son séjour de 3 semaines au centre de rééducation elle a perdu 8 kilos ! "La nourriture était tellement mauvaise."
Ainsi apprends-je par la bande que le fait de ne pas manger fait maigrir... que la patiente, ce que je savais, ne "faisait pas de régime" alors qu'elle "prétendait" faire des efforts (ce qui était sans doute vrai)... que la nourriture n'est pas très bonne dans certains établissements mais que cela sert de révélateur de la malbouffe généralisée qui règne à l'extérieur.



Le culte des indicateurs et des critères de substitution (ici l'HbA1C) conduit à l'"innovation" : de nouveaux médicaments non éprouvés et chers sont prescrits pour remplacer des médicaments peu efficaces mais connus. 
Sans doute en toute indépendance de big pharma.
Le rêve des lobbys agro-alimentaire et santéo-industriel (ce sont souvent les mêmes), c'est une HbA1C "convenable" obtenue grâce à des médicaments coûteux prescrits à des personnes qui continuent de manger "normalement", c'est à dire en consommant (trop) de la nourriture à la mode. 
Les campagnes de dépistage du diabète sont un épisode de plus de l'hypocrisie ambiante : le tout coca et le tout McDo sont favorisés par la pub, le tout dépistage est favorisé par la pub, le tout traitement est favorisé par big pharma, et, en bout de chaîne, les médecins (mais bien entendu les médecins généralistes en premier lieu) sont désignés comme coupables du non dépistage (voire peut-être de la non prévention).
Les patients ont, heureusement, une histoire personnelle, mentent à leur médecin, s'en sentent parfois coupables, n'"observent pas" et gardent leur libre-arbitre tout en étant bombardés de publicités délétères et de conseils fallacieux. 
Les médecins, eux, n'écoutent pas assez leurs patients, et il arrive qu'ils soient à la fois trop intrusifs (de quoi je me mêle) ou pas assez (vous auriez pu le savoir avant). Où placer le curseur ? 

Quant à la médecine générale, c'est quand même compliqué. Nous croyons gérer et le patient s'échappe, nous croyons être au courant et le patient a ses propres vues sur la question (qui est aussi sa question), nous avons des "certitudes" qui se traduisent par des "aux alentours de 7", nous avons l'illusion également de pouvoir faire son bonheur malgré lui... Nous sommes dans le règne de l'incertitude. C'est ce qui me plaît dans la médecine générale. Le danger essentiel de notre métier vient de ce que tout dans notre attitude, le verbal comme le non verbal, la prescription comme la non prescription, l'adressage comme le non adressage, la bonne comme la mauvaise conscience, est potentiellement source de dégâts collatéraux ou de bénéfices imprévisibles qui affeectent la vie et l'entourage de nos patients et malades. 



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Grippe : le HCSP extrapole et indique au doigt mouillé 2000 morts évités par an par la vaccination chez les personnes âgées.

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Le HCSP, organe central de Big vaccine.


Le dernier rapport du HCSP (Haut conseil de la santé publique), voir ICI, sur L'efficacité de la vaccination contre la grippe saisonnière chez les personnes âgées et les professionnels de santé est à la fois un modèle de désinformation et un argumentaire transparent sur la stratégie de l'industrie du vaccin (big vaccine) pour les prochaines années. Il met également en exergue l'état de la corruption de l'Etat dans le domaine de la Santé publique puisque le gouvernement et les agences gouvernementales sont non seulement infiltrés mais sciemment remplis d'experts dont les liens avec les fabricants de vaccins sont patents et dont ils ne se cachent même pas puisqu'ils sont persuadés qu'il s'agit d'une reconnaissance de leur expertise. Il est vrai que des affaires récentes ont rappelé s'il en était besoin que la politique de fixation des prix des médicaments comme la gestion des campagnes de santé publique étaient décidées dans des antichambres ministérielles et durant de discrets repas où sont présents les représentants de big pharma.


Ce texte a été rédigé à la suite d'une saisine du HCSP par la DGS (Direction générale de la santé). Le texte de la saisine montre que la DGS, que l'on avait connue beaucoup moins inspirée en d'autres circonstances, a tout compris sur le manque de preuves d'efficacité de la vaccination anti grippale chez les seniors et sur son manque d'impact chez les professionnels de santé dans la protection des patients à risques. Ainsi, avec une fausse innocence, la DGS demande à l'organe central de big vaccine, i.e. le HCSP, de remettre en cause la politique vaccinale en sachant que le dit HCSP réussira l'exploit de mentir et de produire un texte préconisant au contraire une intensification de la vaccination anti grippale. Voici une partie de ce que dit la DGS :

Le CDC d'Atlanta, dans son point hebdomadaire du 22 février 2013, estime à 56 % l'efficacité globale du vaccin en population (47 % pour le A(H3N2), 67 % pour les B) mais l'efficacité observée chez les personnes âgées de 65 ans et plus n'est pas significative (27 % avec un intervalle de confiance de -31 % - 59%). Au Danemark , où la saison 2012/2013 a été dominée par le virus A(H3N2), l'efficacité vaccinale chez les personnes âgées de 65 ans et plus a été estimée à 69 % pour les virus de type B et non significative pour les virus de type A -11% (-41% -14%).

La réponse du groupe de travail est un modèle de servitude volontaire, un modèle d'irresponsabilité et un modèle, enfin, d'incompétence. Mais la naïveté de ce texte nous renseigne de façon limpide sur la stratégie actuelle de l'industrie des vaccins (Big vaccine) au niveau mondial.

Je rappelle également que le comptage des morts de la grippe est soumis à caution et que les chiffres officiels tous âges confondus étaient de 151 morts pour la saison 2010 - 2011 (voir LA)

Analyse du rapport du HCSP.

L'état des lieux du chapitre 1 est étique.

Le paragraphe 1.1 nous indique qu'il n'existe pas de données solides (aucun chiffre fourni) sur la morbi-mortalité liée à la grippe saisonnière en France ! Nous avons droit à des estimations pifologiques sur le nombre de patients passés aux urgences, sur les consultations chez le médecin généraliste et sur le pourcentage de certificats de décès mentionnant la grippe chez les personnes âgées de 65 ans et plus.

Le chapitre 2 concerne la vaccination des personnes âgées. 

Voici ce que nous apprenons :
La réponse immunitaire est faible chez les personnes âgées et nous n'avons aucun moyen technique de l'améliorer (La conclusion du paragraphe 2.1).
Le paragraphe 2.2 analyse l'acceptabilité de la vaccination contre la grippe par les personnes âgées et conclut que les études menées pour convaincre les patients de se faire vacciner ont globalement échoué. 

Le paragraphe 2.3 entre enfin dans le vif du sujet puisqu'il analyse l'efficacité de la vaccination anti grippale chez les seniors. 

Nous apprenons en chemin que "Les recommandations vaccinales ayant été faites en l’absence d’études randomisées démontrant l’efficacité de la vaccination chez les personnes âgées de plus de 65 ans, c’est a posteriori que l’on a tenté de justifier ces recommandations en s’appuyant sur des méta-analyses et des études de cohorte. " Et ceci encore : "En outre, depuis 1980, aux Etats-Unis, la mortalité liée à la grippe n’a pas sensiblement diminuée alors que la couverture vaccinale des personnes âgées est passée de 15 à 65 %"

Nos auteurs, loin de se décourager, ont donc décidé de rééxaminer l'efficacité de la vaccination anti grippale à l'aune des dernières méta-analyses et des études de cohorte.

La méta-analyse Cochrane est rapportée ainsi :"La conclusion des auteurs est que les données disponibles sont de mauvaise qualité et ne permettent pas de conclure quant à la tolérance et à l’efficacité de la vaccination antigrippale chez les personnes âgées de 65 ans et plus." Mais nos experts gouvernementaux ont trouvé une analyse critique de la méta-analyse Cochrane qui fournit des conclusions différentes : "efficacité vaccinale de 30 % vis-à-vis de la prévention des complications létales et non létales de la grippe, de 40 % pour la prévention de la grippe clinique, de 50 % vis-à-vis de la grippe confirmée virologiquement et de 60 % vis-à-vis de la prévention de l’infection grippale biologique." L'article critique de Cochrane a été publié dans la revue Vaccine (ICI) qui a comme rédacteur en chef un certain Gregory A. Poland dont les liens avec l'industrie des vaccins sont évidents (voir LA).

Quant aux études de cohorte (paragraphe 2.3.2), elles majorent artificiellement, en raison de biais de sélection, les résultats de la vaccination (qui ne sont pas très fameux) et ne sont donc pas interprétables.

C'est alors qu'au paragraphe 2.3.3 nos auteurs sortent une arme fatale de leur chapeau : "La méthode dite de « différence sur la différence » appliquée sur la cohorte de la « Kaiser Permanente » en Californie est la plus séduisante". Ils décrivent l'objet puis s'empressent de l'appliquer (paragraphe 2.3.4) aux données françaises (c'est l'InVS qui s'y colle), enfin, si l'on peut dire. Nous sommes en plein délire méthodologique : "Les données utilisées ont été le nombre hebdomadaire de décès observés de personnes âgées de 65 ans et plus survenus en France, entre juillet 2000 et mai 2009 (Source : CépiDC), l’efficacité du vaccin contre les décès toute cause estimée à 4,6 % [IC 95% : 0,7- 8,3] par l’équipe américaine et une couverture vaccinale estimée à 63 % en moyenne sur la période d'étude (sources : Cnam-TS et GEIG)". Et voilà, passez muscade : les chiffres du CépiDC sont connus pour être assez peu fiables, les données américaines applicables à la France sont une extrapolation hardie et le fichier de l'assurance maladie est une vaste rigolade puisque fondé sur la délivrance du vaccin et non sur sa réalisation.
En conclusion (page 18), rien n'est sûr mais "En voiture Simone".

Après avoir lu cette première partie  rapport je suis effondré du fait qu'une des signataires de l'article Isabelle Bonmarin, et je le précise, je ne la connais ni des lèvres ni des dents, ait été invitée dans tous les medias pour affirmer que plus de 2000 morts sont évités chaque année chez les personnes âgées grâce à la vaccination anti grippale.

Le chapitre 3 concerne la vaccination des personnels de santé (pages 22 et suivantes).

Il est construit et rédigé dans le même métal.
Paragraphe 3.1 : au doigt mouillé les soignants présentent un sur risque d'attraper la grippe. Voici une phrase qui aurait un zéro à l'ECN :"Il a en effet été démontré que la vaccination des soignants diminuait le nombre d’infections grippales documentées, de syndromes grippaux et réduisait l’absentéisme, quoique dans des proportions pas toujours significatives selon les études."
Les auteurs experts parlent vaguement des grippes nosocomiales.
Puis du taux de vaccination des soignants.
Des déterminants de la vaccination des soignants.
Du caractère obligatoire de la vaccination des soignants selon les pays.
Bla bla.
Et ils s'intéressent enfin à la question de la saisine (paragraphe 3.6) : Vaccination contre la grippe du personnel de soins pour protéger les patients fragiles.
"En conclusion, les études concernant l’efficacité de la vaccination des soignants pour protéger les patients sont peu nombreuses, difficiles à réaliser et entachées de nombreux biais. La majorité des résultats sont en faveur d’un effet protecteur mais le niveau de preuve est faible. "
Fermez le ban.
Ah, non : le chapitre 4. concernant la tolérance de la vaccination anti grippale est rassurant. Tout baigne. Je vous renvoie aux différents articles de Marc Girard sur la façon dont la pharmacovigilance est menée avec les vaccins en général : LA)

Le rapport du HCSP répond mal aux questions pertinentes posées par la DGS.
Isabelle Bonmarin en dit plus que ne le dit le rapport mais elle est payée pour cela.

Rappelons-nous cette phrase conclusive du rapport : La politique de vaccination contre la grippe des personnes âgées a été mise en place sans qu’il existe d’éléments scientifiques robustes démontrant l’efficacité des vaccins grippaux dans ce groupe de population .



Résumé de l'argumentaire de Big vaccine pour promouvoir la vaccination anti grippale :

  1. Les vaccins (ce pluriel est voulu) sont efficaces et sûrs et en particuliers les vaccins anti grippaux. Personne ne peut le nier et quiconque émet l'esquisse de l'esquisse d'un doute est à ranger dans la catégorie détestable et rétrograde des anti vaccinalistes.
  2. Les preuves d'efficacité manquent pour la vaccination des personnes âgées de 65 ans et plus et pour celle des personnels de santé dans le but de protéger les patients fragiles et c'est dû à la mauvaise qualité des essais.
  3. Puisque les essais de cohorte sont inconclusifs et que les méta analyses sont dans le même métal, il est nécessaire de mettre en place des essais comparatifs versus placebo qui devraient être financés par des organismes publics.
  4. Mais la mise en place d'essais randomisés de ce type est contraire à l'éthique puisque les vaccins sont efficaces. Ainsi, ce que préconise le plan cancer dans des pathologies autrement plus préoccupantes que la grippe saisonnière, la protocolisation extensive des malades dans des essais cliniques versus placebo ou non (j'ai déjà dit mon désaccord sur cette généralisation mais pas sur le principe), n'est pas éthiquement acceptable pour Big vaccine.
  5. Pendant les travaux, la vente continue. Et non seulement la vente continue mais le marketing de la vente, à savoir les études de marché et les campagnes de publicité sont facturés aux agences gouvernementales et aux ministères de la santé qui doivent trouver les meilleurs moyens a) de populariser la vaccination auprès de la population (le taux de vaccination étant devenu le substitut du substitut des critères d'efficacité des vaccins - soit le taux d'anticorps), b) d'écrire des articles justifiant la faible efficacité des vaccins acceptable et suffisante comme argument de vacciner, et rendant recommandable, voire obligatoire, comme préalable à toute production de preuves
  6. En revanche des essais vaccins vs vaccins adjuvés sont eux envisageables : on ne peut prouver l'efficacité vs placebo et on pense pouvoir le faire avec deux principes actifs.
  7. Depuis 40 ans qu'existe la vaccination anti grippale les industriels n'ont pas été capables de mettre en place des essais concluants (ou ils ont mis à la poubelle les essais négatifs) et comptent désormais, pendant qu'ils continuent de vendre des vaccins non généricables, sur l'Etat pour venir à leur secours non seulement pour prouver l'efficacité de leur camelote mais pour que les campagnes de santé publique vaccinales destinées à vendre leur camelote soient financées par le contribuable.


L'indépendance des experts.

Nous avons déjà largement parlé sur ce blog de la façon dont se constituait l'expertise et notamment d'un phénomène particulier que l'on appelle en anglais l'expert mongering ou en français la fabrication des experts (ICI).
Nous avons consulté les Déclarations personnelles d'intérêt (dpi) de chacun des membres de ce groupe de travail (quand elles existent et certaines datent de 2012) et avons mentionné en italique les organismes avec lesquels chacun reçoit des avantages pécuniaires et / ou intellectuels (dans les 5 ans précédant la dpi.

Abbrviations : CTV (Comité technique des vaccinations) ; CSMT (Commission spécialisée des maladies transmissibles) ; CSSP (Commission spécialisée de sécurité des patients).


Dominique InVS GERES SPILF Abiteboule (HCSP et CTV) (médecin du travail)
Brigitte OMS (global advisory committee on vaccine safety) AVIESAN (IMMI) ORVACS Sanofi Pasteur (2) Congrès (3) Autran (HCSP et CTV) (professeur, PUPH en immunologie, responsable du département d'immunologie et chef du pôle de biologie médicale et de pathologie à l'APHP)
Agathe CCTIRS Congrès (1) Billemette de Villemeur (HCSP et CTV) (médecin conseiller technique du recteur (38) - Education nationale et médecin épidémiologiste expert au CCTIRS)
Thierry Blanchon (réseau sentinelles)
Isabelle Reivac HRPV (oseltamivir) ; congrès : JNI (3) Ricai GEIG Bonmarin (InVS)
Christian GEIG Wyeth/Pfizer Basilea Pharmaceutica Biofortis Janssen GSK Theravectis Sanofi Pasteur MSD  Congrès (25 avec des financements divers : Janssen (2), Gilead (6), Sanofi Pasteur MSD, Novartis, BMS, MSD (3), Thermofisher brahms (2), Pfizer (6), Astellas (2), Abbvie) et de nombreuses réunions AREMIT pour 6 laboratoires différents Chidiac (HCSP et CSMT) (PU-PH - Association de chimiothérapie anti infectieuse - Collège universitaire des maladies infectieuses et tropicales - Virage santé - SPILF - AREMIT)
Emmanuel ANSP Debost (HCSP et CSMT) (médecin généraliste, GROG*)
Daniel ACTIV ACTIV (Infovac) Groupe d'étude en préventologie Biomérieux/Fondation Mérieux   (2) INSERM ANRS Wyeth Floret (HCSP et CTV)(professeur des universités retraité)
Gaëtan Sanofi Pasteur MSD (6) Pfizer (3) Biomérieux (1) ViFORPharma (1) Astra Zeneca (1) Gavazzi (HCSP et CMVI) (PU-PH)
Jean-François Cellestis (1) Qiagen (1) Gehanno (HCSP et CSSP) (PU-PH à Rouen et médecin chef à la SNCF à Paris)
Alexis Jacquet (évaluateur à l'ANSM)
Corinne Le Goaster (Secrétariat Général HCSP, chargée de mission)
Bruno Conseiller scientifique : ECDC Roche (2) Novartis MedImmune GSK BMS Biocryst GEIG ESWI ; Sanofi Pasteur (2) Roche Argène/Mérieux (2) InGen ; articles et congrès financés par : GSK Sanofi Pasteur Roche (3) GEIG (2) ESWI ; activités d'enseignement : Roche (2) Lina (Centre National de Référence des virus influenzae) (Professeur des universités)
Isabelle Morer (ANSM)
Anne Mosnier (GROG*)
Elisabeth ANSM Groupe d'étude en préventologie Nicand (HCSP et CTV) (médecin biologiste chef de service à l'hôpital du Val de grâce puis à Pau - médecin centre de vaccinations internationales, Ministère de la Défense)
Henri Sophia, Fondation d'entreprise Genevrier Fond de dotation Gilead Collège National des Généralistes Enseignants Pfizer (4) Partouche (HCSP et CTV) (médecin généraliste - professeur associé en médecine générale - Institut Curie)
Hélène  Argène (2) Biomérieux (2) Congrès (Gratz, Ricai x n, 9 sans noms des payeurs des frais de déplacement) Peigue-Lafeuille (HCSP et CSMT) (PU-PH chef de service de microbiologie)
Sylvie GEIG CLCG IMMI (6) ANSES (2) ECDC (3) EISS LEEM Welcome trust Danone ISARIC InVS (2) ANSM ISIRV WHO (8) AP-HP PHRC GSK (4) GROG* NVI RIM (2) Biomérieux Biofortis Roche Congrès (48 avec transports "offerts") Brevet GSK vaccin Van der Werf (CNR des virus influenzae) (chef de service Institut Pasteur, vice-présidente des GROG*)

* financé en partie par Sanofi pasteur MSD Abbott Roche Argène GSK

Et après cela nos experts diront que les essais corrects n'ont pas été faits et qu'il faudrait que ce fût la puissance publique qui les payât.
Que les experts excusent le fait que je sois passé à côté de financements auxquels ils avaient droit es qualités.

Pour ceux qui pensent que les controverses ne sont que françaises :


Magnique billet de M McCartney : http://www.bmj.com/content/349/bmj.g6182




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Haut Conseil de la santé publique, vaccination anti grippale : addendum désespérant.

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Mon dernier billet (voir LA) analysant le rapport du groupe de travail du Haut conseil de santé publique (HCSP) sur l'intérêt de la vaccination anti grippale chez les seniors et les personnels de santé rédigé à la suite de la saisine de la Direction Générale de la Santé (DGS) disait ceci : 
  1. La DGS pose les "vraies" questions (nous avons quand même des doutes sur la naïveté de cette saisine en raison des relations incestueuses qui existent au sein des différentes agences gouvernementales) à défaut d'attendre les "vraies" réponses (une interprétation "malicieuse" est plus vraisemblable : cf. infra)
  2. Le groupe de travail du HCSP est complètement infiltré par les industriels du vaccin (Big vaccine) et personne n'y trouve à redire : méthode française de corruption.
  3. L'efficacité de la vaccination anti grippale n'est pas prouvée scientifiquement dans les deux situations interrogées
  4. Les experts ont l'intime conviction que la vaccination est efficace en ces deux situations et, par une sorte de retournement de la preuve, ils exigent des preuves de non efficacité pour changer d'avis
  5. Les experts payés par Big vaccine n'ont rien fait depuis 40 ans sinon des études bidons et bidonnées et demandent désormais à l'Etat de s'y coller (en sachant que cela ne sera pas fait)
  6. Je suis passé à côté des "vraies" intentions de la DGS et du HCSP

Et voilà que CMT commente (et c'est moi qui grasseye).


"J’aimerais préciser que quand je disais que bientôt la question de l’efficacité des vaccins ne serait plus d’actualité, car la coercition imposerait les vaccins à tous indépendamment de leur utilité, ce n’était pas juste histoire de parler.

En effet, les nouvelles politiques vaccinales qui seront annoncées aux populations dans les mois qui viennent vont probablement mettre en œuvre un ensemble de mesures cohérentes qui rendront très difficile à la population d’échapper à une vaccination, et aux médecins de refuser de vacciner.

Ces nouvelles politiques ont été imaginées, conçues et imposées dans la discrétion par Daniel Floret, président du Comité technique de vaccination, dont on connaît les conflits d’intérêts avec Big Pharma.

Les mesures pourront être, avec des variantes, du type de celles-ci, annoncées par Daniel Floret lui-même :
- traçabilité des recommandations des médecins et du refus des patients
- ces recommandations doivent mettre en avant l’intérêt des vaccins et le risque d’une non vaccination
élargissement des personnels paramédicaux pouvant vacciner (infirmières, sages-femmes, pharmaciens)
- vaccination dans les écoles
prise en charge totale de la vaccination par l’Etat (et non plus à posteriori par la sécurité sociale)

La vaccination dans les écoles pourrait se faire à l’insu des parents, comme cela se pratique au Canada à partir de 14 ans. Il y a d’ailleurs un cas qui a fait beaucoup de bruit outre-atlantique. Celui d’une adolescente, Anabelle Morin, vaccinée à l’école par le Gardasil à l’insu de ses parents, et qui a présenté un premier malaise à la suite du premier vaccin, puis, est décédée (décès inexpliqué) à la suite du deuxième vaccin le 9 décembre 2008. Les parents n’ont donc fait le rapprochement entre malaises et vaccination qu’après coup.

Le système pressenti, proche de l’idéal pour Daniel Floret, serait un système à l’anglaise, où les médecins ne vaccinent pratiquement plus, mais émettent un avis une fois pour toutes sur d’éventuelles contre-indications, et où les nourrissons sont vaccinés ensuite à la chaîne par des infirmières et de même pour les enfants et adolescents dans les écoles. Cela permet, bien sûr, d’atteindre des taux de couverture vaccinale très élevés, indépendamment de l’intérêt du vaccin. Daniel Floret appelle aussi de ses vœux la coercition à l’américaine, où la plupart des vaccins s’imposent du fait qu’ils sont obligatoires pour la scolarisation des enfants.

Un point clé, pour Daniel Floret, est de trouver un mot qui voudrait dire obligation sans être le mot obligation (qui renvoie vers des obligations légales d’indemnisation de la part de l’Etat en cas d’effet indésirable grave, donc un nouveau terme aurait l’avantage de permettre d’échapper à cette obligation de l’Etat) et qui serait alors appliqué à l’ensemble des vaccins anciennement ou nouvellement inscrits dans le calendrier vaccinal .

Si on appliquait l’ensemble des mesures envisagées il deviendrait pratiquement impossible pour les médecins de refuser de faire un vaccin , et pour les patients de ne pas l’accepter. Alors que refuser un vaccin qu’on n’estime pas utile pour soi ou son enfant peut relever actuellement d’une décision individuelle prise dans la sérénité, cela pourrait devenir un acte militant à part entière. Ce qui signifie que la plupart des gens accepteraient de se faire vacciner par tel vaccin qu’ils estimeraient pourtant inutile, uniquement pour éviter les conséquences légales d’un défaut de vaccination. 



Ces commentaires sont éclairants. Et ce, d'autant plus, que j'avais oublié les derniers paragraphes du rapport.

il est licite d’envisager une stratégie complémentaire visant à la protection indirecte des sujets les plus à risque de complications par la vaccination des enfants. Dans l’attente des résultats de l’expérience récemment mise en place au Royaume-Uni, le HCSP souligne qu’une telle stratégie nécessitera : 
une mise à disposition du vaccin grippal vivant nasal, dont la meilleure efficacité a été établie chez l’enfant, et dont on continue à déplorer la non-disponibilité en médecine de ville en France ; 
une étude d’acceptabilité de cette stratégie auprès des professionnels de santé et du grand public, étude indépendante à réaliser dès maintenant ; 
l’obtention d’une couverture vaccinale élevée et qu’en conséquence cette stratégie ne pourra être mise en place en l'absence ds mesures d'accompagnement qui permettent de l'obtenir.

Et nous pouvons rajouter ceci : l'enjeu sera le prix (remboursé) du vaccin nasal pour administration pédiatrique  (Fluenz tetra Nasal spray Suspension, souches vivantes atténuées, actuellement recommandé sous certaines conditions par le Comité Technique des vaccinations, sous officine de Big vaccine) qui est en cours d'examen. Ainsi, un des freins à l'utilisation chez l'enfant, la "piqûre", pourrait être levée et l'objectif subsidiaire, le critère de substitution à la puissance cube, la couverture vaccinale, pourrait être amélioré.

Conclusion (provisoire) :

Sans vouloir jouer les prophètes de malheur, la stratégie menée par l'Etat (visiteur médical officiel de Big vaccine) s'inscrit dans une double démarche : élimination des médecins et infantilisation du citoyen.



Illustration 1 : Daniel Floret en majesté. Alias Louis XIV
Illustration 2 : Abattoir industriel sur un site écolo : LA
Illustration 3 : Voir ICI un site avec beaucoup de dessins amusants.

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Le Conseil d’Etat annule les arrêtés modifiant les modalités de remboursement du traitement de l’apnée du sommeil.

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C'est la première fois que je fais cela, republier un billet paru le 18 janvier 2014, mais la décision du Conseil d'Etat (voir ICI) annulant les arrêtés du 9 janvier et du 22 octobre 2013 modifiant les modalités de remboursement par l'assurance maladie du traitement de l'apnée du sommeil est fondamentale pour les libertés publiques. Ce texte est en effet fondamental pour comprendre quels sont les enjeux sociétaux de l'affaire. Vous pourrez également relire ce que j'en écrivais (LA) et vous rappeler que le Conseil National de l'Ordre, pour des raisons économiques, n'y avait rien trouvé à y redire.

L'ère de la télé surveillance est en route. A propos de l'apnée du sommeil. Un texte du docteur Dany Baud.


Je publie un texte du docteur Dany Baud qui me paraît essentiel. Je tenterai de le commenter dans le billet suivant.

Télésurveillance obligatoire des patients atteints de Syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) et traités par ventilation en Pression Positive Continue (PPC).


Qu’il soit nécessaire de justifier le sentiment d’indignation suscité par une loi manifestement inique et liberticide place celui qui s’est trouvé à l’instant indigné dans une situation de totale incompréhension, doublée si ses pairs ne trouvent rien à redire, de celle de profonde solitude. C’est dans ces sentiments que m’a plongé cette décision de placer des individus dont la seule faute était d’être atteint d’une maladie chronique, sous surveillance électronique comme il est fait par le bracelet du même nom pour les délinquants. Que certains quels qu’ils soient et quelle que soit leur position sociale puissent s’arroger le droit de rentrer dans l’intimité de « la vie des autres » sous prétexte d’avancées techniques et au seul argument de prétendus avantages économiques est dans un pays démocratique comme la France parfaitement inadmissible.    


 Odieux agenda et hidden agendas

Le SAOS est une maladie caractérisée par des arrêts respiratoires au cours du sommeil responsables d’une fatigue, d’une somnolence et parfois compliquée de maladies cardiovasculaires. Ce syndrome est fréquent, il touche  2 à 5% de la population adulte en France et environ 500 000 patients sont traités par PPC (générateur de débit d’air délivrant une pression continue  aux voies aériennes supérieures par l’intermédiaire d’un tuyau  et d’un masque adapté au nez du patient). Le traitement est assuré par des prestataires de service (les mêmes que ceux ayant en charge l’oxygénothérapie et la ventilation à domicile). Il donne lieu à une dépense importante et croissante estimée à plus de 400 millions d’euros/an, soit 40% du coût total de la liste des produits et prestations  remboursables (LPPR) pour les maladies respiratoires. L’observance des patients traités par PPC est bonne et même meilleure que l’observance médicamenteuse constatée au cours des maladies chroniques (75% versus 50%).
Jusqu’à maintenant pour bénéficier d’une prise en charge de cette PPC, le diagnostic de SAOS devait être affirmé par un enregistrement de la respiration au cours du sommeil (polysomnographie ou polygraphie ventilatoire) et le patient devait utiliser sa PPC au moins 3 heures/nuit, tracées en mémoire de machine. Le forfait facturé à la Sécurité Sociale (SS) par le prestataire est actuellement de 21 Euros/semaine  pour un prix de machine  difficile à connaître précisément car variable selon le volume acheté et négocié par ces mêmes prestataires aux fabricants  mais se situant entre 300 et 600 euros sans compter le consommable. L’achat direct de ces machines est inaccessible aux patients qui de fait sont captifs du système en place.
Le renouvellement de cette prise en charge était conditionnée à cette utilisation minimum de
3 heures par nuit et à la constatation par le médecin de l’efficacité clinique de ce traitement instrumental. En cas de défaut d’observance persistant, c’est dans le cadre de la consultation médicale que  le médecin demandait  la suspension du traitement après concertation avec son patient.
En pratique, un certain nombre de patients non revus systématiquement par leur médecin avaient une PPC dont ils ne se servaient peu. La lenteur de communication de cette information par le prestataire (autrefois tenu à 2 passages par an) et l’absence de réactivité de certains médecins faisaient que le traitement était suspendu avec retard avec pour conséquence une perte financière pour les organismes payeurs.
Pour remédier à ce problème, ces derniers ont imaginé avec les prestataires, les fabricants de matériels, les hébergeurs de données électroniques, un système de télésurveillance permettant de suivre en temps réel l’utilisation de la machine par le patient. C’est dorénavant au prestataire de suspendre le remboursement du traitement après avertissements et propositions correctives shuntant ainsi le médecin prescripteur prévenu de la procédure mais mis devant le fait accompli.
Cette mesure a fait l’objet d’un arrêté (09.01.13) précisant les modalités de la télésurveillance et les sanctions progressives en cas de défaut d’observance. Ce dernier a donné lieu à une  demande d’annulation portée par la fédération des patients insuffisants respiratoires (FFAAIR) auprès du Conseil d’Etat qui n’a pas abouti au motif que cette annulation viendrait contrarier l’activité économique des fabricants de matériel et des prestataires, dont Philips, Resmed, et le leader mondial des gaz pour l’industrie Air Liquide qui a repris ces dernières années une partie importante de la prestation notamment associative et réputée à but non lucratif. Ce premier arrêté a néanmoins été abrogé du fait que la CNIL n’avait pas  été consultée sur sa  conformité aux  lois sur l’informatique et les libertés. On notera que le fait que seul cet argument économique ait pu être avancé par les représentants du Ministère de la Santé et de l’Economie, sans qu’il n’ait jamais été question de l’intérêt des patients, est pour le moins choquant. Après que cet avis a été donné, un nouvel arrêté a été promulgué sans changement notable par rapport au premier à quelques détails techniques prés, la CNIL ne s’étant pas prononcée sur le caractère motivé ou non de celui ci. Sa mise en œuvre est aujourd’hui effective.

 Cet arrêté et son application posent des questions multiples au plan éthique, juridique et économique. Il est notamment en contradiction avec la loi de 2002 garantissant les droits des malades.
 -En effet cette télésurveillance inaugure une modification du système de remboursement des soins qui pour la première fois serait dépendant de l’observance. Réservé aux seuls patients porteurs de SAOS, il est pour eux discriminatoire, stigmatisant et inégalitaire puisque non appliqué aux autres types de prestations et aux autres malades.
 -Par ailleurs et c’est probablement la faute inexcusable de cette loi, c’est qu’elle impose au malade qu’elle brutalise en l’assimilant  à un délinquant potentiel, une sorte de bracelet électronique l’assignant à domicile ou tout au moins le géolocalisant et enregistrant les détails de ses nuits : heure de coucher, de lever, durée totale passée au lit. Ces données sont ensuite récupérées chaque jour par un hébergeur dont le rôle est de les transmettre à la SS. On imagine facilement quel usage pourrait être fait de ces informations emblématiques de la vie privée par diverses officines (assurances, employeurs, police, juges, avocats…).
 -Enfin, différents acteurs (fabricants de matériel, prestataires) viennent par cet arrêté prendre la place du médecin du patient mettant en péril la relation médecin-malade, seule garantie éthiquement fondée pour décider d’une prestation médicale et de son arrêt éventuel qu’elle soit remboursable ou non. Les précédents désastreux sur le plan sanitaire et financier de la vaccination antigrippale H1N1 organisée par le ministère de la santé  en dehors du parcours de soins habituel et de la relation de confiance entre le patient et son médecin n’a pas servi de leçon.

Faire des économies et mieux traiter les patients ?
On ne peut qu’approuver et soutenir la volonté de l’état de maîtriser les dépenses imputables au traitement du SAOS. Par contre la stratégie qu’il a mise en place pour y parvenir a de quoi surprendre. Ainsi se focalise-t-il sur l’extrême pointe émergée de l’iceberg en tentant de réduire le délai de désappareillage des patients inobservants sans s’attaquer au prix réellement exorbitant d’un traitement  qui une fois accepté et régulièrement suivi et point important, définitif, ne nécessite que peu ou pas de surveillance. Sur le plan strictement économique comme l’a souligné la FFAAIR, on comprend mal qu’on puisse espérer réduire les dépenses en ajoutant au prix de la PPC celui  de la mise en place des mouchards de télétransmission même si les prestataires se trouvent selon cette loi, obligés d’en assumer  le coût. On remarquera d’ailleurs que ces dispositifs sont fabriqués à la fois par les fabricants de machine et certains industriels exerçant aussi comme prestataire. Sans parler de son caractère humiliant et dévalorisant particulièrement mal vécu par les malades, on peut raisonnablement questionner le bien fondé d’une surveillance sur des dizaines d’années de milliers de patients parfaitement observants et corrigés par leur PPC de façon quasi immuable. Le phénomène de rente que constitue le fait de facturer à la SS plus de 1000 Euros par an pour la location d’une machine amortie de longue date et un seul passage annuel au domicile de ces patients ne semble pas avoir attiré l’attention de nos brillants économistes de la santé.
Quant à la plus value médicale d’une surveillance quotidienne pratiquement en direct  de la durée d’utilisation de la PPC  et si la CNIL en laisse la possibilité, des données que sont le degré de correction du SAOS et le niveau des fuites au masque, est dans la pratique sans réelle pertinence. Nous avons accès depuis longtemps à ces données stockées sur les cartes mémoires de ces appareils que nous analysons avec nos patients à chaque consultation. Mais en vérité, une fois trouvé le masque  adapté au visage du patient, l’habitude venant, au bout de quelques mois, 6 au maximum, ces informations n’ont ensuite que peu d’impact sur les réglages et la conduite du traitement, le patient utilisant son appareillage comme d’autres leurs lunettes. Faire penser qu’il faudrait « monitorer » et surveiller les patients souffrant de SAOS traités par PPC comme des malades de réanimation n’a tout bonnement aucun sens.
Au total, en y regardant de plus près, la raison essentielle  de la télésurveillance semble être la télésurveillance. Elle bénéficiera à l’évidence aux professionnels de ce secteur d’activité et ce n’est pas par hasard que l’on voie les grands de la téléphonie monter à l’assaut de ce marché. Elle constitue également une stratégie de «  pied dans la porte » qui ne peut que nous inquiéter pour l’avenir sur les conditions d’accès aux soins et de leur prise en charge.

Pour finir, cette loi est emblématique des  politiques nouvelles qui ont déjà atteint de multiples secteurs de la société et qui s’en prennent aujourd’hui à la médecine. Elles sont la conséquence de  la dérive technico-scientiste caractérisant les utopies totalitaires qui finalement sont au service de l’argent et de ses représentants que sont l’industrie et la grande distribution. Leurs élaborations et applications reposent en partie sur des fonctionnaires zélés dont le sentiment de toute puissance n’a d’égal que l’opacité des fonctionnements. Elle est  relayée sur le terrain par des experts que des intérêts particuliers poussent à entretenir le mythe du progrès.
Aussi aujourd’hui pour penser la médecine, il est préférable de sortir de son champ. Les travaux des philosophes qui nous sont proches comme Michel Foucaud montrant  que la traçabilité est devenue la forme moderne de la punition, devraient aider à voir l’évidence  des caractères liberticide et inacceptable de certaines lois comme celle qui fait l’objet de cette protestation. De même ceux de Jocelyne Porcher sur la mécanisation et l’industrialisation de l’élevage des animaux associant réglementations barbares, novlangue « ad nauseam », maltraitance généralisée et burn out des professionnels, nous offrent un nouveau cadre de réflexions d’une pertinence aussi inattendue qu’essentielle. Comme d’autres dans d’autres secteurs, nous, médecins, allons vers une médecine hors sol et délocalisable où la relation médecin malade ne sera plus qu’une double exclusion. En vérité nous sommes passés du temps des lumières à celui des projecteurs ; on ne regarde que ce qui est montré et se retourner vers la source lumineuse nous éblouit ou nous aveugle.

Docteur Dany Baud, pneumologue, chef de Service au Centre Hospitalier Spécialisé en Pneumologie de Chevilly Larue, membre et ancien responsable du groupe Education Thérapeutique au sein de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF)


(Illustration : Le siège de la National Security Agency dans le Maryland (USA))
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Je ne ferai pas grève du 23 au 31 décembre. Premier épisode.

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Il n'y a de richesse que d'hommes

Je suis désolé mais je ne ferai pas grève entre le 23 et le 31 décembre 2014.

Avant que je ne continue vous avez le droit de me "traiter". Je peux vous fournir une liste d'adjectifs et vous avez même le droit au choix multiple. Mais j'ai une préférence : jaune briseur de grève.

Mais ne pensez pas que je sois ravi de mon sort de médecin généraliste.

Disons que je relativise.

Et que je suis médecin généraliste dans l'âme.

Je suis, certes, médecin, mais je suis avant tout médecin généraliste car je ne connais pas de plaisir plus intense que d'exercer la médecine générale.

Est-ce du corporatisme ?

Le médecin généraliste que je suis est avant tout un ignorant qui en sait moins sur le rein que le néphrologue (j'aime bien d'ailleurs lire Perruche en Automne), moins sur le coeur et les vaisseaux que le cardiologue (j'aime bien lire Grange Blanche qui a malheureusement fait une pause), moins sur l'oeil que Le rhinoceros regarde la lune, moins sur les poumons que Totomathon, ou sur la peau que La Boutonnologue, et je pourrais continuer presque à l'infini, l'infini des organes. Il est évident par ailleurs que les spécialistes qui ne blogguent pas et qui ne tweetent pas sont aussi valeureux que ceux que je viens de citer, les spécialistes d'organes à qui j'adresse des patients parce qu'ils partagent, pas tous, le choix n'est pas toujours possible, les mêmes valeurs et préférences que moi.

Les habitués de ce blog sont assez clairvoyants pour penser que je n'adresse pas un patient asthmatique chez un pneumologue parce qu'il a lu la triade Proust / Kundera / Roth, qu'il écoute régulièrement Don Juan / Jenufa / Turandot en n'omettant pas Coltrane / Don Cherry / Desmond,  et qu'il apprécie Klee / Carpaccio / Bacon, mais quand même s'il a lu Bachelard / Illich / McKeown, c'est quand même un plus.  Et s'il ne dit pas de mal de La Revue Prescrire pour des raisons sottes, ce n'est pas mal non plus.

Mais mon ignorance organique, loin de me déranger, me plaît : elle me permet de contempler l'infinie variété de mon métier et son insondable et vertigineuse diversité. Et elle me permet aussi de me réjouir de peu pratiquer des actes techniques et d'être avant tout un non manuel de la médecine.

S'il est de bon ton de dire que personne ne sait ce qu'est la médecine générale (j'ai publié là dessus) il est quand même évident que lorsque un ou plusieurs médecins généralistes qui ne se connaissaient pas auparavant se rencontrent au hasard d'une soirée ou pendant des vacances à la mer, au delà des différences individuelles, de leur appartenance ou non à un syndicat, de leurs opinions politiques ou confessionnelles, de la marque de leur maillot de bain, ils se reconnaissent immédiatement, ils savent immédiatement de quoi ils parlent, ils savent avec quoi ils se collettent tous les jours, qu'ils exercent dans les beaux quartiers ou dans les "quartiers", ils appartiennent au même monde anthropologique, ils ont en face d'eux les mêmes patients, les mêmes problèmes, les mêmes interrogations, et le même système qui est l'éléphant dans le cabinet de consultation, ils n'ont pas besoin de se présenter. Et cette intimité entre inconnus, cette proximité entre collègues, cela, aucun autre médecin (non généraliste) ne peut le ressentir.

Je voudrais dire aussi ceci : ceux qui font bouger les lignes depuis des années, ce ne sont pas les spécialistes d'organes, ce sont les médecins généralistes de base, ce sont les Christian Lehmann, les Dominique Dupagne, les Louis-André Delarue, pour ne citer que les plus emblématiques (je suis en train de me faire des ennemis en ne citant pas les autres), qui ont dénoncé le fluor (pas les dentistes, pas les pédiatres), le dosage du PSA (pas les urologues), les frottis tous les ans (pas les gyn-obs), le dépistage organisé du cancer du sein (pas les radiologues, pas les gyn-obs, pas les oncologues), les anti Alzheimer (pas les neurologues, pas les gériatres), les glitazones (pas les diabétologues), les pilules de troisième et quatrième génération (pas les gynécologues, pas les dermatologues), la vaccination anti grippale et le tamiflu (pas les virologues, pas les infectiologues) et cetera, et cetera.

Disons que cette grève ne va pas servir la médecine générale et les médecins généralistes.

C'est mon corporatisme à moi. Donc, je ne la ferai pas.

Car ce mouvement est avant tout corporatiste : il mélange des chèvres et des choux et personne ne me fera croire que j'ai, en tant que médecin généraliste, les mêmes intérêts que les notaires (qui se disent "furibards", ils ont dû réunir une assemblée générale du Rotary ou du Lion's pour trouver un adjectif aussi désuet, vieilli et vieillot), les pharmaciens, les artisans taxis, les infirmiers et infirmières, les huissiers de justice, les kinésithérapeutes, j'en passe.

Car ce mouvement "libéral" dont la majorité des membres râle toute l'année contre les grèves de nantis fonctionnaires à la SNCF, à la RATP ou dans les transports aériens se met à mimer la CGT ou Sud dont les slogans habituels sont "Nous faisons chier le pauvre monde pour défendre les intérêts de tous" en fermant les cabinets pour une semaine en prétendant que c'est pour le bien de la santé publique.

Car ce mouvement composé de médecins qui ont fait dix ans d'études (quelle contrainte !) compare ses honoraires, son niveau de vie, ses habitudes sociales à ceux des coiffeurs et des plombiers dans un emballement mimétique abasourdissant alors que l'on n'a jamais vu un coiffeur ou un plombier faire grève (sinon récemment des sans papiers employés au noir dans des salons de coiffure low cost).

Car ce mouvement dont un des objectifs est de libérer le secteur 2 et de tuer les mutuelles veut nous faire croire qu'en augmentant les honoraires libres le reste à charge pour les patients ou non patients consultants va diminuer ! Est-ce que les adhérents des mutuelles ont été consultés ? Est-ce que les citoyens ont été consultés ?

Car ce mouvement, devenu par un tour de passe passe anti capitaliste quand il s'agit des Mutuelles et parlant de lutte contre les fonds de pension internationaux (i.e. sans doute les hedge funds luxembourgeois) oublie de parler, dans sa défense de l'hospitalisation privée (il n'y a plus de cliniques mais des hôpitaux privés par une sorte de renversement sémantique), des intérêts internationaux présents dans les groupes de santé avec, par exemple, l'Australien Ramsay Health Care actionnaire majoritaire de la Générale de Santé, le plus gros groupe "français"... Vous pouvez même, les gauches de la gauche du mouvement, consulter, une fois n'est pas coutume le blog de JL Mélenchon : LA.

Car ce mouvement, qui s'oppose à juste titre aux réseaux de soins mutualisés ne dit rien des réseaux de soins actuels centrés autour de l'hospitalisation privée où les spécialistes d'organes capturent les patients de ville et les rabattent sur les structures dans lesquelles ils ont des intérêts. Ce consumérisme médical est le fondement du néo libéralisme rawlsien : le citoyen patient qui a lu Doctissimo ou qui écoute son coiffeur décide de passer un examen complémentaire et le médecin prescrit. Si le médecin ne prescrit pas le patient conscient de ses droits ira en voir un autre et écrira au CISS ou à Que Choisir pour se plaindre que l'accès aux soins n'est pas assuré. Parce que j'en ai le droit et Parce que je le vaux bien.

Car ce mouvement ne prend pas en compte la montée irrépressible des associations de patients, sinon pour leur dire ce qu'elles doivent penser (voir LA), ces patients qui sont, ne l'oublions pas, le troisième élément de l'Evidence Based Medicine. Vous savez que je suis à fond pour les associations de patients (je me demande d'illeurs pourquoi et de quel droit je serais contre) à condition qu'elles respectent une politique claire concernant leurs liens et possibles conflits d'intérêt.

Mais surtout.

Deux points constituent le centre de la crise de la médecine et Ce mouvement ne peut en parler.

La corruption généralisée.
Le gouvernement et les agences gouvernementales sont infiltrés par big pharma et big matériel et les politiques publiques, depuis les campagnes de santé publique jusqu'à la fixation du prix des médicaments, sont dominés par le lobby santéo-industriel qui a ses leviers de commande, ses obéisseurs, ses toutous, comme la DGS ou les différentes ARS.
Depuis la première année de médecine, et même avant dans les prépas, jusque dans les couloirs des hôpitaux publics et privés et ceux des cabinets médicaux libéraux big pharma et big matériel règnent en maîtres.



L'arrogance médicale.
Le rôle de la médecine dans l'amélioration de l'espérance de vie dans les pays développés et, surtout, de l'amélioration de l'espérance de vie en bonne santé, est lié aux conditions socio-économiques et aux pratiques individuelles.

Espérance de vie à 35 ans selon le sexe et la catégorie socio-professionnelle.
Une femme cadre a une espérnce de vie de 51,7 ans à 35 ans.



Pour la suite de nos réflexions sur le Je ne ferai pas grève du 23 au 31 décembre je parlerai plus précisément des problèmes que pose la Loi santé comme le Tiers Payant Généralisé et / ou les réseaux de soins mutualisés et sur les solutions que n'apporte pas Ce mouvement concernant les déserts médicaux, la démédicalisation nécessaire de la société, l'hospitalisation publique, le cas des spécialités d'organes qui demandent un effort particulier, et cetera.


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    J’aurais pu faire grève du 23 au 31 décembre. Deuxième épisode (Je ne ferai pas grève du 23 au 31 décembre).

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    Je vous ai expliqué pourquoi je ne ferai pas grève entre le 23 (ou le 24) et le 31 décembre (ICI).

    Je vais vous donner au moins une raison pour laquelle j'aurais pu faire grève, mais pas ce genre de grève avec fermeture des cabinets sans personne à l'intérieur pour expliquer le pourquoi du comment, sans rassemblements dans la rue, sans pédagogie institutionnelle, sans dénonciation des deux plaies de la médecine, corruption et arrogance, sans défense de la médecine générale, mais surtout : sans programmes de remplacement. Je rappelle quand même que que les organisations grévistes et leur mentor caché ou présent, l'Union Française pour une Médecine Libre, dont nous avons déjà parlé sur ce blog (ICI et LA), ne sont quand même pas très clairs sur ce qu'ils veulent à défaut d'être précis sur ce qu'ils condamnent (les Agences régionales de Santé, la liberté des honoraires, la liberté de prescription -- crestor et inegy par exemple, les cliniques et hôpitaux privés et leurs dépassements -- avec mention spéciale pour les urgences et la cancérologie, tiens, tiens, le mode de nomination des PH, le secteur privé à l'hôpital public, et, en dernier lieu, la défense des patients) et on entend moins parler de la consultation portée immédiatement à 50 euro, de la condamnation des mutuelles suppôts du capitalisme international, de la lutte contre les déserts médicaux ou de la place du médecin généraliste dans le parcours de soins. Voir LA. Pour ce qui est des syndicats traditionnels, le communiqué du 27 novembre 2014 est assez (!) décevant : voir LA, un catalogue peu convaincant qui montre le blocage des propositions.


    Voici donc une des raisons essentielles pour laquelle j'aurais pu faire grève :

    Le Tiers Payant Intégral Généralisé.

    Préambule : le Tiers Payant Intégral existe déjà chez les médecins pour une partie de la population qui en bénéficie de façon temporaire et sous condition : les 210 000 bénéficiaires de l'Aide Médicale d'Etat (AME) (voir ICI), les 6 664 000 bénéficiaires de la Couverture Maladie Universelle (CMU et CMU-C), les vicitimes d'Accident de travail (AT) ou de maladie professionnelle (MP) pour des soins en rapport avec l'AT ou la MP et durant la période d'ouverture de leurs droits, les patients bénéficiaires d'une invalidité (LA), les patients bénéficiaires d'une Affection de Longue Durée...

    Qu'en est-il ? Disons que, grosso modo, et en médecine générale, pour le reste je n'en sais rien, ça marche. Sauf, bien entendu, si les droits des patients ne sont pas ou plus à jour (les responsabilités sont partagées : patients, caisses, et, accessoirement, médecins). Et il est évident que pour des C à 23 euro les conséquences financières ne sont pas les mêmes que dans le cas  d'examens complémentaires onéreux.

    N'oublions pas non plus que le Tiers Payant Intégral existe chez les pharmaciens quand les assurés sont à jour de leurs cotisations pour la délivrance des médicaments (une nombreuse littérature existe sur le sujet concernant la charge financière qu'entraîne cette mesure pour assurer le recouvrement et cette charge n'est pas concevable pour les entreprises artisanales que sont les cabinets de médecine générale). Mais aussi chez les IDE et les kinésithérapeutes.

    Addendum : Que ceux qui n'ont pas connu l'époque d'avant la CMU écoutent : la facilitation du Tiers Payant Intégral Généralisé par l'introduction de la CMU a été un formidable progrès ! Des gens qui ne consultaient jamais, des enfants qu'on ne voyait pas, même pour  des rhumes, sont réapparus dans les radars.

    PS : Quand je vois des anciens partisans militants de l'Option Médecin Référent (dont je fus un tiède adhérent en pratique) refuser aujourd'hui le Tiers Payant Intégral Généralisé et faire grève avec les fossoyeurs de cette option (et, bien plus, ses ennemis méprisants comme le SML ou la CSMF), j'ai le loisir de pleurer, de ricaner, de rire ou de m'attrister. Les quatre en même temps, sans doute.

    Je suis contre le Tiers Payant Intégral Généralisé pour des raisons pratiques.

    L'entreprise artisanale qui s'appelle cabinet médical a comme objectif essentiel de dispenser des conseils et des soins. Toutes les tâches administratives, dont je ne nie pas l'utilité pour des raisons réglementaires, viennent en plus et, le temps n'étant pas extensible, viennent en moins de notre activité de soins et de conseils.

    Ainsi, je n'accepterais le Tiers Payant Intégral Généralisé que s'il existait un payeur unique, l'Assurance Maladie par exemple, qui me règlerait le prix des différents C et qui se chargerait du recouvrement auprès des Mutuelles.

    Cela signifierait qu'il existerait sans doute comme aujourd'hui des délais entre la réalisation de l'acte, sa facturation et son paiement, et... des impayés (très rares et beaucoup plus rares que les patients qui ne paient pas l'AMC), mais ce qui me permettrait de n'avoir qu'un interlocuteur pour mes réclamations et non, comme proposé actuellement, des centaines de mutuelles possibles. (Des salariés de la CNAM m'ont assuré que le guichet unique était la seule solution pratique car eux-mêmes avaient du mal avec le recouvrement auprès des mutuelles ; une salariée du Trésor Public m'a affirmé qu'à Mantes le recouvrement des impayés à l'hôpital de Mantes par la puissance publique demandait d'énormes efforts avec des résultats assez peu convaincants)

    L'autre aspect, et non le moindre, est celui du coût de ces mesures, que certains (UFML) valorisent à 3,5 euro par acte. Inacceptable.

    Mais il est possible (voir plus haut) que le Tiers Payant Intégral facilite l'accès aux soins d'une certaine partie de la population. Ce qui n'est pas rien. Pas tant pour les consultations de médecine générale que chez les spécialistes libéraux d'organes ou pour effectuer des examens complémentaires où l'avance de frais est demandée tant à l'hôpital public (où le secteur privé prend de plus en plus de place dans l'imagerie) qu'à l'hôpital privé. 


    Existe-t-il d'autres raisons que pratiques de refuser le Tiers Payant Intégral Généralisé ? Venons-en aux objections les plus fréquentes le concernant et élargissons le champ de nos interrogations.

    Le Tiers Payant Intégral Généralisé rendrait le coût des soins invisible. 

    Cet argument est à la fois vrai et discutable. 

    Vrai, car il est toujours bon de connaître le coût d'un service ou d'un achat. Mais la situation actuelle fait que ce sont déjà les patients qui coûtent le plus cher à l'Assurance Maladie (i.e. ceux qui disposent de l'ALD par exemple) qui ne paient rien directement et qui, sondage personnel, en les interrogeant, ne sont pas au courant des dépenses que leur maladie engendre. 

    Vrai, car il est clair que certains examens complémentaires sont demandés de façon routinière sans justification médicale évidente. Mais nous y reviendrons.

    Vrai, car les prescripteurs, accessoirement les médecins, sont rarement au courant des coûts qu'ils génèrent en rapport avec leurs prescriptions, sauf, bien entendu s'ils en sont personnellement les bénéficiaires.

    Discutable, car pour les personnes "aisées" le coût des soins est déjà invisible : les citoyens et  patients qui disposent d'une "bonne" mutuelle comme ils disent, soit ne paient déjà rien, soit sont remboursés intégralement et l'avance des frais est pour eux indolore.

    Discutable, car s'il est effectivement possible d’avancer que le fait que connaître le prix des choses leur en donne de la valeur, on peut dire qu'à l’inverse l’excès de prix (relatif) de certaines choses ou de biens interdit leur accès ou leur possession à certains membres de la société (par hypothèse : ceux qui ont le moins d’argent).

    Discutable, car le Tiers Payant Intégral Généralisé, va au contraire rendre visible le reste à charge puisque les patients ne paieront plus que les dépassements d'honoraires, ce qui permettra aux praticiens en secteur 2 d'être transparents et, éventuellement, d'augmenter leurs dépassements qui seront plus acceptables, dépouillés qu'ils seront de la part obligatoire.

    Le Tiers Payant Intégral Généralisé ferait perdre aux patients le sens de la valeur des actes médicaux et la consultation médicale, c'est à dire l’acte médical de base, en devenant gratuit, se banaliserait.

    La valeur de la consultation, ce sont les médecins qui la crée ou la constitue, c'est ce qu'ils font dans leur cabinet qui donne un contenu aux 23 euros qu'ils demandent (ou qu'ils ne demandent déjà plus). Et ce n'est pas seulement la technique qui entre en jeu mais la façon d'appréhender les symptômes et éventuellement les maladies.

    Les patients ne s'y trompent pas : ils savent ce qu'ils peuvent demander à tel praticien et ce qu'ils ne peuvent pas demander à tel autre. Ce sont les médecins dans leur ensemble qui ont "valorisé" leurs actes ou "dévalorisé" leurs actes.

    Il est clair qu'en cette période de suractivité des cabinets médicaux, le temps d'attente pour obtenir une consultation s'allongeant, la "gratuité" ne sera pas un facteur freinateur.

    Mais si nous parlons de la valeur des actes, il faudrait dire que les actes pratiqués dans les services d'urgence des hôpitaux, sauver des vies par exemple, n'ont aucune valeur puisque les patients "ne paient rien" immédiatement (même si, en l'occurrence, la société paie beaucoup : 250 euro pour une angine...).

    Il est possible que cela pourrait avoir tendance à favoriser le consumérisme médical et les consultations "inutiles" ou de confort ou pour obtenir quelque chose. Mais là nous entrons dans un domaine complexe, celui de la nécessité des actes médicaux.

    En revanche, la banalisation gratuite des actes inutiles et discutables existe déjà en raison de cette "gratuité" à l'intérieur des établissements de soins, qu'ils soient publics ou privés... Nous y reviendrons.


    Le Tiers Payant Intégral Généralisé rendrait le médecin dépendant de son payeur, à savoir l'Assurance Maladie, quasiment un salarié, et sans les avantages du salariat.

    Cet argument est assez spécieux pour un médecin généraliste en secteur 1. Car ne sommes-nous pas déjà dépendants de l'Assurance Maladie ? Comment pouvons-nous y échapper ? Nous dépendons de la solvabilité de nos patients. Notre dépendance à l'égard de notre payeur va en revanche se compliquer puisque nous allons dépendre des mutuelles pour la part AMC (voir plus haut pour les raisons de mon refus du Tiers payant Généralisé et pour la solution proposée).

    Reste également le problème du paiement à l'acte et de son corollaire, le ROSP. J'ai expliqué pourquoi, malgré des réticences majeures, j'ai accepté le ROSP (voir ICI). Il est probable qu'un certain nombre de médecins, au delà des problèmes éthiques et idéologiques (voir Dominique Dupagne ICI), l'ont accepté comme complément d'honoraires (ce qui, pour moi, représente environ 4 % de mon CA). Ce ROSP est certainement l'un des dangers majeurs contre l'indépendance des médecins (les spécialistes d'organes qui sont des donneurs de leçons patentés n'ont eu de cesse que de l'obtenir dans chacune de leurs spécialités) si son importance croît dans la part du CA des médecins. ce qui ne semble pas être à l'ordre du jour.


    Le Tiers Payant Intégral Généralisé rendrait le médecin dépendant des mutuelles.

    Je ne reviens pas sur mon opposition au fait que la part AMC de nos actes nous soit réglé par les mutuelles et que nous devrions traiter avec des centaines de mutuelles pour obtenir satisfaction.

    Un article récent de blog sur Mediapart ICI, bourré d'erreurs factuelles (comme si la CMU était financée par l'Assurance Maladie, voir LA) et, de façon démagogique, orienté uniquement sur la consultation du médecin généraliste alors qu'il s'agit d'une part faible du dispositif, m'a ouvert un horizon qui, je l'avoue, m'avait échappé : le Tiers Payant Généralisé Intégral serait une manœuvre gouvernementale pour privatiser complètement la santé en France. Il suffirait que la part AMO diminue pour que les mutuelles augmentent leur participation et deviennent le rembourseur principal et contrôlent la situation. Il est possible que cela soit vrai mais la menace ne me semble pas forte pour des raisons politiques. Mais, bien entendu, un autre aspect du plan santé est la réticulation des soins (et vous savez combien je suis opposé aux réseaux : LA) qui seraient sous la coupe des ARS et des mutuelles.

    Mais, si je peux me permettre, et je ne crois pas l'avoir lu, voici trois conséquences inattendues ou collatérales de la mise en place du Tiers Payant Intégral Généralisé, la première sans doute voulue inconsciemment par les promoteurs du projet (le côté "socialiste" de l'affaire), la deuxième, plus menaçante pour l'exercice libéral mais favorable au néo libéralisme financier et la troisième, anecdotique, sans doute.

    Le Tiers Payant intégral va rendre les dépassements du secteur 2 plus lisibles.

    En effet, la somme payée en secteur 2 sera le dépassement d'honoraires. Le patient ne se posera plus de questions, quand il s'en posait, sur la valeur du dépassement demandé. Cette meilleure lisibilité permettra aussi aux praticiens d'augmenter facilement les honoraires du secteur 2. Quand les assurés, en outre, auront une "bonne" mutuelle, l'avance qu'ils feront leur sera complètement remboursée. A Mantes la C de base à 23 euro chez l'enfant de plus de 5 ans sera "gratuite" chez le médecin généraliste et "vaudra" 29 euro chez le pédiatre (tarif actuel = 52 euro). Ainsi, une mesure de lisibilité deviendra une possibilité de surfacturation.


    Mais une des objections les plus fortes et qui n'est jamais mise en avant est celle-ci :

    Le Tiers Payant Intégral Généralisé est le premier pas vers l'industrialisation complète de la médecine.

    Car la mise en avant des honoraires payés aux praticiens est une astuce pour cacher le coût exorbitant des examens complémentaires, des "nouveaux" examens complémentaires "innovants" qui, tels les "nouveaux" médicaments "innovants", ne sont ni plus performants, pour certains, ni plus pertinents, pour d'autres, que les anciens, mais beaucoup plus chers et qui, surtout, sont prescrits à tort et à travers, notamment en urgentologie et en oncologie, sans que les médecins hiérarchisent selon des critères de sensibilité / spécificité très rationnels. Brigitte Dormont avait souligné dans un article paru dans Esprit (voir mon commentaire LA) que c'étaient les examens complémentaires qui coûtaient cher chez les personnes âgées, pas l'allongement de l'espérance de vie.
    Ainsi le Tiers Payant Généralisé est-il l'assurance donné aux fabricants de matériel et aux administrateurs de cliniques (et d'hôpitaux, car le problème est le même) que les nouveaux scanners et autres IRM sur puissants (sic) pourront être vendus encore plus chers et rentabilisés en douceur par une inflation d'utilisation. J'ai déjà montré dans le billet précédent (LA) que les fonds de pension internationaux sont derrière, tant pour les mutuelles que pour les groupes d'hospitalisation privée, surfant sur la vague du Droit à la santé et du consumérisme (parce que je le vaux bien) pour "explorer" tout le monde et "diagnostiquer", c'est à dire sur diagnostiquer et sur traiter avec l'assentiment des agences gouvernementales et des conférences de consensus sponsorisées.
    Les malades numérotés, diagnostiqués, protocolisés, étiquetés avec des bracelets aux couleurs chatoyantes, seront algorithmés et, tels du bétail, sans rien payer (enfin, il y aura encore l'impôt, et les cotisations de mutuelles), pourront être baladés d'un service à un autre, les fameux réseaux mutualistes approuvés par les ARS (mais ces réseaux existent déjà dans l'intimité des hôpitaux publics et privés -- le cabotage interne entre spécialistes de niveaux de compétence différents, et dans le copinage loco-régional des adressages au mépris des règles élémentaires de l'intérêt du malade), et "chargés" financièrement...  Les tâches considérées comme subalternes, mesurer la pression artérielle, vacciner les enfants, seront effectuées par des structures ad hoc et seront supervisées par les fonctionnaires de l'ARS qui diront la médecine sans les médecins...


    Enfin, petit point dont je ne perçois pas les conséquences réelles :

    Le Tiers Payant Intégral Généralisé va rendre les centres de santé inutiles et / ou les cabinets libéraux pluri disciplinaires inutiles.

    Tout le monde sera logé à la même enseigne.

    Dans un prochain billet, je vous parlerai des réseaux de soins et du fait que les médecins généralistes, encore une fois, sont les dindons de la farce, combien certaines spécialités ont des difficultés bien réelles et comment les ARS sont les relais de l'industrialisation de la médecine.

    Ainsi aurais-je pu faire grève, mais pas cette grève, car j'ai d'autres raisons de mécontentement mais surtout celle-ci : la médecine générale est encore une fois la dernière roue du carrosse. Et j'interroge systématiquement mes patients sur ce qu'ils ressentent de ce qu'ils ont entendu et vu dans les medias sur les raisons de ce mouvement : c'est pathétique.

    A suivre.

    Crédit photographique : Grève des mineurs en GB (1984). The Guardian.


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    Tiers Payant Intégral Généralisé expliqué aux patients : l’UFML, trop c’est trop d’arrogance médicale !

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    Je vous ai expliqué pourquoi j'étais contre le Tiers Payant Intégral Généralisé et que les raisons essentielles en étaient le surcroît de travail administratif et l'éventuelle baisse de revenus que cela pourrait entraîner (voir LA).

    Je viens, après diffusion par mon ophtalmologiste favori dont vous pouvez consulter le blog ICI, de voir une vidéo de l'UFMLASSO sur le Tiers Payant Généralisé Intégral intitulée (sic) "Le tiers payant généralisé expliqué aux patients..."

    Les associations de patients, les porte-paroles des associations de patients, surtout celles qui sont inféodées à big pharma ou aux agences de communication ou aux applis santé, voire aux instances gouvernementales, m'accusent de ne pas les entendre et... me boycottent (ce qui me fait doucement marrer). Eh bien, elles devraient réagir, car, que l'on puisse encore intituler quelque chose "bla bla bla expliqué aux patients", cela me rend songeur. Je pense à cet éternelle arrogance médicale, ce paternalisme rampant, cette façon intemporelle de prendre les patients (et ici les citoyens) pour des khons, et notamment, là, sur un sujet économique, en ricanant aussi bruyamment que dans cette video à 7.19 (7 minutes et 19 secondes), car dire que des médecins, s'ils vont faire grève pendant huit jours en fermant leur cabinet et en n'assurant pas les urgences, c'est dans l'intérêt bien compris de leurs patients, cela me donne des fourmis dans les poings.

    Nul doute qu'à l'UFML on soutienne l'Education thérapeutique, l'entretien motivationnel et autres moyens modernes pour convaincre les patients de se mettre dans le droit chemin (on me murmure dans l'oreillette que certains médecins ont une vision saine de ces choses et ne les utilisent que dans l'intérêt du patient, dont acte, mais je pense que la majorité de ceux qui détournent ces techniques le font pour asseoir leur autorité et le suivi de leurs prescriptions justes et pleines de tact) mais cette technique du "La culture des olives en basse Provence expliquée aux patients" mériterait que leurs auteurs publiassent dans un journal avec comité de lecture...

    Je vous laisse donc voir cette video et écouter la voix doucereuse et mielleuse du récitant (François-Marie Pradeille).


    Un peu de commentaires après ces 7 minutes et 39 secondes de paternalisme gnan gnan ?

    J'ajoute que j'aurais tellement aimé, je ne sais pas si le verbe est le mieux choisi, pouvoir faire la grève, mais comme je vous l'ai dit, pas cette grève, 

    0.03 Bescherelle pour Md. Touraine

    0.20 "Etonnamment, les Français semblent séduits par cette idée (i.e. le Tiers Payant)..." Traduction par moi : "Les Français sont des khons ou des veaux" et ne comprennent rien à la problématique des médecins qui sauvent le monde et qui demandent plus de liberté (notamment tarifaire) pour mieux soigner.

    0.28 Le récitant annonce aux patients : "On vous prend pour des imbéciles" en vous disant que cela va être gratuit. Et le récitant de comparer la consultation médicale à un plein d'essence et / ou à une baguette de pain, et par la même occasion les médecins aux pompistes et / ou aux boulangers, ce qui montre la forte estime que l'UFML (ou son truchement) a d'elle-même et de la profession médicale alors que ses défenseurs théoriques devraient au contraire se valoriser et la valoriser, la profession. Nul doute que je vais avoir droit au commentaire suivant : pompiste et boulanger sont deux professions respectables. Ce à quoi je répondrai : combien de médecins conseillent-ils à leurs enfants d'être pompistes ou boulangers ?

    0.40 : Chapitre victimisation : "Le médecin a des bouches à nourrir". C'est la complainte des malheureux docteurs... Car tout le monde sait en ce pays que les plus pauvres, ce sont les médecins, enfin, les plus pauvres des diplômés, parmi ceux qui ont fait Polytechnique ou HEC, ceux qui travaillent le plus, et que pour revaloriser notre métier la pitié sera certainement un moyen très efficace. Comme on dit : "Il vaut mieux faire envie que pitié." Cette tendance à la victimisation est un des travers de la "modernité", il y a même une compétition victimaire. Il n'est pas de jour où les enseignants, les policiers, les médecins et... les employés de Orange (dont on a montré qu'ils ne se suicidaient pas plus que les autres) ne revendiquent le titre de profession des suicidés...

    0.56 Le schéma est faux et, surtout, n'annonce pas, avec la fin du paiement, la fin des franchises.

    1.22 Pas un mot des citoyens sans mutuelles (argument pourtant utilisé quelques secondes après).

    1.40 Le problème de l'obstacle financier. Le récitant s'appuie sur une étude de l'IGAS, organisme honni par l'UFML (il suffit de lire son site), qu'il utilise quand cela arrange les arguments de la dite UFML, qui prétend qu'en deçà de 50 euro l'acte médical il n'y a pas d'obstacle à l'accès aux soins... Dont acte. Mais, et il y a un gros mais, l'étude compare la C du MG (j'imagine) à des soins dentaires et des lunettes (et / ou lentilles), ce qui, on ne peut que le constater, est tout à fait différent. Le récitant oublie de parler des prescriptions secondaires (examens complémentaires) qui peuvent être remises pour cause d'avance de frais à faire par le patient, même pour ceux qui cotisent à une mutuelle. Là où le récitant ment également par omission, c'est qu'il ne parle pas, justement, des consultations supérieures à 50 euro, pas seulement les grands docteurs hospitaliers mais les pédiatres en secteur 2 ou les cardiologues ou les ophtalmologistes ou les dermatologues ou... ou... ou. Parce que cette vidéo est faite pour convaincre les MG de faire la grève pour les spécialistes d'organes... Le monde de l'UFML est ainsi fait : d'un côté les assurés pauvres qui ont droit à la CMU ou à la CMU-c et pour qui c'est, comme ils disent, "open bar" ou "all inclusive", et de l'autre les cotisants de mutuelles pour lesquels c'est pareil mais avec des honoraires libres et pleins de tact.

    2.10 "Les délais d'attente pour une consultation sont liés aux gouvernements successifs et au numerus clausus" Que l'histoire est belle quand on la refait... Pas un mot des syndicats médicaux, pas un mot des experts successifs en santé publique qui étaient pour (à ce sujet lire Claude Got sur la question : ICI), non, tout est dû aux gouvernements (i.e. de gauche et de droite, j'imagine l'establishment si cher au FN...) et surtout pas aux médecins, pas aux syndicats médicaux et pas à l'Académie de Médecine. Mais surtout le récitant oublie de dire que c'est le tout médical et le consumérisme qui paralysent le système, c'est normal il parle aux patients, il ne peut pas leur dire qu'ils sont aussi responsables en allant aux urgences pour une pharyngite ou chez leur médecin traitant pour un rhume. Il ne leur dit pas non plus, il réserve cela aux vidéos pour les médecins, que le tiers payant va entraîner, non une inflation d'actes, mais une surfacturation de ces actes !

    2.20 On repart sur l'IGAS, devenu comme par magie le nec plus ultra de la réflexion libérale, et on apprend que 35 % des actes sont déjà réalisés en tiers payant. Bigre ! Trente-cinq pour cent d'actes bradés ? Déjà ? Et qu'en Italie et au Portugal la C de médecine générale va de 90 à 100 euro (source Le Figaro, journal scientifique de référence, à moins que cela ne soit pour la coupe de cheveux). Mon expérience interne du Portugal est plus contrastée : il y a des dispensaires pour les pauvres et des cliniques privées pour les riches... et, entre les deux des C un peu plus élevées qu'en France dans un pays où le smic est à 565 euro par mois...

    2.38 Le récitant dit alors que les médecins peuvent déjà accorder un tiers payant partiel de 6,90 (hors Alsace Moselle, je précise), le prix d'un paquet de cigarettes, ajoute-t-il avec un ton sarcastique en notant "que bien sûr  personne ne peut se payer cela en France". Quel mépris ! encore un libéral qui dit aux pauvres quels doivent être leurs choix de vie...

    3.24 A partir de là le récitant dit qu'il n'est pas anormal que les prescriptions, pas leurs consultations, des médecins puissent être soumises au tiers payant généralisé. Les autres professionnels de santé apprécieront, pharmaciens, kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, podologues...

    4.00 Le récitant assure alors que le paiement du médecin par l'assurance maladie et les mutuelles va le rendre non libre. Et de prédire l'apocalypse... sans parler des honoraires libres qui, selon les lois du marché, vont s'auto réguler grâce au tact et à la mesure de notre ami qui rêve sans doute de C à 100 euro (si les C atteignaient les 50 euro, par exemple, je devrais quand même penser à téléphoner à Cahuzac pour lui demander des conseils de placements défiscalisés)

    Vers 4.16 nous avons droit à la démagogie la plus pure avec une image gratinée censant illustrer la phrase  "le malade acceptant le tiers payant qui vend peu ou prou son droit d'aînesse pour un plat de lentilles", l'image d'un négrier faisant frapper ses esclaves nègres par d'autres esclaves nègres (les fantasmes de l'UFML sont très "signifiants"), sans doute des kapos, le patient perdant son indépendance (ce qu'il a perdu à 35 % déjà, voir plus haut, c'est à dire que le médecin généraliste prescrit libre pour les "riches" et mal chez les pauvres dans la même journée, encore de l'inconscient où je ne m'y connais pas) et cela, je cite "pour 23 euro, la moitié du prix d'un toilettage pour chien". Je crois, et je pèse mes mots, que le récitant, et ceux qui parlent par sa bouche, ont un gros gros problème de self et que le reste de leurs problèmes vient de leur inadéquation entre ce qu'ils pensent d'eux, ce qu'ils voulaient être, l'image qu'ils se renvoient d'eux-mêmes et l'image qu'ils ont vraiment dans la société. Un médecin généraliste comme le récitant aurait besoin d'un manuel de survie freudien en monde hostile pour ne pas dire des choses aussi lourdes de sens...

    4.49 Nous entrons dans le sublime : l'UFML, sans doute dans une poussée de gauchisme dont même les dirigeants de clinique ne la sentaient pas capable, s'inspirent d'une étude menée par un cabinet  de conseil (Richard Bouton, cela ne rappelle rien à personne ?) sur les centres de santé de la mairie de Paris où le coût du tiers payant est estimé à 4,88 euro... par acte. Mais le récitant, qui fait partie du choeur des vierges libérales, ne nous dit rien du fonctionnement d'un centre de santé, du nombre d'employés non médecins, et cetera, par rapport à un cabinet dit libéral de ville... Pourquoi ne nous dit-il pas que d'ores et déjà, puisque 35 % des actes sont déjà "gratuits", la consultation est à 18,10 euro pour les médecins pratiquant déjà le tiers payant... De qui se moque-t-il ?

    5.32 Et nous voici donc repartis dans des coûts encore plus pharamineux... avec des statistiques de l'ARS, encore une amie de l'UFML, et nous en sommes, allons-y à la louche, à "4 à 9 euro par acte" pour le tiers payant. Qui dit mieux ?

    6.0 "Perte de 28,5 % de ses revenus", bing "hors coût informatique". Sont pas informatisés à l'UFML ?

    6.53 : Voici la vraie nature de Bernadette : l'UFML se moque de la "philosophie sociale", rires gras à partir de 7.19... 

    Et enfin le récitant cite Desproges et Devos et là j'hésite sur le signifiant du signifié (à moins que cela ne soit l'inverse).

    Il ya comme un malaise.

    Bon, c'est mon dernier billet avant la grève.

    Je pars en vacances pour ne pas faire le jaune (mais c'était prévu), je suis remplacé, et je ne fais pas comme certains collègues qui ont affiché Grève sur leur porte de cabinet dès la semaine dernière alors qu'ils partaient déjà en vacances.

    Su quelqu'un veut discuter avec moi, et d'autres, de l'avenir de la profession, la médecine générale, il y a 759 billets à lire sur le site.

    Je retravaille le lundi 29 et j'enverrai les patients des cabinets grévistes non à l'hôpital, on ne peut à la fois critiquer les urgence et leur envoyer des patients non urgents, mais à l'antenne locale de l'UFML, si je la trouve (voir ICI les deux représentants de l'UFML sur les Yvelines, un MG et une esthéticienne MG) ou aux syndicalistes grévistes pas en vacances.

    Bonne grève.

    Illustration ICI


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    Bonne année 2015

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    L'année 2015 sera un tournant pour les médecins généralistes. Si la courbe des nouvelles installations ne s'améliore pas il semble clair que la partie sera finie.

    Je voudrais fournir quelques données (que vous connaissez déjà) et explorer quelques pistes (que nous avons déjà évoquées) qui expliquent le déclin actuel --mais qui pourrait devenir inéluctable-- de la médecine générale telle qu'elle est pratiquée et de la médecine plus généralement.

    Je parle ici des sociétés hyper "développées".

    La médicalisation de la vie est sur le point d'être achevée.
    Il n'existe plus un espace de notre vie (et de notre mort, et de notre conception) qui ne soit abordé sous l'angle de la médecine. La société, après avoir exigé d'être "soignée", exige désormais d'être en "bonne santé" selon la sotte définition de l'OMS (La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité) datant de 1946 et elle ajoute : peu en importent les moyens et peu en importe le coût. Il est amusant de lire cette définition de l'OMS à la fois comme une déclaration de "gauche" dans le sens du droit à la santé pour tous (la santé n'a pas de prix) et comme une déclaration néo libérale qui conduit aujourd'hui à l'utilisation du corps humain, et notamment celui des femmes, et au développement du Quantified Self grâce aux applis de santé.



    Le "triomphe" de la médecine ou l'aveuglement des médecins.
    Les médecins pensent sincèrement avoir permis l'amélioration constante de l'espérance de vie, et maintenant de l'espérance de vie en bonne santé, mais un certain nombre d'éléments indiquent que ce sont plus les progrès de l'hygiène et des conduites individuelles qui ont permis la fantastique courbe que voici (source INED). Il est normal que la société les croit et leur demande encore plus.


    La négation du rôle de l'hygiène et des conditions de vie comme le triomphe du marché des soins payants. 
    Mais si le rôle de l'hygiène est évident dans le cas de la rougeole :

    Il est moins évident dans le cas de la diphtérie.


    Ces courbes sont tirées du livre de Thomas McKeown : The Role of Medicine: Dream, Mirage or Nemesis ? (1979) que j'ai reprises sur le blog de Doctor Skeptic (LA).

    L'arrogance de la médecine comme moyen de ne plus parler des inégalités sociales.
    Puisque la médecine peut "tout", pourquoi parler des conditions de vie, pourquoi parler de pénibilité du travail, pourquoi prévenir les risques évitables, pourquoi prévebir les addictions, et cetera ? L'accessibilité aux soins est un plafond de verre : seuls les riches éduqués sont placés au dessus.

    Espérance de vie à 35 ans selon le sexe et la catégorie socio-professionnelle.
    Une femme cadre a une espérnce de vie de 51,7 ans à 35 ans.


    Les médecins désormais sommés de se mettre à la disposition de la société.
    Après avoir été les vedettes de l'amélioration constante de l'espérance de vie et, désormais, de l'espérance de vie en bonne santé, les médecins sont devenus pour la plupart les victimes consentantes de cette obligation sociétale. La société impose moralement aux médecins de s'impliquer dans des domaines de la vie devenus médicalisés : rappelons ici que l'IVG par aspiration n'a pas été "inventée" par un médecin, que la procréation médicalement assistée peut ne pas être médicale, que les peines de coeur sont désormais psychiatrisées à l'instar des "maladies" psychiatriques décrites de façon exhaustive dans le DSM, et que la mort (fin de vie et euthanasie) devient un impératif où les médecins doivent s'impliquer. (on apprend aujourd'hui que la Belgique autorise l'euthanasie d'un détenu qui s'estime incurable : on va sommer un médecin de pousser la seringue. Voir LA)

    Sainsbury's GP surgery programme in supermarket



    L'ère de la consommation médicale.
    Nous sommes définivement entrés dans l'ère consumériste, c'est à dire que les médecins (pas tous) qui refusaient l'EBM car ils n'acceptaient pas les valeurs et préférences des patients sont confrontés maintenant à des demandeurs de soins qui, informés par le café du commerce de l'internet (et ce n'est pas péjoratif), veulent tel médicament, exigent tel examen complémentaire, imposent tel spécialiste d'organe ou telle clinique ou tel hôpital. Ce consumérisme est fondé sur la traduction française du self néolibéral rawlsien états-unien, à savoir "Je fais ce que je veux et vous m'emmerdez". Et il faudra être un médecin compliant pour survivre, un médecin dépensier, un médecin béni-oui-oui, un médecin qui rapporte (car l'autre volet de la consommation, c'est celui qui est en face du consommateur, le pourvoyeur de soins, car le médecin qui travaille en clinique, pour survivre, pour payer ses redevances, il doit bosser et fermer sa gueule, sur diagnostiquer et sur traiter, pas tous, bien entendu) et dans ce système consumériste le médecin sera (est déjà) pieds et poing liés à l'adminitration fiscale, à big pharma et à big matériel.




    L'Evidence Based Medicine mise au service de big pharma.
    L'évidence de l'intérêt de l'Evidence Based Medicine n'a pas été comprise car ce qui gênait les médecins était que l'on pût d'une part leur imposer des données scientifiques qui ne correspondaient pas à leurs pratiques intuitives et d'autre part leur imposer l'irruption du patient pensant et réfléchissant dans leur cabinet de consultation. Cette incompréhension a permis à big pharma d'identifier l'Evidence Based Medicine aux seules études contrôlées, études réalisées par big pharma, études permettant par l'élévation constante de leurs coûts de mettre hors jeu les essais publics ou faits directement par les autorités académiques, de corrompre les investigateurs et de demander des prix de remboursement des médicaments de plus en plus élevés.



    Le paradigme de l'oncologie.
    L'oncologie est devenue le premier lever de croisssance (avec la vaccinologie) de big pharma. Au delà des succès réels de la spécialité dans certains domaines (hématologie, cancer du testicule, cancer de l'ovaire, et cetera) l'oncologie, se fondant sur la vulgate de l'Eglise de Dépistologie, sur les bons sentiments (tout faire pour sauver une vie) et sur la crédulité de la société et des médecins a réussi l'exploit incroyable de protocoliser le cancer (l'objectif étant, selon un tsar de la cancérologie, d'inclure tous le spatients dans des essais), de privatiser la recherche, d'obtenir des prix délirants pour 71 produits ( parfois dangereux) permettant d'allonger l'espérance de vie de 2,1 mois (ICI) au prix de 10 000 dollars par traitement.

    Le lobby santeo-industriel.
    Nous en avons tant parlé de la corruption de l'Etat, de l'Université, des centres de recherche et du fait que les conférences de consensus sont totalement infiltrées par les intérêts de big pharma, de big matériel et de l'industrie agro-alimentaire.

    Est-il possible de faire une autre médecine ?
    Je m'arrête là.
    Malgré tous nos défauts, il me paraît que ce sont les médecins généralistes aidés de leurs correspondants favoris qui sauveront le système et pourront lutter contre les pratiques délirantes que sont la dépistologie sauvage, la prescription indue d'examens complémentaires inutiles, de médicaments "nouveaux", chers, mal évalués et parfois dangereux et sont les seuls, de par leur "ignorance" et de son acceptation, de gérer l'incertitude, les symptômes qui ne font pas maladie, les maladies construites comme les patients qui consultent car ils font grève de la société, grève de leur milieu professionnel, grève de leur couple, grève de leurs enfants, grève de leurs voisins, grève de leurs amis. Et qui ne sont pas "malades" pour un sou.
    Je vous ai jadis proposé la Sécession (LA). Possible ?



    Je suis fier d'être médecin généraliste (mais pas celui là).


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    Un début de matinée de merdre.

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    Y a des jours comme cela...
    Le contenu de la médecine générale.
    J'ai lu récemment un billet d'ASK qui donne du contenu à la consultation de médecine générale et qui informe de façon pertinente sur les problèmes que rencontre un médecin généraliste dans l'exercice de son métier. Et dans le cas d'ASK on voit clairement que la CPAM n'est pas en jeu, que les complémentaires sont aux abonnées absentes, qu'il s'agit d'un problème sociétal où la CPAM, outil aveugle, est présente accessoirement. Je vous laisse le lire : ICI.
    Comme je suis un casse-pied, j'aurais pu faire quelques commentaires qui ne sont pas les mêmes que ceux d'ASK, ce qui montre que dans un cas aussi simple que celui-là, la vaccination d'un nourrisson de 4 mois en bonne santé, il y a de quoi écrire un traité de médecine et un traité de sociologie par la même occasion.

    Voici un banal relevé des banales questions posées dans le brillant billet de ASK.
    1. Les vaccinations recommandées du quatrième mois : ASK ne nous dit pas desquelles il parle, ce qui nous entraînerait dans un débat sans fin et, pour moi, perdu d'avance, sur l'intérêt de vacciner contre l'hépatite B, puisque presque tout le monde pense le contraire de moi (ne pas vacciner).
    2. Les antibiotiques : où l'on se rend compte que leur prescription / non prescription se situe très au delà de leur intérêt scientifique (oh, le gros mot) qui est établi pour l'essentiel dans le cas de leur usage lors d'une rhino-pharyngite. On se rend compte que les croyances sont non seulement grand public mais qu'elles sont aussi professionnelles (et, pour remonter à l'historique des antibiotiques, il s'agit d'un effet collatéral de la toute puissance de la médecine et d'un complexe jeu d'allers-retours entre le prescripteur et le prescrit) et que le médecin qui prescrit des antibiotiques au cas où en laissant au patient le choix de les utiliser ou non ne se rend pas compte, alors qu'il pensait faire le malin et donner de l'autonomie aux parents du nourrisson, qu'il se résigne à ne plus avoir aucun rôle médical. 
    3. La vaccination contre la gastro-entérite : ASK aborde le sujet du pouvoir de la publicité grand public et du rôle des médias manipulés dans la progression du cash flow de big pharma avec l'agrément tacite et parfois volontaire de l'appareil d'Etat. Tout comme l'ombre tutélaire de Coca Cola et de McDo comme éléphants dans la pièce quand nous parlons nutrition et régimes avec nos patients.
    4. Les croyances des médecins (ici d'un médecin du travail) qui donnent leur avis sur tout et surtout dans un domaine qu'ils connaissent à peine. Ce qui pose la question, à mon avis crucial, et paradoxal en ce cas, de l'avis d'expert que l'on peut critiquer en sa spécialité et hors de sa spécialité et celui du médecin généraliste qui, en théorie, devrait tout savoir sur tout puisqu'il lui est possible de recevoir n'importe quel malade, et qui, contraint et forcé par la charge de travail et par sa tendance naturelle à croire ses "maîtres", par lassitude intellectuelle également et faiblesse physique, finit par "suivre" des recommandations, fussent-elles consensuelles, et biaisées.
    5. La vaccination chez le pharmacien, au delà des polémiques sur les rôles respectifs des professions pharmaceutiques et médicales, indique clairement la limite existant entre l'acte intellectuel prescriptif / non prescriptif et l'acte technique lui-même. Pour provoquer (mais à peine quand on voit les chiffres américains des sur traitements) : les acte intellectuel de décider de dilater, stenter et / ou ponter des coronaires et technique de le bien réaliser ne devraient pas être confiés à la même personne.
    6. La plagiocéphalie, l'ostéopathe et le couchage sur le côté. Pour faire vite, ce chapitre pose les questions de l'enfant parfait (une tête bien faite), de la division du travail (taylorisation de la médecine), de la contradiction principale (le risque de mort subite) et de la contradiction secondaire (la forme de la tête), de la mode sociétale pour des médecines alternatives (médecine étant un bien grand mot) et du self parental (je décide pour mon enfant ce qu'il y a de mieux en ayant regardé Le magazine de la santé ou après avoir lu Doctissimo).
    7. Le savoir faire et le savoir ne pas faire, cette dernière attitude étant inquantifiable et donc vouée à l'échec normatif. Le rôle, selon moi (mais je n'ai fait que copier ce que j'ai lu ici ou là), du médecin généraliste étant surtout de résister à faire et de contenir les actes et prescriptions inutiles en gérant l'incertitude et en s'y résignant.
    Et voici quelques faits bruts sur ce début de matinée de merdre.

    8 heures 30.
    Monsieur A, 56 ans, me dit bonjour, me souhaite une bonne année et me tend un dossier de la MdPH, dossier qui a toujours tendance à déclencher chez moi une poussée d'urticaire (et bien que j'aie lu avec attention les bons propos du docteur Milie en son blog). Je le regarde ahuri car j'ai rempli le même dossier en octobre (c'est noté dans son dossier électronique). Il confirme mais, d'après lui (et on sait que les propos des patients...), ce serait "la fille de la MdPH" (il est incapable de remplir un dossier lui-même) qui aurait coché la mauvaise case et le dossier aurait été adresssé pour renouvellement de la carte de stationnement (dont, me précise-t-il, il se moque totalement). Je râle. Parce qu'en outre, Monsieur A est venu pour le "renouvellement" de son ordonnance, "Vite fait". Je prends mon ton docte pendant que le malade se met à pleurer car il ne touche plus depuis novembre ses indemnités adulte handicapé et qu'heureusement que sa femme, qui est elle aussi handicapée, touche également une pension, car sinon, "ils n'auraient plus de sous" et je lui dis qu'aujourd'hui je vais recopier ce putain de dossier (que j'avais fait photocopier et que je dois aller rechercher dans le dossier papier), c'est moi qui parle, et qu'il prendra un rendez-vous pour le prétendu renouvellement d'ordonnance...

    8 heures 46
    Madame B vient avec son petit-fils C.
    Parce qu'il tousse.
    Elle a rendez-vous pour elle.
    "Vous pouvez nous prendre tous les deux ?
    - Non. Il faut choisir.
    - Examinez-le."
    Le gamin (de 9 ans) que je vois épisodiquement car il est rarement malade n'a pas grand chose. Je l'examine calmement et je manifeste mon énervement à l'égard de la maman que j'avais déjà prévenue.
    Mais la grand-mère me tend un papier où il est écrit, de la main de la mère, "SVP, dépakine pour l'enfant (et pour son frère plus âgé et également épileptique), un certificat pour l'école et bla bla bla."
    La mère, je la connais depuis qu'elle est gamine. Je l'ai engueulée l'autre jour car elle voulait un rendez-vous tout de suite (il n'y avait pas de place ce jour là) et qu'il fallait la dépakine pour ses enfants qui n'en auraient plus le lendemain. "Le pharmacien peut te dépanner - Oui mais non il va donner un générique..." Je lui ai quand même fait une ordonnance entre deux.
    Il est 8 heures 58.
    La grand-mère me dit : "A moi."
    Je dis non.
    "J'irai voir ailleurs. - Ok."
    Elle passe devant la salle d'attente où attendent les deux rendez-vous suivants. "Ah, ben, vous n'avez que deux personnes..."

    9 heures 1
    Monsieur et Madame D (qui ont pris deux rendez-vous).
    Monsieur D, 72 ans, a été opéré "du cœur" et j'ai des difficultés d'équilibration avec previscan. Je fais une incise : Pourquoi les cardiologues français ne prescrivent-ils pas de la coumadine ? Pourquoi ? Cela ne peut être un intérêt financier avec une boîte de 30 comprimés qui coûte 3,85 euro ! Mystère de chez mystère.
    Monsieur A a été opéré dans une clinique privée et tout s'est bien passé. 
    Il y a juste un truc qui me titille chez cet homme de 69 ans : il me demande une ordonnance pour doser les PSA. On lui a dit, à la clinique, et après qu'il a eu des difficultés à pisser après la levée de sonde, qu'il fallait doser le PSA pour savoir.
    Je m'emmerde donc à expliquer l'inexplicable. Est-ce la faute de la CPAM, des Mutuelles, des ARS ou de la khonnerie des cardiologues qui font de l'urologie ou des urologues ? 
    Je ne prescris pas de PSA.

    9 heures 15
    Madame D, 71 ans, vient pour un "renouvellement". Quelques douleurs ici ou là (arthrose) et un peu de paracetamol et de tramadol.
    Son problème, c'est quand même sa cheville droite.
    Elle est allée voir un médecin généraliste mésothérapeute (après que je lui ai dit qu'il était urgent d'attendre et que la kinésithérapie comme on lui avait pratiqué était de la daube et après qu'elle n'eut pas suivi mes "conseils" d'auto kinésithérapie de renforcement de l'articulation) qui lui a fait 9 séances et qui, désormais, lui demande de faire une IRM.
    Je garde mon calme. Finalement : je n'en ai rien à cirer. Qu'elle se débrouille. Elle a vu un mésothérapeute à 35 euro la séance, OK. j'en ai assez de lutter contre ces khonneries. Il est possible que le remboursement par les complémentaires favorise le passage chez le mésothérapeute...  On est quand même dans un cas de hors parcours de soins. Aurais-je dû dire à la patiente (que je connais depuis des lustres) : "Allez vous faire voir ailleurs ?" Je ne l'ai pas fait.
    Au revoir Madame, au revoir Monsieur.

    9 heures 32
    Madame E, 68 ans, viens de se faire déboucher les carotides gauches dans une clinique privée, centre d'excellence du département, au décours d'un AVC. tout s'est bien passé. J'ai reçu en temps et en heures le compte rendu, le chirurgien m'a même appelé au décours de l'intervention. Elle vient pour que je "renouvelle" l'ordonnace d'un mois qu'elle a eue à la sortie ("montrer au médecin traitant" est  manuscrit sur l'ordonnance tapuscrite).
    Voici le traitement : pradaxa, exforge, crestor.
    Donc, voilà, je suis en face d'une ordonnance qui ne me convient pas. Elle vient d'être, brillamment, opérée par un chirurgien en qui j'ai confiance et la prescription de sortie est WTF.
    Que dois-je faire ?
    J'ai renoncé pour de multiples raisons et je sais que je ne suis pas à approuver.
    Mais je vais appeler le chirurgien. Promis.

    Ras le bol.

    Heureusement que j'ai pu noyer mon découragement dans une abondance malsaine de travail (36 C et 1 V). J'ai quitté le cabinet à 19 heures 30 sans avoir sauvé (mon associée était encore là).

    La partie est perdue, mes amis.

    Aux dernières nouvelles la grand-mère qui devait aller voir ailleurs a pris rendez-vous pour la fin de la semaine. Je serai cool.

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    Je ne suis parfois pas Charlie et Je suis parfois Charlie.

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    Je ne suis pas allé marcher l'autre dimanche.
    Non parce que je suis insensible à l'assassinat de 17 humains par des khons psychopathes.
    Non parce que des hommes d'Etat dont je ne partage pas les idées ont manifesté.
    Non parce que des citoyens dont je ne partage pas les idées ont manifesté.
    Mais, comme ça, par philosophie.
    Je me suis toujours méfié des mouvements de foule et de mon attitude dans les mouvements de foule (cf. infra mai 68). J'ai toujours eu peur de l'uniformité des rassemblements, des gens qui "communient". L'épisode black, blanc, beur (où je ne suis pas allé) m'a immunisé. Mais il y en eut d'autres avant. Les Comités Vietnam, Pierre Overnay, les Premier Mai de l'Ultra Gauche, Malik Oussekine, et compagnie.
    Mais je n'ai rien à dire contre ceux qui ont défilé et avec lesquels, demain matin, je serai toujours aussi peu d'accord et autant d'accord. Si ça les a ressourcés, si ça les a rendus plus forts, si ça les a rendus plus solidaires, s'ils ont eu le sentiment d'avoir participé à un mouvement historique ("J'y étais")... Tant mieux.
    Et je n'ai pas regardé ni ne regarderai pas les images sur BFM (on me dit dans l'oreillette que les gens qui y sont allés ont regardé les images sur BFM).

    J'ai mal à mon athéisme.

    Je suis parfois Charlie ou Je suis ou j'ai été Charlie.
    Je fais partie de la génération qui avait 16 ans en mai 68.
    Je fais partie de la génération qui a crié "CRS SS". J'en ai honte.


    A l'époque il y avait L'enragé, le prédécesseur de Hara-Kiri puis de Charlie qui montrait De Gaulle avec des béquilles SS (le dessinateur était Willem). C'était ma période mystico-lyrique. J'ai honte encore.



    Hara-Kiri a été interdit pour une "Une" bien banale.


    J'avais ri à l'époque et je n'en ai toujours pas honte.
    Et Charlie a été créé.
    Et je me rappelle, entre Hara-Kiri et Charlie, que Reiser me faisait vraiment très rire.


    Donc, j'ai été, je suis, je pourrais être parfois Charlie.
    Parce que, dans le privé, je suis capable de parler comme les dessinateurs de Charlie dessinent. Mais cela dépend avec qui. Et pas en public.

    A un moment j'ai cessé de rire avec Charlie et j'ai cessé d'avoir envie de l'acheter. Mais j'ai des explications : j'ai vieilli, j'ai compris que cela ne servait à rien, je me suis sans doute aigri, je me suis senti visé, je ne sais quoi encore. N'oublions pas non plus que la diffusion de Charlie était tombée à 48 000 exemplaires avant les assassinats. il n'y avait pas que moi qui avais cessé de rire ou du moins d'avoir envie de rire.


    Je suis quand même Charlie car il m'arrive encore (cf. twitter @docdu16) de faire des vannes de potache mais aussi entre amis, entre copains, entre connaissances, entre collègues, et ces vannes de potache sont en général condamnées vigoureusement par les gens qui ont défilé cet après-midi, parce qu'elles sont légèrement sexistes, légèrement homophobes, légèrement racistes (je raconte des histoires juives aux juifs, des histoires blacks aux blacks, des histoires rebeu aux rebeu mais raconter des histoires juives à des rebeu, est-ce bien raisonnable ?) et que ce n'est pas sociétalement correct. Ainsi ne peut-on pas se moquer d'une blonde sans se faire traiter de sexiste et / ou d'anti genriste  et peut-on dire que Mahomet c'est de la merdre au nom de la liberté d'expression... Comprenne qui pourra.


    Mais Je ne suis pas toujours Charlie.

    D'abord, et sans faire de démagogie, les morts de Charlie sont une partie du massacre. Il n'y avait pas que des dessinateurs, il y avait d'autres victimes. Détail sans doute mais les flics, ils n'avaient rien dessiné, ni les consommateurs casher, ni l'employé de maintenance de Charlie... Mais n'allons pas faire de la concurrence victimaire.

    Et je ne dis pas non plus, comme certains, qu'ils l'ont bien mérité (mais ne croyez pas qu'il n'y ait que des anencéphales qui le disent, il y a aussi des cortiqués, mais ils se planquent, ils se cachent). Enfin, ils ne se cachent pas tant que cela. Vous pouvez voir ici de quel bois ils se chauffent (LA), ces khonnards finis.



    Et les trois assassins ne sont pas des crétins, des abrutis, des khons, ce sont simplement des assassins, car j'en connais des crétins, des abrutis, des khons qui ne feront jamais cela. Ce sont des psychopathes et ils ont un cerveau, ce sont des êtres humains, et ce n'est pas seulement une affaire de bonne éducation car il y a des assassins qui sont allés à Harvard, à Cambridge ou à la Sorbonne et qui trouvent que tuer des gens c'est très bien. Mais c'est aussi affaire d'éducation. Cela va sans dire. Mais ce n'est pas suffisant.

    Non, Je ne suis pas toujours Charlie car, bien qu'athée, libre-penseur, peut-être agnostique à la fin de ma vie, on ne sait jamais (le fameux pari), tout ce que vous voulez, et bien que je pense que les Vedas, les sutra Mâhâyâna, la Torah, la Bible, le Coran (pardon pour les oublis) sont à la fois de magnifiques objets d'études et des contes de fées merveilleux (imagine-t-on la Une de Charlie avec comme accroche "Les contes d'Andersen, c'est de la merdre." ?) et rien de plus, je ne me sens pas supérieur en étant athée, et les expériences d'athéisme militant d'Etat ont été des catastrophes meurtrières absolues (sans parler de leurs textes sacrés qui ont fait l'objet de commentaires innombrables, ce qui, donc, ne veut rien dire sur le plan culturel). J'ajoute que si je me marre en privé des dessins anti cléricaux et autres, je pense que dans la sphère publique il n'est pas besoin de choquer pour choquer, d'agresser pour agresser, de déconstruire pour déconstruire. Ce qui ne veut pas dire interdire.



    Je ne suis pas toujours Charlie bien que je sois contre les religions par principe (et ce qu'elles représentent) mais, en bon lecteur de l'anthropologie, je ne peux nier le fait religieux qui a existé et existe (et existera ?) dans toutes les parties du monde. La croyance touche toutes les cultures, tous les pays et le mysticisme ne se résume pas au fait religieux. Et la culture liée à la religion est un pan majeur et incontournable de l'histoire de l'humanité. Malraux disait : "Que serait l'histoire de la peinture sans la Nativité ?". Eh bien, on peut être athée et contempler et apprécier des Vierges à l'Enfant ou être un amateur de la peinture primitive.



    Non. Je ne suis pas toujours Charlie car dire à un catholique que le pape est un enculé ou à un musulman que le prophète est un pédophile, qu'est-ce que cela m'apporte et qu'est-ce que cela nous apporte ? Vous le dites en privé à vos amis et / ou relations musulmans ou catholiques ? Vous pourriez certes leur dire car ils savent, cela va sans dire, que vous n'êtes ni raciste ni religionophobe, mais les autres, ceux qui ne comprennent pas le second ou le troisième degré, ceux qui ne vous connaissent pas, vous allez leur délivrer des vannes racistes et blasphématoires et vous pensez qu'ils vont vous sourire et vous dire "Je suis Charlie." ?

    "T'es khon" me disent les grands esprits, tu confonds blasphème et racisme. Je ne confonds pas mais dans le cas de Mahomet, il est clair que les deux sont mélangés pour certains. Non ?

    N'oublions pas non plus que la France est une terre anti cléricale. Que l'on a depuis l'époque des Lumières (je pourrais développer le rejet des Lumières encore maintenant par des catholiques ou d'ores et déjà par des musulmans ou des juifs mais surtout par des intellectuels de "gauche" qui pensent en toute sincérité sans doute que la philosophie des Lumières est une idéologie coloniale et occidentale qui ne serait pas universelle... je pourrais également parler de ceux qui se revendiquent des Lumières comme d'un ostensoir sans en tirer les conséquences sur Notre société) bouffé du curé. Après la loi de 1905, on expulse les religieuses et les religieux et on fait l'inventaire (des tabernacles notamment) dans les églises et ce n'est pas doux, on voit des religieuses dans la rue sorties de leurs couvents....

    Expulsion du Grand séminaire de Quimper en 1906

    Apprenons l'histoire à nos concitoyens, racontons leur la vie d'Emile Combes (dont je ne suis pas un thuriféraire) et disons leur que les religionophobes se moquent de savoir qui est qui et quoi est quoi. Relisons à haute voix les textes anti cléricaux, ils tomberont de leurs chaises, les ignorants, et les moines soldats (je n'ai pas le temps ici de vous parler du mysticisme politique chez les militants d'extrême-gauche) vous traîneront devant les tribunaux de la bonne conscience. La violence physique qui a été exercée à l'époque à l'égard des catholiques était sans commune mesure avec celle, plus symbolique, exercée aujourd'hui en France à l'égard de certains musulmans. Mais nous ne nions pas non plus l'impact sérieux de la violence symbolique, surtout quand elle est ignorée de part et d'autre, de droite, du centre comme de gauche.

    Semaine sainte à Madrid


    Dirions-nous aujourd'hui, pour lutter contre une hypothétique christianophobie, que l'on ne peut rattacher les croisades au christianisme, pas plus que les guerres de religion, pas plus que l'Inquisition au catholicisme au nom d'une idée que nous nous ferions, tels des Saint Jean Bouche d'Or, de ce qu'est vraiment le christianisme ? Eût-il fallu interdire la série Borgia parce qu'elle montre un pape licencieux, voire plus ? Sommes-nous donc obligés de dire que la charia ce n'est pas l'islam, que Boko Haram ce n'est pas l'islam ? C'est aussi l'islam.
    Ne rien dire permet à certains, je ne parle pas des faurissonniens, des nazillons et des détailleux de l'histoire, je parle des stalinillons qui, négationnistes des crimes du communisme en Europe et ailleurs, ne veulent pas parler, sinon en l'exusant, du passé meurtrier de leurs "coreligionnaires".

    Nous sommes à la croisée des chemins. La société française s'est sécularisée à toute vitesse comme en atteste la diminution continue de la fréquentation des églises et autres lieux de culte par rapport aux Français qui se revendiquent catholiques, protestants, juifs ou je ne sais quoi, et, par un mouvement inverse, elle est traversée par un renouveau du sentiment religieux issu d'une autre religion plus ... exotique et, qui plus est, pratiquée par des immigrés ou Français issus de. Rappelons que le taux des Français qui se revendiquent catholiques est passé de 81 à 64 % entre 1952 et 2010 et que la fréquentation de la messe chez les catholiques est passée dans le même temps de 27 % à 4,5 %.

    Et les anciens laïcards, ceux dont les ancêtres idéologiques bouffaient du curé, agitaient des drapeaux rouges devant les églises, crachaient sur les processions, certains d'entre eux, deviennent islamophiles pour des raisons sociales (les travailleurs exploités musulmans et / ou issus de musulmans), des raisons politiques (le conflit israélo-palestinien) et des raisons anticoloniales  (les indigènes de la république) oubliant le "vieux" principe marxien de la religion opium du peuple venant en sus des exploitations précitées. Et surtout, en oubliant cet aspect majeur, souligné ICI par Ahmed Benchensi (Le 'musulman modéré', une version actualisée du 'bon nègre'), que les Je suis Charlie et les Je ne suis pas Charlie assignent aux musulmans de France un choix entre islamisme et islam modéré et ne leur accordent ni le droit à l'indifférence à la religion, ni le droit à l'athéisme.

    Je ne suis pas toujours Charlie pour les mêmes raisons que je suis parfois Charlie.


    Donc, malgré le nombre imposant des citoyens républicains qui ont défilé, et, on l'a remarqué, en majorité des blancs, des "vieux" et des non issus des "quartiers", je ne me sens ni attardé, ni réactionnaire, ni extrémiste, et il me semble que je peux comprendre le sens de l'histoire, Je ne suis ni Charlie ni pas Charlie, je suis aussi un citoyen engagé.


    A ceux qui penseraient que ce billet n'est pas de la médecine générale, il est nécessaire que je dévoile un lien d'intérêt qui pourrait être un conflit d'intérêt, il est nécessaire que je dise qu'une large majorité de ma patientèle (je n'ai pas fait de comptes détaillés et c'est d'ailleurs interdit par la loi), est musulmane ou se revendique comme telle. Je ne parle pas hors sol, je ne parle pas depuis ma tour d'ivoire, je parle comme je parle avec des patients musulmans qui ne me parlent pas seulement pour certains de Charlie qui est allé trop loin, qui me parlent aussi pour certains du Mariage pour tous qui leur a paru aller trop loin, qui me parlent aussi des Juifs, qui leur paraissent être, malgré Merah et Coulibaly, des chouchous supposés de la République, mais surtout pour certains qui me parlent comme des partisans avérés de la théorie du complot (les services secrets français, le mossad, et cetera) et du fait, pour d'autres, que le numéro d'après de Charlie était une insulte. Mais c'est une autre affaire.

    Nous reviendrons à la médecine générale pure et dure dans de prochains billets.


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    Les palmarès Prescrire 2014.

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    Jésus chasse les marchands du Temple. Leandro Bassano. 1578

    Je suis allé ce matin aux palmarès Prescrire (LA).

    Grande nouvelle : une pilule d'Or a été remise.
    Cela faisait depuis 2007 que cela n'était pas arrivé (acide carglumique - CARBAGLU) : vous connaissez ?
    Quand je regarde les noms des pilules d'or depuis 1981, je me demande si je n'ai pas rêvé.
    Cette année, elle a donc été remise à ORPHACOL - acide cholique : L'acide cholique (Orphacol°) apporte un progrès majeur chez les enfants atteints de rares déficits héréditaires de la synthèse d'acides biliaires primaires, maladie le plus souvent mortelle".
    Merveilleux.
    Nous apprenons qu'il s'agit d'un progrès majeur avec augmentation de l'espérance de vie.
    Cela concerne 20 patients en France.
    Fermons le ban.

    Mais avant cela nous avons assisté à 3 présentations dans le cadre d'une Conférence-débat intitulée : "Le prix des médicaments : quelle logique ?"
    Grosso modo, cela m'a rendu perplexe.
    Puis effaré de voir que La Revue Prescrire "cautionne" de telles interventions : la modératrice n'a rien modéré du tout et n'a cessé de dire : "Comme c'est merveilleux... Comme vous nous avez appris des choses... Comme c'était bien..." On pourrait espérer mieux d'une revue critique. Mais on a appris deux ou trois trucs. Pas plus. Mais sur le fond, que d'inexactitudes, que de manque de profondeur, de recul, de réflexion.

    Je commence par le morceau de choix qui est la première intervention.

    Hépatite C : Médicaments hors de prix = restrictions d'accès aux soins et discriminations.
    Par Marianne L'hénaff, représentante des collectifs interassociatifs Traitements et Recherche (TRT-5) et du Collectif Hépatites Virales (CHV).
    Elle commence son intervention en disant de façon amusante "Je n'ai pas de conflits d'intérêts avec les laboratoires, je n'ai que des conflits avec eux".
    Ce n'est pas tout à fait vrai.
    Pour Traitements et Recherche (TRT-5) il suffit de cliquer ICI pour connaître les sponsors big pharmiens. Et, je pense à Bruno Lina, il y a une maxime qui pourrait faire baver tous les corrompus de la terre : La diversité de sources de financement du TRT-5 contribue a l’équilibre budgétaire du collectif ; elle est aussi et surtout une garantie fondamentale de notre indépendance..
    Pour Collectif Hépatites Virales (CHV) on clique LA pour connaître les sponsors.

    Ce problème étant réglé (1), passons à la suite. Quand le texte complet sera disponible en ligne (par l'intermédiaire de La revue Prescrire) je mettrai le lien LA.
    Commentaire personnel : il est évident que le prix du Sovaldi est "scandaleux" mais il n'est qu'un exemple parmi des centaines d'autres concernant des produits de cancérologie, de rhumatologie et de pneumologie (et d'ophtalmologie par exemple). Nous reviendons sur ces sujets avec la deuxième intervention mais voici ce que j'ai ressenti à propos de celle de Madame L'hénaff.
    Cette dame joue sur plusieurs registres : la colère, le scandale, la morale, le compassionnel, l'anti capitalisme, et... la santé publique.
    Je suis arrivé à la réunion sans en connaître le sujet mais j'avais une certaine culture personnelle et j'avais lu un article fondamental sur le sujet, celui de JF Bergmann paru dans le journal Libération : LA. C'est moi qui grasseye.
    TRIBUNE
    La Sécurité sociale doit-elle dépenser des milliards d’euros pour un nouveau traitement de l’hépatite C qui guérit 90% des malades ? Le prix exorbitant que tente d’obtenir en Europe le laboratoire Gilead pour le Sovaldi (vendu 62 000 euros par malade aux Etats-Unis !) commence à choquer l’opinion et les politiques, comme le montre la lettre envoyée le 3 juillet au laboratoire par quatre députés. Mais ce débat légitime en masque un second : il faut remettre en question l’intérêt des nouveaux traitements. Une tâche difficile, tant la désinformation et la dramatisation ont été bien orchestrées.
    Quand on parle de l’hépatite C, on entend que c’est un virus qui provoque cirrhoses et cancers et qui fait 3 000 morts par an en France. C’est vrai, mais ce n’est pas tout. L’hépatite C est une maladie le plus souvent peu grave, qui dégrade les cellules du foie de façon très lente et prévisible. C’est une maladie transmissible par voie sanguine mais pas par voie sexuelle (hormis certaines pratiques extrêmes) ni par contact direct. Surtout, c’est une maladie en voie d’extinction. En France, le pic de contamination date des années 80, par voies transfusionnelle ou hospitalière. Depuis, l’incidence de la maladie ne cesse de baisser, avec seulement quelques milliers de nouveaux cas par an. Même sans les nouveaux traitements, l’hépatite C aura quasiment disparu dans une trentaine d’années.
    Les industriels en sont parfaitement conscients. Ils ont investi des milliards pour développer une soixantaine de molécules très efficaces tout en sachant que le marché va disparaître. D’où la pression du lobby pour prescrire le plus vite possible, au plus de patients possibles, des médicaments les plus chers possibles.
    Les laboratoires ont évalué ces médicaments chez les patients atteints des formes bénignes, sans inclusion (ou de façon marginale) des cas les plus graves. Du coup, on ne connaît qu’imparfaitement leur efficacité chez les malades qui en ont vraiment besoin - et qui sont aussi les plus résistants aux traitements. L’Agence européenne du médicament a approuvé ces nouveaux médicaments dans une indication d’une largesse coupable, permettant le traitement des malades dont le foie est peu atteint (fibroses F1 et F2), alors que tout médecin responsable sait qu’il n’y a pas lieu de traiter un virus non contagieux lorsqu’il n’est pas dangereux.
    La France participe à ce climat artificiel d’urgence sanitaire. L’Agence nationale de sécurité du médicament a octroyé des autorisations temporaires d’utilisation à tous ces médicaments avec des prix non négociés - jusqu’à 100 000 euros par patient ! La Haute Autorité de santé, d’ordinaire rigoureuse et attentiste, n’a pas eu de scrupules à considérer comme une amélioration thérapeutique importante des associations de plusieurs médicaments qui n’ont jamais été testées dans aucun essai clinique ! Les sociétés savantes d’hépatologie ont établi des recommandations d’associations de nouveaux antiviraux qui n’ont jamais été évaluées, en se basant sur des extrapolations logiques mais hasardeuses.
    Enfin, un récent rapport ministériel n’hésite pas à considérer comme prioritaire le traitement des hépatites C à fibrose modérée (F2) sans tenir compte d’un facteur majeur qui est l’âge. Or, on sait que les patients âgés de 65 ans qui ne sont «que» F2 après trente-cinq ans d’infection ne seront probablement jamais malades (F4) ! Vouloir traiter tous les porteurs du virus tient du fantasme de «Zorro sauvant la planète», alors que l’immense majorité des porteurs n’est ni malade ni contagieuse.
    Que penser d’une telle conjonction de décisions maximalistes et alarmistes, de cette mystification organisée ? L’intérêt des industriels est facile à comprendre. Les hépatologues ont, comme d’autres avant eux, été charmés par les sirènes de l’industrie. Les infectiologues, tout juste sortis victorieux de l’exemplaire combat contre le VIH, rêvent d’un nouveau succès planétaire… Les pouvoirs publics et les agences de santé, aveuglés par le consensus des experts et paniqués par les médias et les puissantes associations de malades, ne veulent pas être accusés d’avoir privé les patients d’une chance de guérir.
    Comme disait Kafka, «lorsque l’on se bat contre le monde entier, en général, c’est le monde qui gagne»Donc crier au scandale, c’est sûrement être inaudible… Il faut bien dire que ces médicaments sont très efficaces, qu’un vrai problème de santé publique demeure en France chez les usagers de drogues et une partie de la communauté homosexuelle, et que la vraie endémie se situe à l’étranger, notamment en Egypte et en Europe de l’Est. Mais raison de plus pour ne pas utiliser inutilement les traitements au mauvais endroit.
    Réclamer près de 100 000 euros par patient alors que le prix raisonnable des nouvelles molécules devrait être de l’ordre de 10 000 euros, c’est un scandale. Mais le vrai scandale est scientifique : ne traitons que la petite minorité de malades qui en a réellement besoin. En traitant 10 000 vrais malades pour 10 000 euros chacun, on ferait aussi bien sur le plan sanitaire qu’en traitant 100 000 faux malades à 100 000 euros, tout en économisant 10 milliards d’euros ! Battons-nous donc contre le monde entier pour un bon usage, raisonné et raisonnable, des médicaments de l’hépatite C. Et si Kafka avait tort ?







    Nous sommes loin de toutes les navrantes approximations de Madame L.
    Son intervention n'était ni plus ni moins qu'une entreprise de disease mongering (voir LA) avec toutes ses tactiques : dramatisation, absence d'évaluation correcte, extension des indications à des stades anté cliniques, manipulation des résultats, groupe d'experts amis, passionnalisation, et cetera. Disease mongering en faveur de big pharma malgré le fait qu'elle et les associations demandent une baisse drastique des prix, l'accès aux pays pauvres et même une autorisation de licence d'office.
    Cela souligne le ménage qui devrait être fait dans les associations de patients qui souffrent de leur maladie infantile à savoir la corruption par big pharma.
    Ce qui ne signifie pas, bien au contraire, qu'il ne faille pas tenir compte des patients et de la scince dite profane. Mais nous en avons déjà parlé et nous y reviendrons un jour...

    Pourquoi les médicaments sont-ils si chers ? La dérive d'un modèle d'affaires.
    Par Marc-André Gagnon, professeur adjoint en politique publique (Ottawa - Canada).
    Son exposé (voir ICI quand il sera en ligne) est intéressant car il souligne les tendances de big pharma pour les années qui viennent. Il rappelle que les coûts de la recherche et du développement sont majorés de façon artificielle par big pharma et que parmi les techniques de gonflement existent à la fois des mensonges connus de tous (dont ceux qui décident des prix), des largesses dues à des fonds publics et des promesses non tenues. Je voudrais ajouter ceci : big pharma se plaint partout des contraintes qu'on lui a imposées d'un point de vue réglementaire et des coûts du développement mais il apparaît que les contraintes réglementaires comme les coûts excessifs lui ont permis de saturer le marché, c'est à dire de rendre le droit d'entrée impossible à assumer par la recherche publique et / ou par de petites firmes privées innovantes (dans ce dernier cas big pharma achète les firmes qui ont commencé le développement en étant certaines d'avoir un produit "rentable").
    Notre intervenant souligne que big pharma est passé du règne des blockbusters (molécules disposant d'un marché potentiel considérable comme les statines, les anti hypertenseurs ou les antidépresseurs) à celui des nichebusters (produits de niches et/ou de maladies dites orphelines) qui autorisent des essais rapides, sur peu de patients, avec des participations publiques, des crédits d'impôts, dans des indications compassionnelles, avec des critères de jugement allégés et des commissions d'évaluation favorables a priori non tant pour des raisons scientifiques que politiques. Mais MA Gagnon souligne également que ce marché permet de saucissonner les indications (salami-slicing) et d'obtenir plusieurs indications orphelines avec une même molécule (il prend l'exemple du Glivec qui a obtenu 7 indications orphelines différentes, ce qui rend l'orphelinat bourré). Sans compter les utilisations hors AMM qui sont suggérées par les firmes, appliquées par les médecins et soutenues par les associations de patients. Petit commentaire personnel : cette politique des nichebusters est sous-tendue par le marketing de la médecine personnalisée, génétique, et cetera (qui a eu de très beaux succès en hématologie par exemple) qui fait croire au bon peuple qu'il sera possible de faire des médicaments patients centrés et que l'on améliorera le pronostic. c'est bien entendu le domaine d ela cancérologie où, je le rappelle, ce sont des données FDA, les 71 derniers produits d'oncologie agréés par l'Agence américaine ont apporté une survie supplémentaire en moyenne de 2,1 mois au prix de 10 000 dollars par mois et de nombreux effets indésirables graves (ICI).
    MA Gagnon nous a dit que big pharma suivait une logique de marché comme toutes les firmes et, après son exposé, nous en avons parlé ensemble, nous sommes convenus qu'il était nécessaire que els autorités de régulation fassent leur boulot, c'est à dire contrôlent et ne soient pas "influencées".
    N'oublions pas non plus que big pharma a recentré son action mondiale sur les vaccins (peu ou non génériquables) où les marges brutes sont considérables, les molécules dites innovantes issues du génie génétique et, surtout, les maladies chroniques (avec l'introduction d'un nouveau concept très vendeur, la chronicisation des affections aiguës ou dont on "guérissait" auparavant (l'exemple de l'addictologie est confondant où l'on ne parle plus de guérir des addictions mais de contrôler les addicts).

    Sortir de l'impasse créée par la situation de monopole des firmes (brevets, droits exclusifs).
    Par Gaëlle Krikorian, sociologue spécialisée sur les questions relatives à la propriété industrielle, notamment dans le domaine pharmaceutique. Elle nous a dit aussi qu'elle était une sorte d'attachée parlementaire au parlement européen mais elle ne nous a pas dit qu'elle appartenait au groupe Europe Ecologie Les Verts (elle avait honte ?).
    Elle nous a essentiellement parlé des brevets (voir son texte LA quand il sera en ligne).
    Beaucoup d'idéalisme dans son intervention, grande croyance en la médecine, des phrases à l'emporte-pièce ("l'économie actuelle du médicament mène au rationnement"), une affirmation selon laquelle "le principe de l'accès à la santé était essentiellement moral" et, j'imagine, non scientifique... A propos de l'essai dont je parlais sur l'amélioration de 2,1 mois de l'espérance de vie grâce à des médicaments oncologiques, elle a dit ceci (ce qui montre son incompétence absolue en termes de santé publique) : "Il ne faut pas rattacher les 2,1 mois à des coûts mais à un bénéfice de santé publique". Elle n'a manifestement jamais étudié un dossier clinique de médicaments ni apprécié la souffrance induite par les chimiothérapies. Sans intérêt.

    On le voit : il y a du boulot.

    Ce que je pourrais reprocher à La Revue Prescrire après que nous avons vu la remise des prix : je ne vois pas ce que viennent faire les industriels sur le podium de Prescrire. Comme le disait Georges Orwell : Je ne veux pas dîner avec un de mes ennemis politiques car je risquerais de voir qu'il est un humain comme un autre.






    Notes
    (1) A la fin de la réunion Madame L'hénaff m'aborde pour me reprocher mon intervention. Of the records (ce pourquoi je vous en parle) elle me dit que le fait d'être sponsorisé n'entame aucunement son indépendance, qu'elle ne reçoit aucun argent directement et que les médecins prescripteurs reçoivent de l'argent de tous les laboratoires et qu'ainsi ils sont également indépendants (c'est la théorie Bruno Lina dont je vous ai déjà entretenu LA). Je lui dis qu'il existe une littérature très importante sur les conflits d'intérêt et qu'il n'existe pas que des intérêts financiers, des intérêts intellectuels, par exemple le fait qu'elle soit invitée à faire une conférence pour La Revue Prescrire. Elle hausse les épaules.

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    Un PSA venu de nulle part. Histoire de consultation 180.

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    Monsieur A, 73 ans, est hypertendu et, accessoirement dyslipidémique. Il est traité par lisinopril 20 mg et pravastatine 20 mg depuis une vingtaine d'années (par le docteur du 16).
    Il est venu avec sa femme, Madame A, 71 ans, qui a déjà "fait" un infarctus et qui souffre de deux ou trois trucs dans le même métal (HTA, diabète de type 2, dyslipidémie).
    Un de leur fils est médecin hospitalier.



    Monsieur A en fin de consultation : "N'oubliez pas le bilan annuel."
    J'avais oublié.
    J'écris donc "Evaluation d'une anomalie lipidique, créatininémie (poids = 83 kilos), glycémie à jeun".
    Lui : "N'oubliez pas le PSA".
    Moi : "A quoi cela peut-il bien servir ?"
    Madame A : "Nous savons que vous êtes contre mais nous aimerions savoir."
    Moi : "Vous voulez que je recommence à vous dire pourquoi le dosage du PSA en général et en particulier chez un homme de votre âge dont l'espérance de vie, grosso modo (là, je m'avance) est d'environ une quinzaine d'années, ne présente pas un intérêt évident quand on analyse le rapport bénéfices / risques ?"
    Ils attendent que je refasse complètement le boulot.
    J'explique, je réexplique, et je m'ennuie comme quelqu'un qui répète presque toujours la même chose et qui finit par se demander si l'autoritarisme, le paternalisme, l'avis d'expert, l'autorité de la chose jugée, le mieux disant médical et tout ce que vous pouvez imaginer, ne seraient pas mieux que les valeurs et préférences des patients...
    Je refais donc le boulot (vous pouvez consulter sur ce blog le libellé Cancer de la prostate (28 occurrences) ou le libellé PSA (10 occurrences).
    J'ai convaincu Monsieur qui reformule qu'il n'a pas envie des complications, du suivi, de l'attente des résultats, dans le désordre.
    Un PSA prescrit par un collègue était à 1,25 (pour une normalité inférieure à 4) il y a environ deux ans.
    Mais Madame A :"Je préfèrerais que vous le prescriviez et nous ne tiendrons pas compte du résultat".


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    Jon Steward s’en va et la corruption en médecine est toujours niée.

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    Bonjour.
    Jon Steward s'en va après 17 ans de bons et loyaux services sur Comedy Central.
    Voir ICI l'annonce de son départ. Et pour ceux qui ne le connaissaient pas bien un résumé succinct et gentillet de sa carrière : LA.


    L'autre soir nous avons appris dans un film de Romain Icard sur la Cinq (Médicaments sous influence, LA, en replay jusqu'au 17 février 2015) ce que personne ne savait, à savoir que big pharma (alias la grande industrie pharmaceutique qui innove et qui trouve les médicaments miracles) trichait.

    Personne ne le savait, personne ne le sait et personne ne veut le savoir.




    Je voudrais dire aussi, car j'ai entendu des propos déplaisants à son égard, que Bernard Dalbregue, l'ex dirigeant de Merck, est un type courageux, qui s'est fait virer pour avoir dénoncé ce qu'il a dénoncé et il est respectable car peu de gens ont osé sacrifier leur carrière pour des dénonciations qui font pschitt le plus souvent.

    On a donc appris dans cette émission qu'à la FDA l'expert qui évaluait le dossier Vioxx était un "honoré" de Merck (le laboratoire qui commercialise le dit produit).
    On a appris qu'à la FDA le fonctionnaire évaluateur qui a constitué le dossier Vioxx qui a été soumis ensuite à l'expertise de l'expert dont on vient de parler dans le paragraphe précédent a été embauché ensuite (deux jours après sa démission de la FDA) par Merck.

    Mais, nous a dit le fonctionnaire français qui dirige l'agence qui évalue les médicaments en France, cela ne se passe pas comme cela.
    Non !



    En France Vioxx n'a provoqué aucun décès (contre 30 000 attribués aux Etats-unis).
    Les Français étaient génétiquement protégés contre les influences néfastes de Vioxx.

    Cela ne se passe pas comme cela en France.
    Pour les vaccins, c'est pourtant ainsi depuis des années.



    La Direction Générale de la Santé prend des décisions après interrogation du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) qui réunit une sous section le Comité Technique des Vaccinations (CTV) dont tous les membres reçoivent au moins de l'argent (ne parlons pas des bénéfices indirects : promotion académique, conférences, valorisation de l'ego) des industriels qui commercialisent les vaccins.
    Ah, le CTV est présidé par Daniel Floret, professeur à la retraite, honoré de l'industrie des vaccins, qui est en poste depuis des siècles et qui, du haut de son intelligence hors pair, fait la pluie et le beau temps dans le monde des vaccins.
    Pour ce qui est de l'inventaire de la corruption du milieu vaccinal, voici un billet éclairant (c'est moi qui l'ai écrit) : LA.



    Le film de la 5 parlait longuement du gardasil.
    Quand on regarde les liens / conflits d'intérêts des mebres des commissions gouvernementales vaccinales on se rend compte que le gardasil est en pointe pour les pots de vin.
    Cela vous étonne ?

    Et pour couronner le tout, nous apprenons grâce à François Maisonneuve en son blog (LA), le lendemain du jour où nous n'avons pas appris la corruption merckienne aux Etats-Unis (pas en France, pas en France) que, je cite Maisonneuve, "La FDA vient de publier un rapport ... écrit par des juristes universitaires..." et que dit ce rapport selon le titre du billet ? Que "Les conflits d'intérêt des experts n'influencent pas les décisions de la FDA..." et il ajoute, notre naïf, "Faut-il encore les déclarer aux revues ?"

    NON !



    Savez-vous, chers amis naïfs, quels sont les sponsors de la Fondation d'où est issu le rapport "blanchissant" le sponsoring ? Et je vous promets, naïf également que je suis, qu'en commençant à écrire ce billet, je ne le savais pas. Regardez cette page : LA.

    Il y a Merck and co., Inc.

    Pour ceux qui n'aiment pas l'investigation ou qui sont feignants de nature Merck and co., Inc, c'est pareil que Merck qui a commercialisé Vioxx. Vous avez saisi le rapport ?



    Donc, François Maisonneuve applique ses propres conclusions à la question qu'il a posée, c'est à dire qu'il ne mentionne pas le fait que les "juristes universitaires", il faut dire que cela fait chicos comme expression, surtout des juristes universitaires états-uniens, c'est à dire qu'il ne mentionne pas que le rapport émane d'une organisation, Law and Economics Center, qui est entre autres sponsorisée par le principal corrupteur historique de la FDA !

    Voici les conclusions maisonneuviennes :


  1. Ce rapport ne trouve aucune preuve montrant que les conflits impactent les décisions de vote des comités d’experts
  2. Les décisions des comités d’experts avec des membres ayant des conflits – et les votes par leurs membres – pour recommander des médicaments sont plus cohérents avec les décisions finales de la FDA et les prévisions des marchés financiers que les décisions des comités et des membres sans conflits

  3. Limiter la participation des membres ayant des conflits peut diminuer la qualité des comités d’experts

  4. Et passez muscade. On remarquera au passage que le mot patient a disparu des radars.

    La corruption en médecine est une réalité.
    Ce qui est choquant n'est pas qu'elle existe (comme on dit : Elle existera toujours) c'est qu'on fasse semblant de croire qu'elle n'existe pas et, par conséquent, qu'on ne fasse rien pour la combattre.

    N'oublions pas que 70 % des médecins reçoivent encore la visite médicale et que 99 % d'entre eux pensent qu'elle ne les influence pas, c'est à dire que Merck and co., Inc, en envoyant ses délégués à l'information médicale (c'est le terme, ne rions pas), fait de la philanthropie pure et simple...



    Merci Jon.
    Le combat qu'il a mené contre Fox News, qui le mènera en France contre Le Généraliste, Le Quotidien du Médecin, Univadis (qui est une division de Merck and co., Inc), le JIM, et cetera ?

    Quand je vois que les mouvements protestataires médicaux utilisent les canaux pourris et sponsorisés sans se rendre compte....

    Merci Jon.




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    Y a-t-il assez d’IRM en France ?

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    Les radiologues pleurent sur l'accès aux IRM : ICI.

    Les communiqués répétés des radiologues insistent sur la médecine à deux vitesses (cette expression valise est souvent tellement inappropriée...) en raison du manque d'IRM en France par rapport à la moyenne européenne. Voir ICI : en cliquant sur les graphes vous pouvez obtenir un agrandissement.



    Quel est le deuxième pays d'Europe qui possède le plus d'IRM par tête d'habitants en 2011 ?
    Réponse : la Grèce (21,8/1M) avec une moyenne européenne de 8,1
    Quel est le pays d'Europe qui pratique le plus d'IRM par tête d'habitants ?
    La Grèce.

    Quel est le pays d'Europe qui possède le plus de scanners par tête d'habitants ?
    L'Islande. Cela ne vous rappelle pas quelque chose, ce pays dominé par les banques...
    Et la Grèce, bonne fille, pratique plus de scanners par tête d'habitants que les Etats-Unis d'Amérique, pays de la gabegie médicale.

    Ce que je voulais dire, et c'est sans doute démagogique, que le nombre d'IRM n'est lié ni à l'excellence du système de santé, ni au PIB mais aux intérêts financiers des fabriquants d'IRM qui polluent la classe politique et le système des rétrocommissions.

    Ce que je voulais dire c'est qu'au lieu de se plaindre urbi et orbi, les radiologues (et nous n'oublions pas, encore de la démagogie, que ce sont les médecins libéraux dont le Bénéfice Net Contrôlé est le de loin le plus coquet) devraient mettre les pieds dans le plat : si les délais d'obtention d'une IRM sont longs, c'est peut-être dû au nombre insuffisant d'IRM (ce dont, vous l'avez compris, je doute, mais cela dépend du marché, je veux dire des endroits du territoire), mais c'est surtout dû à l'excès de demandes d'IRM dans des indications inappropriées, pour des raisons inavouables ou pour "rassurer" le patient.

    Les radiologues doivent donc mieux informer.
    Les radiologues doivent aussi nous dire où il vaut mieux faire un IRM et dans quelle indication et où non.
    Les radiologues doivent pouvoir refuser un examen qui ne leur paraît pas approprié.
    Ce n'est bien entendu pas possible.

    Il y a donc pénurie d'IRM en France.

    Je vous conseille d'aller visite le site de la Société Française de Radiologie qui s'appelle "Guide du bon usage de l'imagerie radiologique" (je remercie Michel Arnould de me l'avoir fait connaître) : LA.
    On peut critiquer ici et là les commentaires cliniques qui montrent que l'on est en présence de non cliniciens mais le trou entre la théorie et la pratique est ahurissant.

    Ce guide est un modèle de dissonnance cognitive.

    La solution passera, comme toujours en médecine raisonnable et raisonnée, par le refus des examens inutiles, c'est à dire le choix des indications.

    Mais ces campagnes sur le manque d'IRM en France sont à situer dans le cadre du dogme de l'Eglise de Dépistologie, c'est à dire toujours plus. Les autorités réglementaires américaines ont autorisé récemment le dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs par scanners. On sait que le nombre de cancers du sein est corrélé, par pays, au nombre de mammographes, sans qu'il y ait un rapport évident avec la mortalité.

    Je n'exagère pas.
    Je ne propose pas la frugalité.
    Je propose une sortie par le haut.


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    Grippe de complaisance, syndrome grippal like, les virus sont casse-pieds. Histoire de consultation 181.

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    Nous sommes en pleine polémique sur le nombre de morts dus à la grippe saisonnière. Les agences gouvernementales parlent d'un excès de mortalité de 8000. On se croirait revenus au bon vieux temps de Roselyne Bachelot (mais ses conseilleurs de l'époque conseillent toujours aujourd'hui dans une suite jamais achevée qui s'appellerait "La conjuration des imbéciles"). Quant au triste Patrick Pelloux, il en profite, à partir d'un chiffre erroné, pour critiquer le système de santé (rien que cela).

    ***********

    A est âgé de 4 ans et des brouettes. Il vient consulter avec sa maman après que mon associée l'a vu il y a quatre jours. "Il a toujours de la fièvre. 39. Avec le doliprane, ça baisse et ça repart." Je lis dans le dossier ce qu'a écrit mon associée : "Probable syndrome grippal. Doliprane. DRP (1). Hélicidine."
    Je réinterroge. La fièvre est constante, baissant avec le paracetamol et remontant au bout de 3 heures. A tousse, mais sans plus, son nez coule, mais sans plus. Je l'examine. Rien de rien sinon une pharyngite, un mouchage postérieur, quelques ronchus bilatéraux, une toux volontiers "laryngée" (j'ai entendu), une toux volontiers nocturne et matinale, pas de signes digestifs sinon une inappétence, un ventre souple, une nuque dans le même métal. Pas de signes urinaires. La bandelette est normale.
    Je rassure. Je ne prescris rien d'autre. Je confirme le syndrome grippal like.
    Au septième jour après la première consultation A revient avec sa maman. Rien de nouveau et rien de moins.
    La maman, 32 ans, est devenue un peu vindicative. Je sens que sa confiance est ébranlée. Quant à moi qui réexamine le petit A, charmant, qui se laisse faire, et qui, hormis la fièvre et quelques céphalées, supporte tout cela avec calme (il est tout juste un peu trop calme), je suis pour le moins embêté.
    Il est des cas où l'expérience rassure et d'autres cas où l'expérience rend prudent.
    Nous sommes un mercredi après-midi et je ne travaille pas le lendemain.
    Je me tâte.
    J'écris un courrier pour les urgences pédiatriques. Je précise tout. Je précise également que je préfèrerais que les examens que j'aurais volontiers demandés en ville (NFS, CRP et clichés pulmonaires), il serait sans doute plus facile de les faire à l'hôpital (je m'attends à des critiques).
    La maman est soulagée.
    Le vendredi la maman vient au cabinet sans son enfant me dire ceci :"J'ai été reçue par une jeune médecin qui m'a demandé pourquoi mon médecin avait envoyé A aux urgences, elle n'a pas été aimable avec vous, ce qui m'a choqué, comment une jeune comme cela peut critiquer notre médecin de famille ?, elle a dit qu'elle avait trouvé une otite, mais elle n'a pas donné d'antibiotiques.... - Et le bilan ? - Elle m'a donné des ordonnances. - Et A ? - Il a toujours de la fièvre."
    Je suis embêté d'être passé à côté d'une otite et je me rappelle bien, c'est même écrit dans l'ordo, que les tympans étaient normaux... Bon (2). "J'aimerais quand même que vous revoyiez A".
    Elle repasse une heure après et je regarde son oreille otitique. Nada, rien, quedalle, que couic. La jeune médecin des urgences... (3)
    Je pars en vacances.
    A mon retour, dans la masse de courrier, une sérologie grippale négative pour A.
    J'ouvre son dossier : radiographies pulmonaires : ITN (4) et la numération ne montre pas d'hyperleucytose à polynucléaires et la CRP est à 10. Mais l'enfant n'est pas revenu consulter au cabinet.
    Je téléphone à la maman. A est à l'école, plus de fièvre mais il toussotte encore.
    Morale : le syndrome grippal like était franchement like, l'otite était je ne sais où, les syndromes viraux peuvent durer une dizaine de jours.

    Le succès de la combinaison augmentin/tamiflu chez cet enfant (utilisation de placebos impurs) eût été, à la sérologie près, une victoire de la médecine moderne contre l'ignorance.




    Notes.
    (1) Désinfection rhinopharyngée.
    (2) Je me rappelle cette histoire : un de mes fils (il avait 4 ans) appelle de sa chambre à 11 heures du soir. "Papa, j'ai mal à l'oreille." Il est apyrétique. Je regarde son oreille : rien. Je lui donne du paracetamol, on le recouche, et on va se coucher. Quatre heures du matin : pleurs. "Papa, j'ai mal à l'oreille." Je râle, je me lève, je reprends mon otoscope et je trouve une magnifique otite phlycténulaire. J'imagine si j'avais vu l'enfant quatre heurs après qu'un autre médecin était passé cinq heures avant sans remarquer une otite aussi typique... Passons. 
    (3) L'autre interprétation : la maman de A m'a menti. Il n'y a jamais eu d'otite. Le saurais-je un jour ?...
    (4) ITN = Image thoracique normale



    Illustration : livre de 1946
    Illustration : la tombe du père de Franck Underwood sur laquelle Kevin Spacey est en train d'uriner. House of Cards, saison 3, épisode 1.
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    Je n’irai pas au cabinet le dimanche 9 mars (LOL) et je serai à Denfert. Préambule.

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    Je vais aller dimanche manifester contre la loi de santé que vous pouvez consulter ICI mais j'ai hésité et j'hésite encore.

    Préambule.

    Cela fait au moins trois siècles et demi que je ne suis pas descendu dans la rue. J'ai été immunisé dans les années soixante et soixante-dix contre les mouvements de foule protestataires qui étaient surtout des selfies (pardon pour l'anachronisme) politico-moraux.

    Parce que je ne suis pas content du tour général pris par la santé publique en France (désolé pour la grandiloquence).

    Le problème vient de ce que je vais manifester (avec) beucoup de gens que je n'aime pas ou que je voudrais pas fréquenter professionnellement. Je pourrais les citer en détail et énumérer les erreurs qu'ils ont commises dans la gestion de nos métiers mais à quoi bon ressasser et à quoi bon me faire penser à mes propres insuffisances, à mon désengagement progressif lié à ma divergence presque totale vis à vis de la pensée ou des pensées dominantes dans mon milieu professionnel ? Car je suis autant coupable que les dirigeants syndicaux qui ont pactisé avec le diable depuis une quarantaine d'années : je les ai laissé faire.
    Je vais (aussi) manifester avec des gens qui croient pouvoir réinventer le monde (à défaut de pouvoir le réenchanter) en faisant des propositions irréelles, irréalistes, corporatistes, et, pour tout dire, démagogiques (le C à 50 euro par exemple, comme il y a quelques années les communistes voulaient doubler le smic, bla bla bla) et qui croient, les braves gens, à l'autorégulation d'une profession qui n'a jamais su se penser. ces libéraux devraient se rappeler Adam-Smith et d'autres qui pensaient que le prix des choses reflétait ce qu'elles valaient réellement. Peut-être que le contenu de nos C "vaut" 23 euro. Peut-être.
    Je vais aussi manifester avec des confrères et consoeurs qui se rendent compte que le monde les a dépassés, que la société n'a plus besoin d'eux en tant qu'experts ou que professionnels ou qu'artisans du corps humain mais qu'elle est en train de les utiliser pour assouvir ses rêves eschatologiques de vie éternelle, d'existence sans douleurs, de soumission des désirs à la technique, de division de la conscience sans réflexion éthique, d'asservissement du corps humain au bien être intégral...



    Les mêmes confrères et consoeurs qui investissent dans les fonds de pension s'étonnent que des fonds de pension investissent dans la médecine (et notamment dans les médicaments, les matériels et... les cliniques privées). Les mêmes qui sont libéraux dans leurs pratiques bancaires, patrimoniales ou fiscales s'insurgent contre la financiarisation de leur métier.

    Le problème vient de ce que je vais (aussi) manifester contre des gens qui sont les instrumentts serviles de la mondialisation de la médecine et qui, au lieu de réfléchir aux adaptations qui pourraient permettre de rendre le système plus acceptable, croient que la seule façon d'être moderne c'est de céder aux sirènes du libéralisme. Le changement de ministre de la santé (et il faut dire que notre ministre de la santé est particulièrement inadaptée à l'empathie, à la réflexion, au dialogue et à la compréhension) ne produirait rien de bien nouveau car la mondialisation est actée dans nos métiers et parce que les fonctionnaires de l'Etat, qu'ils soient de gauche ou de droite, sont paralysés par l'envie de bien faire, c'est à dire de faire entrer définitivement la médecine dans l'ère post moderne : financiarisation, paiement à la performance, normalisation des pratiques, consumérisme, médicalisation complète de la société, hyperspécialisation (alias taylorisation) des médecins, patients en batterie comme dans les fermes industrielles, protocolisation des soins, corruption généralisée depuis les décideurs jusqu'aux professionnels de santé de base, et cetera.

    L'évolution mondiale de la médecine est celui de l'industrie dans les années soixante-dix et il va y avoir de la casse. 
    Cela vaut-il donc le coup de manifester ?
    Je suis parmi les défenseurs de la médecine générale, celle dont tout le monde se fout mais qui fait l'objet de déclarations enflammées et sans suite, et que faut-il pour que le système de santé résiste ? Des artisans, des petits entrepreneurs, des artistes de la relation médecin patient ou médecin malade, des indépendants... mais aussi des hommes et des femmes qui sont conscients qu'ils ne sont plus de ce monde.
    C'est la médecine générale qui sauvera le système mais une médecine générale fière, inventive, libre, propositionnelle.


    Je vais manifester dimanche (je ne sais d'ailleurs pas sous quelle bannière car j'ai compris que personne ne se mélangerait, que chaque syndicat comptera ses troupes, chaque groupe de pression aura son coin, chaque métier, même) mais je sais que le rouleau compresseur de la mondialisation est en train d'écraser l'artisanat de nos cabinets. Je me ferai écraser par les chenilles des chars mais j'aurais été là.

    Inutile ? Sans doute pas si les négociateurs négocient.

    Cela dit, et pour conclure ce préambule par une note plus optimiste : il est donc nécessaire de négocier, de négocier pied à pied, de négocier chaque détail, chaque point, chaque virgule, pour que les technocrates "modernes" et libéraux plient sur un certain nombre de points .

    Pour finir, je vous proposerai dans les deux jours qui viennent deux chapitres importants : les "vraies" raisons de ma manifestation et "mes" modestes propositions pour améliorer le système.

    A bientôt.
    Continuer la lecture

    Je n’irai pas travailler le dimanche 15 mars. LOL. (Quelques raisons) d’aller à Denfert-Rochereau.

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    Pierre Laroque : 1907 - 1997. Fondateur de la Sécurité sociale.

    Je vais aller dimanche 15 mars 2015 manifester contre la loi de santé.

    Je manifesterai pour montrer que je ne suis pas content.

    Je vous ai déjà expliqué en préambule contre qui et avec qui je vais défiler (LA).


    Voici (LA) sur le site officiel du gouvernement le justificatif, je dirais, en termes marketing, l'accroche de cette loi.

    Notre système de santé est performant mais inéquitable, c'est pourquoi il est indispensable de le refonder. La loi de santé s'articule autour de trois axes : prévenir avant d’avoir à guérir, faciliter la santé au quotidien et innover pour consolider l'excellence de notre système de santé.

    Ce préambule est à la fois un tissu de mensonges et un programme atterrant de santé publique quand on connaît les tenants et les aboutissants de tout cela (corruption, fraude, concussion, sur diagnostics, sur traitements, dépistages sauvages, prévention inexistante, prises illégales d'intérêts, pots de vin, et j'en passe).

    Pour ce qui est du projet lui-même, vous le trouverez ICI.

    Je fermerai donc mon cabinet ce dimanche (j'ajoute qu'il est fermé tous les dimanches pour ceux qui n'auraient pas compris).

    A l'origine il y avait trois raisons essentielles pour que je refuse cette loi de santé.

    Je vous les expose : 
    1. Le Tiers-Payant Généralisé. Je suis contre pour des raisons purement administratives car je ne veux pas que ma secrétaire passe son temps à récupérer des impayés ou à ne pas récupérer des impayés (je ne parle donc pas des médecins qui n'ont pas de secrétariat ou un secrétariat à mi-temps... la double peine pour eux...), je refuse cette mesure "socialiste" qui est un chiffon idéologique sur lequel est inscrit le slogan "Accès aux soins pour tout le monde" pour faire passer le reste, à savoir et surtout le fait que la médecine générale est considérée comme de la merdre en barre par des décideurs qui, ne sachant pas ce que c'est que de prendre un rendez-vous chez leur médecin traitant, pensent que les pauvres en sont privés. Pour le reste, les arguments à la khon sur le patient doit payer de sa poche, il faut responsabiliser le patient, cela va augmenter le nombre d'actes, tout ce qui est gratuit ne vaut rien, c'est du flan intégral et des arguments d'hypocrites. Les médecins et les patients sont irresponsables et on le sait depuis longtemps, les médecins en prescrivant tout et n'importe quoi à des malades (ce serait un moinre mal, à des citoyens) qui sont heureux de profiter du système par tous les bouts avec la complicité des premiers. Les médecins et les patients, dans une grande danse effrénée, font du consumérisme à tout va et participent au gâchis généralisé des ressources sans que l'on ressente la moindre amélioration sur la satisfaction de tout le monde et sur l'amélioration des indices de santé publique. L'autre argument selon lequel les honoraires ne vont plus dépendre que d'un tiers qui ne serait pas le patient pourrait effectivement être recevable si cela n'était pas déjà le cas pour environ 70 % d'entre eux... Encore qu'au bout du compte, ce soient quand même les  cotaisations qui règlent tout cela (sans compter le déficit chronique des comptes publics). Non, le problème est administratif, la multiplicité des payeurs (et la multiplicité des régimes, vache sacrée de la République), l'absence de guichet unique, et les difficultés que vont entraîner le paiement d'actes déjà insuffisamment rémunérés. Je serai donc pour quand les problèmes de paiement seront résolus, ce qui n'arrivera jamais.
    2. Les réseaux de soin organisés par les mutuelles. Je suis contre. "La loi permet donc la mise en place de réseaux de soins et autorise les mutuelles à conclure des conventions avec certains professionnels de santé, les assurés pouvant bénéficier de tarifs moins élevés et de meilleurs remboursements." Voir ICI. Nous nageons en plein délire. Les assurés des mutuelles qui, en théorie, n'avancent pas d'argent pour des examens complémentaires, vont payer moins cher. Et c'est la mutuelle qui va choisir pour le médecin traitant quels seront les médecins et les endroits où ils pourront adresser les patients. C'est la générication de la santé et de l'adressage aux spécialistes d'organes. Comment les choix seront-ils faits ? Sur quels arguments ? Sur l'épaisseur de la moquette ? Sur le nombre (non déclaré) d'infections nosocomiales ? Sur le classement du journal Le Point ? Mais il est possible également que le parcours de soin passe à la trappe : les assurés (vous avez remarqué que je n'ai parlé ni de citoyens ni de patients) liront que le docteur X est agréé Mutuelle Machin et il ira le voir in petto.  J'ai toujours été contre les réseaux de soins ou plutôt contre les soins en réseaux (voir ICI) parce que j'ai toujours pensé qu'il s'agissait de l'exportation hors les murs des pratiques et des diktats hospitaliers. Et dans ce cas il n'y avait pas d'intervenants extérieurs au monde médical. On va passer du disease-management CPAM (les khonneries à la Sophia dont l'inanité et l'inutilité sont évidentes et ont été montrées ICI par exemple) au disease-management mutualiste étendu au delà des pathologies chroniques (voir LA pour des informations en français sur le modèle). La loi de santé va formaliser dans le mauvais sens, celui du choix des non médecins (Guillaume Sarkozy, impudent capitaine de mutuelle, par exemple) pour les médecins et pour les patients. Au lieu d'un système de soins centré sur les patients (patient-centered care) cela deviendra un système de soins centré sur les mutuelles qui ne représentent que l'AMC dans le remboursement, c'est à dire très peu, et qui gèreront les choix des médecins. Le monde à l'envers. C'est ce que les Anglo-Saxons appelleraient le stakeholder-centered care. Une abomination.
    3. Le pouvoir des ARS. Désormais les ARS auront les pleins pouvoirs, aidés en cela par la représentation nationale, pour décider de l'implantation des médecins généralistes, pas des spécialistes d'organes qui sont de grandes personnes, mais aussi pour décider de l'implantation des services, des IRM (voir LA) et le reste. La rationnalisation de l'offre de soins est évidemment un objectif louable car ne rien faire signifierait laisser le marché s'auto-réguler, ce qui est une imposture libérale bien connue. Mais les ARS sont les instruments du pouvoir politique, pas les acteurs des politiques de santé, il y a bien des comités de pilotage mais ce sont des comités croupions, le décisions étant prises auparavant. Les ARS, en outre, sont un repaire d'incapables qu'il a fallu recaser à la suite des regroupements multiples, salaires élevés, postes irresponsables, incompétence notoire, voitures de fonction et appartements dans le même genre, après le démantèlement de différentes structures antérieures (comme l'ASE par exemple). On ne peut faire confiance à ces profiteurs ignares du système qui ne connaissent rien à la santé mais qui, forts des modèles économiques extérieurs, et de leurs lectures hâtives sur des expériences étrangères, se posent en experts de la réorganisation des territoires, des coeurs et des reins.
    En réalité, il y a bien d'autres raisons, vous vous en doutez. Les énumérer serait fastidieux mais ferait aussi oublier qu'il nous faut d'abord proposer et ensuite négocier. Il ne faut pas que cette manifestation soit un catalogue de récriminations mais un catalogue de propositions.

    Comment réécrire la Loi Santé ? J'entends bien les slogans "No Négos" mais est-ce bien raisonnable alors que le corps médical et les professions de santé en général tirent à hue et à dia dans des directions parfois opposées ? Quel est le point commun entre le médecin généraliste salarié qui travaille à mi-temps ou à temps partiel en PMI et le radiologue interventionnel qui travaille dans plusieurs cliniques à la fois ? Quel est le point commun entre le médecin généraliste rural qui fait lui-même les points de suture et le médecin généraliste urbain dont le SAMU est distant de quelques minutes ? Quel est le point commun entre l'ophtalmologiste libéral en secteur 2 et le psychiatre libéral en secteur 1 ? Mais je pourrais multiplier les exemples à l'infini. Dire que la FHF (Fédération Hospitalière de France) ne cesse de casser du sucre sur les libéraux qui seraient à l'origine de l'engorgement des urgences, dire que le toujours médiatique Patrick Pelloux, dire que les cliniques privées sont déjà sous la coupe des fonds de pension, dire que les mutuelles, dire que... Si je voulais faire de la démagogie je dirais que le seul point commun c'est le patient. Mais où est le patient ? Est-il visible ? Ou n'est-il qu'un enjeu économique et de pouvoir de plus ? Ou n'est-il qu'un instrument au service de tous ?

    Le slogan "No Négos" est un slogan creux car les grandes avancées sociales (il en est même qui souhaitent des accords de Grenelle...) ont été obtenues, certes par la revendication, mais, plus encore, par la négociation.

    Quant aux états-généraux de la médecine proposés par d'autres ou les mêmes, ceux qui ne sont pas capables de lire la lettre d'un correspondant jusqu'au bout ou d'écouter leur patient jusqu'au bout de ses plaintes, ils voudraient une grande messe, j'imagine le bordel, et on pourrait réunir ce petit monde jusqu'à la fin de la présence de médecins généralistes authentiques dans le paysage médical français, que certains se battraient encore pour être sur la photo.

    Car la plus grosse urgence, c'est la disparition programmée de la médecine générale et de certaines spécialités.

    Où sont les propositions pour que la médecine générale ne disparaissent pas ? Où sont les propositions pour que plus de 17 % de médecins généralistes formés s'installent en libéral ? A part le C à 50 euro ?

    Nous le verrons la prochaine fois.

    Illustration : Pierre Laroque (voir ICI pour quelques éléments le concernant).
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    Marisol Touraine en chef du lobby santéo-industriel.

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    Pendant que les manifestants défilaient loin de ses fenêtres, Marisol Touraine rêvait encore d'un destin national, on avait même appris qu'elle avait pensé au poste de premier ministre avant la nomination de Manuel Valls, mais sa gestion calamiteuse du dossier Loi de santé rend la chose de plus en plus improbable...


    Un Ministre de la Santé sans pouvoir. 
    Marisol Touraine est ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femme. Mais quel est son véritable pouvoir ? Quelle influence peut-elle avoir sur la Santé publique ? De quelles marges de manoeuvre dispose-t-elle ? Est-il possible, hormis le sociétalisme et le clientélisme, de faire une politique de gauche en ce domaine ? On peut ergoter à l'infini sur qui serait de gauche et sur ce qui serait de droite en Santé publique, il vaudrait mieux se concentrer sur l'essentiel, à savoir l'évolution des désirs de soins (spontanés, stimulés ou construits) dans les pays développés, du fait que la médecine est devenue une marchandise comme les autres, mais qui en douterait encore ?, et que cette marchandisation liée à l'hypermédicalisation de la société fait qu'il n'est plus possible d'agir qu'à la marge... Les tendances constatées dans les pays développés, le modèle américain en particulier, nous amènent à douter d'une évolution humaniste et raisonnable de la santé et nous convainquent plus certainement de l'arrivée d'un modèle purement consumériste avec lequel nous serons contraints de nous adapter ou de mourir. La révolution est en marche et, comme en d'autres domaines, il sera difficile de lutter comme dans le commerce contre la grande distribution, comme dans l'industrie contre la robotisation, comme dans l'élevage contre la mise en batterie, comme dans l'alimentaire contre l'uniformisation, comme dans l'information contre le gigantisme des trusts, comme dans la finance contre les paradis fiscaux et les fonds pourris. La discussion en Santé publique n'est plus entre "libéralisme" et "socialisme" mais entre néo libéralisme de droite et néo libéralisme de gauche. Les différences sont ténues et ce ne sont pas les franchises qui vont emporter le morceau.




    La Loi de santé : un fourre-tout minable et non préparé.
    Marisol Touraine n'a pas d'états d'âme mais elle est d'une maladresse insigne ou d'une bêtise dans le même métal. Cependant elle est certaine de son fait. Ce qu'elle accomplit au Ministère est fondamental pour sa carrière. Etre chef, ou se croire être chef de la Santé publique en France, lui est monté à la tête.
    Son cabinet et ses soutiens dans le Parti pensent que cette Loi de santé est la seule, en dehors des mesures sociétales déjà instaurées, qui pourrait valoriser le quinquennat, marquer les esprits sur le plan social et entraîner sur certains points comme le tiers payant généralisé, l'adhésion des frondeurs, de la gauche de la gauche et des écologistes.
    Animée par une volonté farouche de ne pas écouter et de ne pas comprendre que prendre en grippe les professionnels, a fortiori quand on a tort, ne peut mener qu'au désastre et à des conséquences délétères dont la première serait la disparition pure et simple de la médecine générale telle que nous la connaissons actuellement. Ce dont, a priori, elle se moque complètement. Mais elle n'est pas la seule.
    La médecine générale est condamnée par tous et chacune des mesures de cette Loi de santé concourt encore plus à sa perte.
    Marisol Touraine est aussi très maladroite puisque, sur le sujet du tiers payant généralisé, elle arrive à se mettre à dos, les médecins qu'ils soient de droite, de gauche, du secteur 1, du secteur 2 ou d'ailleurs, les mutuelles, petites ou grandes, les assureurs, les prévoyants alors que chacun aurait pu y trouver son miel.


    Marisol Touraine, bras armé du lobby santéo-industriel.
    La Ministre de la santé se sent investie d'une mission alors qu'elle n'est que le bras armé du lobby santéo-industriel qui la manipule comme il a manipulé tous les ministres et sous-ministres de la santé qui l'ont précédée. La Santé publique en France est sous influence. Comme ailleurs dans le monde, sans doute, mais, comme nous sommes en France, n'est-ce pas, parlons de ce que nous connaissons un peu.
    Marisol Touraine croit, à l'instar de ses prédécesseurs et prédécesseures, qu'entourée des meilleurs experts du pays (sic) elle est capable de décider par elle-même, alors qu'elle n'est le porte-voix des intérêts financiers de ces experts, créés, élevés, nourris, chouchoutés et, finalement, humiliés, par l'argent de l'industrie pharmaceutique, des fabricants de matériel, des assureurs et des banquiers, et elle est persuadée qu'elle est capable de décider par elle-même ce qui est bon pour les médecins, ce qui est bon pour les citoyens, de ce qui est bon pour les malades, ce qui est bon pour sa réélection.



    Marisol Touraine à la tête d'un système mafieux.
    Qu'il s'agisse des membres de son cabinet, qu'il s'agisse des membre de la Direction Générale de la Santé, qu'il s'agisse des dirigeants des Agences gouvernementales, qu'il s'agisse des happy few qui décident du prix des médicaments, qu'il s'agisse des membres des différents Comités techniques appartenant au Haut Comité de la santé publique ou à d'autres institutions aux ordres dont le fameux Comité Technique des vaccinations, qu'il s'agisse des membres de l'Institut de veille sanitaire, qu'il s'agisse des hauts fonctionnaires des Agences régionales de Santé, qu'il s'agisse des dirigeants de la Caisse Nationale d'Asurance Maladie et de tous les autres régimes, tous ces membres, tous, sont mélés peu ou prou à l'argent, aux influences intellectuelles, politiques et sociétales de l'industrie pharmaceutique et des fabricants de matériel. Sans oublier l'argent répandu incidemment par les industries agro-alimentaires et les trusts les commercialisant, les marchands de sodas sucrés, les vendeurs de hamburgers, les marchands de vin et d'alcool, les marchands de tabac, voire les constructeurs automobiles.
    Tous les hauts fonctionnaires, tous les experts, tous les membres à vie des différents comités, tous les directeurs d'agence avec appartement et voiture de fonction, tous les grands professeurs qui parlent à la télé et à la radio, tous les petits professeurs qui en rêvent, tous les universitaires qui rêvent d'être khalifes à la place du khalife, toutes les petites mains, touchent, touchent, touchent, palpent, palpent, palpent, s'empiffrent, s'indigestionnent de l'argent public et de l'argent privé, les tickets de vestiaire comme les repas de midi et du soir, les voyages dans les congrès, les hôtels de luxe ou de moins luxe, et, par l'intermédiaire des Cercles de réflexion où se côtoient les membres de tous les partis dont les moins recommandables, se prennent des décisions influant largement la Santé publique.
    Ce n'est pas seulement l'argent qui a tout pourri, c'est aussi le goût du pouvoir, la reconnaissance des  pairs, l'entre soi des universitaires, la conjuration des imbéciles, le partage des prébendes et des prises d'intérêt illicites.



    Marisol Touraine est sous influences.
    Mais Marisol Touraine a aussi des préjugés : elle croit, en écoutant, en mangeant, en épargnant, en passant des soirées dans des assemblées de sachants, avec ses amis professeurs, son ami le distingué Pelloux, ses amis politiques comme les ex mutualistes de la MNEF puis de la LMDE impliqués puis relaxés dans des faits d'une grande gravité puisqu'il s'agissait ni plus ni moins de pomper l'argent des étudiants, de financer des emplois fictifs, que pour être dans le ton, il faut à la fois toucher au pouvoir, sentir le frisson des grosses sommes, montrer son attachement à l'argent, elle croit donc que seul l'hôpital public est paré de vertus.
    Marisol Touraine se vautre dans ce milieu. Elle n'écoute pas la base, elle oeuvre pour le peuple, elle fait son bonheur malgré lui, elle s'entoure de conseillers croupions, de conseillers flatteurs, d'administrateurs déchus de mutuelles étudiantes corrompues, d'apparatchiks qui n'ont jamais rien fait de leurs dix doigts sinon repasser dix fois leur mastère, de conseillers hypercortiqués qui ont compris que pour flatter la ministre il fallait lui dire que le socialisme à visage humain, c'était Jules Guesde et les conseils d'administration du CAC 40, le pouvoir et la concussion, que la modernité c'était d'accepter le capitalisme tel qu'il était (on ne peut refaire le monde), donner le pouvoir à l'industrie seule capable de sauver les sociétés à condition de ne pas être controlée, donner la parole aux lobbys en faisant confiance à leur bonne foi, délivrer les clés de la société à la mondialisation financiarisée qui s'exprime désormais au niveau médical grâce à l'Organisation Mondiale de la Santé et à la fondation Bill et Melinda Gates, rêve achevé de gouvernement mondial de la santé dirigé par les grands argentiers de la planète et les grands groupes internationaux.



    Marisol Touraine hait les sans dents.
    La liquidation définitive de la médecine générale est des objectifs affiché de cette Loi de santé car, nous l'avons écrit plusieurs fois, et, au delà de ses défauts que j'ai largement dénoncés, la médecine générale, dans sa structure actuelle, décentralisée, incontrôlable, rebelle, irrespectueuse et parfois aussi suiviste, irresponsable, dérange car c'est elle, désormais, qui constitue le contre pouvoir contre les lobbys de la Faculté, de l'industrie, des cliniques, des marchands de vent, des ostéopathes, homéopathes, naturopathes, holopathes, c'est elle qui fait office de whistle blower, de dénonciatrice, de lanceuse d'alerte, c'est elle qui représente la common decency, qui dit ce qu'il ne faut pas dire (et je ne reprendrai pas ici les exemples nombreux depuis le fluor chez le nourrisson, les médicaments anti Alzheimer, le dosage du PSA, le dépistage organisé du cancer du sein, le vaccin anti papillomavirus)... Il est donc nécessaire de l'abattre.
    Marisol Touraine, en bonne femme politique (et on n'oubliera jamais, en ces périodes de parité obligée, que les femmes sont des hommes politiques comme les autres), sait (avec Pelloux lui soufflant dans la nuque) en même temps exprimer du faux respect et de la vraie haine pour les manants et les sans dents, tous ces médecins qui n'ont pas fait carrière à la Faculté, tous ces médecins qui n'ont pas fait carrière à l'hôpital, tous ces médecins qui ont choisi le "libéral" pour gagner de l'argent sur le dos de l'humanité souffrante, tous ces médecins mal classés dans les concours de médecine, tous ces médecins qui n'ont pas su ou voulu faire carrière dans ces structures si accueillantes que sont les hôpitaux, où les meilleurs ne sont pas toujours élus ou nommés  pour cause de manque de dents pas assez longues, d'idées politiques pas assez changeantes et en raison de leur impossibilité à être des tueurs. Madame Touraine vomit le libéral généraliste, le libéral de base, celui que l'on appelle, c'est selon, le pivot, le soutier, l'OS, le bon à rien et bon à tout, le médecin généraliste, le spécialiste en médecine générale dont la tache essentielle est de besogner dans le domaine de la bobologie, discipline honteuse dénoncée à la fois par Bernard Kouchner et Emmanuel Chartier-Kastler, le libéral qui vole son argent, qui se fait payer ses études par l'Etat et qui, autre tare, ne suit pas aveuglément les directives de la DGS et de big pharma réunis.


    Le soutien des arrivistes qui rêvent de pouvoir.
    Mais Marisol Touraine n'est pas seule, elle s'appuie sur des aussi arrivistes qu'elle, elle a des relais puissants, les syndicats médicaux qui, tels les Curiaces arrivent au négociations en ordre dispersé en courant après les médailles, les syndicats médicaux qui, lancés dans une course effrénée au pouvoir, acceptent tout et prennent tout, qui, préoccupés seulement par des intérêts particuliers, finissent par oublier qu'ils sont médecins, mais aussi les groupes de pression qui, demandant la lune, n'auront que le doigt, mais aussi les associations de patients dont certaines se disent ouvertement associations de consommateurs (comme Que Choisir) ou qui avouent leurs liens et avec l'Etat (comme le CISS, syndicat patronal comme il en existe dans les usines) et avec big pharma (Renaloo et autres)...



    Une Loi de santé calamiteuse.
    Marisol Touraine est aussi inconsciente ou sotte puisqu'elle est en train de promettre sans contrepartie les données de santé individuelles aux mutuelles, aux assureurs et aux publicitaires. Confondant big data et données scientifiques, elle pense, la naïve ou l'imbécile, le doute serait-il permis ?, que la communication des données individuelles de chaque patient pourra plus faire avancer la recherche que rendre transparents les patients pour les mutualistes également assureurs et prévoyants, c'est à dire leur permettre de faire passer la France du principe assurantiel de stricte prohibition à celui du laissez faire imposant aux citoyens d'être soumis (parfois à leur insu) à des tests sensés donner des indications sur leur espérance de vie et donc à moduler leurs primes d'assurance.

    Marisol Touraine mise sur les réseaux de soins gouvernés par des mutuelles, mutuelles qui en rêvent et qui en font, à l'image de Guillaume Sarkozy, président de Malakoff-Medéric, leur futur fond de commerce d'un monde paradisiaque où ce seront les mutualistes/assureurs qui choisiront les médecins pour leurs sociétaires, les cliniques où ils pourront être explorés et se faire hospitaliser et/ou opérer, tout en choisissant sans doute, et sur quels critères !, les matériels qui permettront les diagnostics et les traitements, en promettant une baisse des coûts et en conduisant les praticiens et autres professionnels de santé sur la dangereuse voie des négociations tarifaires individuelles portant à la fois sur les honoraires et sur le choix des thérapeutiques.

    Marisol Touraine, en bonne socialiste qui n'a pas peur de l'argent, s'appuie aussi sur les fonds de pension qui ont investi désormais les cliniques privées devenues des usines taylorisées pour malades, des fonds de pension qui financent des instituts privés au coeur même des hôpitaux publics, qui ont désormais investi les mutuelles qui se piquent d'acheter des enseignes d'optique avant d'acheter des cliniques, des laboratoires d'analyse (une réforme rondement menée dans l'indiférence générale), des pharmacies (dont la disparition prochaine est annoncée), des cabinets médicaux, voire des dispensaires, des fonds de pension qui ont complètement perverti l'oncologie faisant croire que l'Institut Gustave Roussy était un institut public alors qu'il n'est que la pompe à phynances de big pharma, dans sa variante big onco, et ne sert qu'à promouvoir des thérapeutiques inutiles vendues à grand frais prescrites par des oncologues rapidement formés dont l'objectif principal est d'inclure des malades condamnés dans des protocoles éprouvants, inutilement douloureux, mais extraordinairement rentables pour l'industrie elle-même (qui vend très cher avec des AMM bâclées des produits à peine testés et adoubés par des commissions qui touchent aussi l'argent des industriels, et dont les études sont publiées dans des journaux sponsorisés par elle-même, des articles bidonnés et bidonnants qu'aucun comité de lecture ne relit jamais sinon pour en corriger les incongruités trop flagrantes), un IGR dont on pourrait souligner les liens avec les ARS... Et la boucle est bouclée.

    Mais ne croyez pas que cette description apocalyptique soit exagérée. Elle est très en dessous de la réalité. Seule la prudence me rend circonspect. Car l'affaire Mediator dont on nous rebat les oreilles, l'affaire Mediator, modèle de la corruption d'Etat (et pour laquelle l'Etat ne sera pas inquiété), elle n'a rien changé et elle ne changera rien, ne croyez pas non plus qu'elle est unique, elle est un des éléments de la corruption maffieuse et l'affaire Mediator, elle continue encore, non avec Mediator mais avec d'autres produits, d'autres laboratoires, d'autres experts, qui agissent en ce moment sous nos yeux, et tout le monde se tait, tout le monde est aveugle, tout le monde empoche, et Marisol Touraine n'y voit que du feu (soyons aimable). Elle n'y voit que du feu car elle "croit" aux experts que le lobby santéo-industriel a nommés pour elle, elle "croit" aux explications amphigouriques des visiteurs médicaux de la mafia de big vaccin, par exemple. Je ne voudrais pas alourdir mon propos mais le fait que les seules vaccinations obligatoires en France, diphtérie, tétanos, et polio, il ne soit pas possible de les pratiquer sans rajouter d'autres vaccins, eux, non recommandés, sinon en faisant des contorsions administratives. Est-ce normal ? Mais surtout : le sur diagnostic et le sur traitement en cancérologie mais, maintenant, dans tous les domaines thérapeutiques où il existe de prétendues thérapies ciblées, c'est le règne du sur diagnostic, des sur promesses, du sur traitement, du sur prix, qui en parle ?

    La médicalisation complète de la société.
    Marisol Touraine la souhaite, et elle l'associe au néo libéralisme spirituel (Chacun fait ce qu'il veut, veut, veut...) dont l'Eglise de Dépistologie est un des symboles, l'Eglise de Dépistologie qui a comme dogme que tout organe doit être exploré, que tout incidentalome est un bienfait du ciel, que toute "lésion" et/ou comportement "anormal" doivent être pris en compte au risque d'inquiéter à tort, de diagnostiquer à tort ou de sur diagnostiquer ou de sur traiter parce qu'il faut faire plaisir aux industriels de la mammographie, aux industriels de la cancérologie, aux industriels de l'hospitalologie ou de la clinicologie, aux industriels de la cardiologie qui ne peuvent envisager un patient sans le bilanter lourdement, sans le traiter lourdement... Mais Marisol Touraine est aussi la porte-parole du lobby santéo-industriel qui combat, au nom du fameux néo-libéralisme parfois libertarien, les sociétés non savantes de Préventologie : la collusion avec les lobbys n'a pas de frontière connue, pour elle.
    Sa volonté d'être in, de participer au mouvement mondial de la croissance ininterrompue, ici de la médicalisation du monde, de la médicalisation des comportements (traiter les déviants), de la médicalisation de la prévention, de la généralisation du dépistage et de la non mise en oeuvre de la prévention, elle n'en connaît rien, elle est seulement un instrument bieveillant et les mafieux n'ont pas besoin de lui mettre une arme contre la tempe, elle le fait de bon coeur.

    Il nous manque un Balzac pour raconter cette société et ses Illusions perdues, il nous manque un Zola pour décrire La Fortune des Rougon, un Flaubert pour rappeler les Bouvard et Pécuchet de notre époque, un Molière pour moquer les Diafoirius et les Petits Marquis que l'on voit se succéder dans les ministères, les dîners mondains et les émissions de télévision sponsorisées par les publicités autour et alentours, un Jules Romains pour nous reknockiser cette société marchande, consommatrice de soins, déjà néolibérale sur le plan philosophique (je fais ce que je veux au moment où je veux et au diable les conséquences pour les autres) et encore libérale sur le plan social (le néolibéralisme c'est pour demain et on verra ce qu'il en est des programmes sociaux, de la CMU ou du RSA), il nous manque aussi un George Bernard-Shaw qui alliait la critique sociale et sa détestation de la médecine et de certains médecins, un Thomas Bernhardt pour rendre compte de la bêtise, de l'obtusité, de la corruption implacable de nos élites et de leur insatiable envie de pouvoir et d'argent, sans compter, désormais, et nous ne sommes pas loin de l'Autriche, la ou les collusions avec l'extrême-droite. Sans oublier nos amis McKeown et Illich pour nous éclairer sur la vraie nature de ce systéme maffieux. Peut-être nous manque-t-il surtout Dashiel Hammet et James Elroy.

    En guise de conclusion.
    Nous sommes à la fin d'un monde.
    Nous arquebouter sur nos certitudes d'hier fera que nous serons les victimes de cette révolution consumériste. Résister ou nous organiser ? Ou proposer du neuf ? C'est l'enjeu.


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    Guy Vallancien à propos de l’argent comme Célimène vis à vis de ses soupirants.

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    Une tribune récente de Guy Vallancien (ICI), néolibéral affirmé et PSAolâtre distingué, qui fait suite à d'autres et qui précède celle-ci (LA) où il affirme avec véhémence que l'argent lui paraît être inodore, indolore, neutre et sans danger sur les cerveaux mandarinaux, trop forts les gars d'échapper à la dissonance cognitive, et a fortiori celui venant de big pharma ou de big matériel, fait penser (sur une suggestion de Dany Baud)  à Célimène dans Le Misanthrope de Molière quand Alceste lui reproche d'avoir trop de soupirants (Acte 2, scène I) et qu'elle lui répond qu'en avoir beaucoup est la preuve qu'elle n'en a pas un en particulier, ce qui devrait le rassurer.

    Alceste.
    ...mais votre humeur, Madame,
    Ouvre, au premier venu, trop d’accès dans votre âme ;
    Vous avez trop d’amants, qu’on voit vous obséder 
    Et mon cœur, de cela, ne peut s’accommoder.
    Célimène : 
    Des amants que je fais, me rendez-vous coupable ?
    Puis-je empêcher les gens, de me trouver aimable ?
    Et lorsque, pour me voir, ils font de doux efforts,
    Dois-je prendre un bâton, pour les mettre dehors ?
    Plus loin.
    Alceste :
    C’est que tout l’univers est bien reçu de vous.
    Célimène :
    C’est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée,
    Puisque ma complaisance est sur tous épanchée :
    Et vous auriez plus lieu de vous en offenser,
    Si vous me la voyiez, sur un seul, ramasser.

    Tout est dit.
    La théorie inavouée de Bruno Lina (voir ICI), virologue, grippologue, voire gripouillologue, est confirmée : "Trop de corruption tue la corruption." ou, dans sa version célimènesque : "Trop d'amants tue l'infidélité".

    (Illustration : Ludivine Sagnier interprétant le rôle de Célimène - 2007)

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    Big Data et Big Brother. Données et secret médical, vente de dossiers médicaux aux sociétés privées et médecine personnalisée. Le secret médical est il soluble dans la technologie et « le progrès » ? Claudina Michal-Teitelbaum.

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    Merci, avant de commencer, de vous référer au très beau texte de Dany Baud (ICI) qui aborde le premier cas français d’utilisation des données médicales aux fins de surveillance, de coercition et de restriction d’accès aux soins du patient dans le cadre de l’apnée du sommeil.

    L’apnée du sommeil, peut nécessiter, selon des critères médicaux, la prescription d’appareils à pression positive continue (PPC), utilisés la nuit pour prévenir les conséquence néfastes de cette pathologie, notamment la fatigue et les conséquences cardio-vasculaires. Cela concerne en France environ 400 000 personnes. Ce sont des prestataires privés comme Resmed et Phillips qui fournissent et entretiennent ces appareils qui sont en partie pris en charge par la sécurité sociale. Cela coûte cher, notamment en raison des prix pratiqués par les prestataires, et les bénéficiaires, comme dans toutes les pathologies chroniques, ne sont pas totalement observants, c'est-à-dire que certains patients n’utilisent pas leurs appareils ou les utilisent peu. A la suite à ce constat, des négociations entre les prestataires privés, la direction de l’assurance maladie, et les services des  ministères de tutelle (Ministres des affaires sociales  et de la santé et de l’économie et des finances) ont abouti en janvier 2014, à la publication d’arrêtés ministériels conditionnant le remboursement par la sécurité sociale des appareils à l’obligation pour les bénéficiaires d’accepter la télétransmission en temps réel de l’utilisation de leurs appareils aux prestataires privés. Le remboursement d’appareils nécessaires à la santé des bénéficiaires était donc subordonné à la transmission obligatoire de données relevant de la vie intime à des prestataires privés. Prestataires qui, une fois en possession de ces données, pouvaient en faire ce que bon leur en semblait, par exemple les revendre.
    Le décret évoqué dans ce texte a été finalement annulé par le conseil d’Etat en novembre 2014 au terme d’une bataille juridique engagée par des associations d’usagers (Fédération des patients insuffisants respiratoires, FFAIR), parce que le Conseil d’Etat a jugé que la ministre de la santé n’avait pas compétence pour prendre une telle décision qui rendait le remboursement du dispositif médical destiné aux personnes souffrant d’apnée du sommeil tributaire d’une condition d’observance, ce qui n’était pas prévu par la loi.

    Big Data.




    Cette affaire posait le problème de la transmission de données de type médical et relevant de l’intime à des sociétés privées. On est donc bien dans le domaine du Big Data.
    Chacun sait, désormais, que le Big data, ou données de masse, est le nouvel eldorado économique, le nouvel objet de spéculation et le nouveau chouchou des marchés financiers supposé peser quelques 125 milliards de dollars en 2015 (LA) .

    Mais il n’est pas que cela. Il est aussi une nouvelle menace pesant sur la démocratie.
    Le problème se pose avec une particulière acuité concernant les données médicales, en raison de l’informatisation croissante des dossiers médicaux dans les hôpitaux et cliniques, les cabinets médicaux, et dans les services, agences  et collectivités publics ou effectuant des missions de service public.

    Du point de vue des sociétés privées, l’intérêt de ces données est clair : il s’agit de connaître dans le moindre  détail, la vie privée, les goûts, les comportements, les problèmes personnels ou de santé de chaque personne afin d’optimiser l’utilisation des fichiers clients, d’adapter la communication de masse mais aussi de mieux cibler individuellement  les offres de biens et de services. Comme le dit Thierry Jadot, ancien élève de Science Po et CEO  (équivalent ronflant et branché de PDG) du groupe Dentsu Aegis Network en France dans son livre L’été numérique, les huit révolutions digitales qui vont transformer l’entreprise : "En réalité, l’enjeu du Big Data n’est pas le stockage de données, ni l’abondance des informations collectées, mais son traitement qualitatif, afin d’être, pour l’entreprise, une source de pilotage de sa stratégie de communication, d’optimisation de ses investissements, et d’amélioration constante de son offre et de son fonctionnement". Formulé d’une manière moins policée, cela signifie que les données sur la vie privée recueillies sont destinées à être analysées afin de pouvoir anticiper, influencer puis contrôler les comportements des individus afin de limiter les risques et maximiser les bénéfices financiers et commerciaux des entreprises. Ou encore : "l’ère du marketing one to one" comme la définit Thierry Jadot, c'est la mise en oeuvre d'une relation d’une asymétrie totale entre des sociétés privées connaissant tout du client, et un client fragilisé, rendu vulnérable,  parce que son intimité lui a été dérobée. Car c’est bien de vol dont nous allons parler.

    Face à cette vision très rationnelle, finaliste et claire de la valeur économique du Big Data, le citoyen moyen en est encore à un état de naïveté tel qu’on peut le comparer aux indigènes du nouveau monde face aux colons venus d’Europe, qui échangeant leurs plus grandes richesses contre des simples verroteries.
    Etalage de sa vie privée sur les réseaux sociaux, participation à des forums santé, le citoyen passe son temps à fournir des informations personnelles aux sociétés privées, de manière plus ou moins consciente. Généralement, et de manière tacite, les plus informés considèrent que livrer sa vie privée est la contrepartie nécessaire pour bénéficier de différents services fournis par des sociétés privées, et, notamment, par des multinationales.
    Toutefois,  dans le cas des réseaux sociaux, on peut considérer qu’il s’agit aussi d’un moyen pour l’internaute de se mettre en scène, et on peut penser que celui-ci ne dit pas toute la vérité et ne livre que les informations qu’il souhaite livrer, souvent sous couvert d’anonymat. Même s’il ne mesure pas forcément les conséquences de cette impudeur.

    La situation est très différente, en revanche, quand le citoyen doit livrer des informations sur lui-même dans un cadre contraint et qu’il se trouve dans un état de vulnérabilité. C’est ce qui se passe lorsque le patient livre des informations à un médecin, en cabinet, à l’hôpital, en clinique, ou au sein d’un service public.




    J’avais déjà évoqué le secret médical et les menaces qui pesaient sur lui dans un précédent article (LA) . Mon analyse se basait essentiellement sur les textes de loi, circulaires et règlements.

    Mais je veux rappeler ici le sens, la raison d’être du secret médical, qui est de protéger le patient de l’abus de pouvoir et de l’exploitation de la part de tiers car, comme le disait La Rochefoucaluld : "celui à qui vous dites votre secret devient maître de votre liberté". C’est la garantie du secret qui autorise la confiance, et la confiance qui permet la confidence. Comme souvent, le sens des lois et règlements protégeant  le secret médical est ici de préserver l’ordre public en évitant que le rapport de forces soit totalement déséquilibré en faveur d’une des parties. C’est pourquoi la violation du secret médical est punissable par le Code pénal car elle est une modalité particulière du secret professionnel garanti au patient (article 226-13 du Code pénal).
    Je ne m’étendrai pas ici sur les aspects juridiques plus techniques parce que je l’avais déjà fait dans le précédent texte de 2012.

    Mon but est, cette fois, d’apporter quelques informations méconnues du public et d’alerter sur les enjeux et les risques de cette problématique.


    « Libérer les données », mais au bénéfice de qui ? et pour quoi faire ?

    La notion de "donnée de santé" n’est pas  définie juridiquement, ce qui est tout de même assez ennuyeux pour un type d’information objet d’enjeux économiques aussi massifs et qui se confond dangereusement avec les informations couvertes par le secret médical, ce qui soulève des questionnements éthiques, déontologiques et juridiques.

    Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Collectif interassociatif sur la Santé (CISS) et les associations de consommateurs comme « Que choisir » ou « 60 millions de consommateurs », ont  fait preuve d’une certaine légèreté, début 2013,  lorsqu’ils se sont associés à des mutuelles, et  à une société privée de traitement des données, Celtipharm, dont je reparlerai plus tard, pour réclamer l’ouverture  à tous ces acteurs des données contenues dans la base de données de la sécurité sociale appelée SNIIRAM pour système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie  (LA). Cette base de données regroupe quantité d’informations sur les assurés rattachés aux différents régimes de base de l’assurance maladie et sur les patients hospitalisés. Les informations y sont pseudonymisées ICI).
    Ce collectif et ces associations ne semblent avoir mesuré à aucun moment la portée de cette demande, qui faisait donc du droit d’accès à la base de données publiques contenant des données personnelles protégées par le secret médical un droit universel, dont auraient dû bénéficier de la même manière des sociétés privées et des associations ou des  acteurs publics.

    Les seuls acteurs à se préoccuper vraiment du sujet et à en mesurer les enjeux, ce sont les ONG oeuvrant dans le domaine des droits de l’Homme (ICI). En effet, ces ONG savent que lorsque les citoyens deviennent transparents pour le pouvoir, quel que soit ce pouvoir, il n’y a plus de démocratie possible. Elles ont entrepris une démarche coordonnée d’analyse de la situation dans différents pays européens au regard des fichiers de données informatisés dans les domaines sensibles de la justice, de l’éducation, de la police et de la santé (voir, en particulier, la monographie concernant la France).

    Mais cette analyse porte essentiellement sur le degré de protection qu’offrent les législations locales.

    Or, très clairement, la pression est telle de la part des sociétés privées, et, plus particulièrement des grands groupes  multinationaux qui ont les moyens d’exploiter les données pour  y avoir accès et se les approprier, que le problème posé par la gestion des fichiers de données médicales se pose surtout dans le domaine extra-légal, là où il existe des vides juridiques, des failles et des possibilités de contourner la loi et ses interdits.




    Une protection juridique  très insuffisante du citoyen

    La CNIL, Commission nationale informatique et libertés, a été créée par la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978. Cette commission a pour rôle de garantir la protection des données personnelles et possède un pouvoir de sanction financière, toutefois limité.

    Néanmoins, en ce qui concerne les données personnelles médicales, il est évident, lorsqu’on explore les droits et obligations des usagers, que les obligations pèsent davantage du côté du citoyen, que du côté de ceux qui recueillent les données informatisées.


    Ainsi, la loi définit que « Selon l’article L 1111-8 du Code de la Santé Publique, l’hébergement de données de santé à caractère personnel ne peut avoir lieu qu’après recueil du consentement exprès du patient [cette notion de consentement exprès, impliquant, en théorie, un consentement écrit, rarement respecté].

    Cependant, ce consentement n’est pas nécessaire lorsque les professionnels ou établissements de santé utilisent leur propre système ou des systèmes appartenant à des hébergeurs agréés dès lors que l’accès aux données est limité aux professionnels ou à l’établissement de santé qui les a déposées, ainsi qu’à la personne concernée. »

    Néanmoins, le patient n’a pas la possibilité de s’opposer au recueil informatisé de ses données de santé dans les « fichiers obligatoires » comme celui de la sécurité sociale, ou le fichier de police, par exemple. Et s’il souhaite s’opposer au recueil de ses données de santé dans d’autres fichiers, celui de l’hôpital, celui de la PMI, celui de son médecin… il doit le faire  par écrit et "pour des motifs légitimes » (article 38 de la loi informatique et libertés)". Le titulaire du fichier dispose alors d’un délai de deux mois pour répondre et peut refuser l’opposition. Pour le DMP, dossier médical personnel, informatisé, en revanche, l’opposition à sa création ne nécessite pas d’être motivée.

    Les obligations d’information à l’égard du patient de la part de celui qui recueille les données sont, par contraste, beaucoup plus sommaires. Elles n’apportent aucune garantie au patient sur les destinataires des données. Bien que la CNIL,  de manière totalement irréaliste, continue à prétendre,  que  le médecin reste garant du secret médical (LA) .


    Clairement, JE ne peux garantir au patient que des tiers n’auront pas accès à des informations médicales les concernant que j’aurais mises sur un réseau informatisé, qui y circuleront de manière parfois non cryptée, pouvant être accessibles aux détenteurs du système d’exploitation, à des personnels non médicaux, etc. et qui sont destinées à être conservées pendant plusieurs décennies, ce qui signifie que leur violation n’est qu’une question de temps. Et je peux  encore moins garantir que ces tiers n’en feront pas usage à l’encontre des intérêts du patient qui s’est confié à moi.



    Le Conseil National de l’Ordre des médecins (CNOM), dont une des missions essentielles est la question relevant de l’éthique et du secret médical, botte en touche. Dans le bulletin numéro 38 de janvier-février 2015, dans un dossier concernant la e-santé et les nouvelles technologies, le Dr Patrick Romestaing, vice-président du Conseil National de l’Ordre, déclare : "la volonté d’organiser ces think tank au sein de l’institution, contribue à préparer la profession à ces changements, et surtout à accompagner cette évolution". Tandis que Jacques Lucas, autre vice-président, nous explique que concernant un autre domaine, celui des objets connectés, le principe adopté est celui de la confiance a priori. A savoir qu’on commence par faire confiance, et qu'on constate les dégâts ensuite.




    Des dossiers médicaux confiés ou vendus à des sociétés privées en Grande-Bretagne et en France : pas de quoi fouetter un chat ?





    En décembre 2011, David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni depuis 2010, déplorait publiquement le gâchis représenté par le fait que les données détenues par le National Health Service (NHS), service de santé publique britannique, ne soient pas utilisées. Peu après, a été discuté puis voté le Health and Social Care Act, entré en vigueur en avril 2013. Cette loi, entre autres mesures, donna naissance à un nouvel organisme, le Health and Social Care Information Center (le HSCIC ou centre d’information sur la santé et la protection sociale). Ce nouvel organisme, s’est vu investi du pouvoir de collecter des informations de la part de tous les services publics, mais aussi d’organismes ou de sociétés extérieurs et de les diffuser à qui bon lui semblait, sans obligation ferme d’anonymisation de ces données.
    Des groupes de pression et des associations de protection des libertés civiques, se sont alors regroupés en un collectif pour lutter contre les violations potentielles de la vie privée induites par cette nouvelle loi, créant le collectif medConfidential (ICI

    En février 2014, le journal « The Telegraph » faisait  éclater un scandale en révélant que 47 millions de dossiers médicaux hospitaliers, couvrant 13 années entre 1997 et 2010, avaient été vendus par le NHS à 178 sociétés d’assurances. Ces dossiers avaient été utilisés par une société d’actuaires (spécialistes du calcul des probabilités pour les compagnies d’assurance) afin d’affiner le calcul des primes d’assurance en les croisant avec des informations issues d’une société de crédit qui détenait des données sur le style de vie de ses clients. Comme le niveau de morbidité des patients de plus de 50 ans s’était relevé plus élevé que prévu, les compagnies d’assurances avaient augmenté les primes pour cette catégorie de clients. Cette affaire survient au moment où le gouvernement britannique envisage la vente des dossiers de patients suivis par des médecins généralistes (GP). Il prétend que cela améliorerait les soins aux patients et le taux de survie des cancéreux (ICI). Cette vente massive de dossiers médicaux aux assureurs était pourtant considérée comme illégale. L’Associations des Médecins Britanniques(BMA) et le Collège Royal des médecin Généralistes (RCGP) ont protesté et obtenu la suspension du programme de collecte de données. Malgré tout, la vente de dossiers s’est poursuivie en catimini bien qu’ayant été officiellement désavouée. Le directeur du service public de collecte de données, HSCIC, cité plus haut, Sir Nick Partridge,  expliquait que la vente se poursuivrait « seulement à condition que les assureurs puissent prouver que cela serait au bénéfice de la santé publique et non dans un but commercial (LA).

    Compte tenu du fait que l’accord des patients à la collecte informatisée de leurs données par les médecins généralistes est présumé et ne nécessite pas d’accord explicite de leur part, le collectif d’associations de défense des libertés civiques recommande désormais aux patients de remplir un formulaire officiel demandant à ce que leurs données ne puissent être collectées à partir des  réseaux informatiques de leurs médecins par le HSCIC, afin qu’elles ne puissent être vendues à des tiers (opt-out ou désengagement des patients du contrat tacite qui permet aux GPs britanniques de communiquer leurs données médicales au service publique de santé, le NHS).



    En France, il faut savoir que des dossiers hospitaliers sont couramment confiés à des prestataires privés. Ceci afin d’améliorer le codage informatisé car le mauvais codage des actes est source de perte de revenu pour les hôpitaux, puisque le financement des hôpitaux se fait selon le système de tarification à l’activité ou T2A mis en œuvre dans les hôpitaux depuis 2007. Pourtant, le recours à des sociétés privées pour cette tâche ne correspond pas à un besoin avéré et constitue une violation du secret médical. Certains médecins, tels Jean-Jacques Tanquerel,  se sont insurgés contre cet état de fait et ont été désavoués par leur hiérarchie (ICI).

    Une société privée travaillant avec des gros laboratoires pharmaceutiques obtient l’aval du Conseil d’Etat pour avoir accès aux ordonnances des patients

    Une PME française, Celtipharm, qui avait participé avec des associations de consommateurs et le CISS à l’action visant à « libérer les données de santé » avait obtenu, en septembre 2011, l’autorisation de la CNIL pour recueillir auprès de certaines pharmacies et pour exploiter les ordonnances de patients. Cette société se décrit ainsi : "Notre métier : Nous inventons, spécifions et déployons des dispositifs médico-économiques et des plans d'actions marketing-ventes pour les différents acteurs de santé." et elle a aussi pour clients de gros laboratoires pharmaceutiques. La multinationale IMS Health, une société américaine qui est le plus gros opérateur mondial de données de santé qu’elle revend sous forme d’études à des organismes publics et privés, s’était opposée à cette décision et avait présenté un recours devant le Conseil d’Etat. En 2013, une action de lobbying avait eu lieu à l’Assemblée Nationale en faveur de Celtipharm, plusieurs parlementaires, tels Jean-Pierre Door, connu pour avoir présidé la mission d’enquête parlementaire suite à la pseudo-pandémie H1N1, ayant posé en séance des questions insistantes sur la libération des données au ministre de la santé (LA). Le 26 mai 2014 le Conseil d’Etat avait rendu une décision favorable à Celtipharm, l’autorisant donc à recevoir les données issues des ordonnances d’officine anonymisées par hachage (ICI).

    L’anonymisation des dossiers médicaux est un leurre

    Le problème, c’est que les spécialistes sont d’accord pour dire qu’aucun procédé d’anonymisation n’est fiable. Un spécialiste connu et reconnu de la sécurité informatique, Ross Anderson, professeur à Cambridge, alertait sur l’impossibilité de protéger les données des dossiers médicaux par des méthodes d’anonymisation [1]. Un rapport sénatorial avait également établi et démontré les multiples failles du système (LA)   .
    La désanonymisation des dossiers par des moyens techniques ne présenterait pas de difficultés majeures. Mais on peut aussi avoir recours à un procédé de croisement des informations, semblable à celui utilisé dans le jeu Akinator (ICI)  .
     Ce qui revient à dire que fournir des données médicales personnelles sur les patients à Celtipharm, qui prétend vouloir faire des études épidémiologiques d’intérêt général, c’est les fournir aux laboratoires pharmaceutiques qui sont ses clients.

    La loi santé ouvre l’accès de données de santé et permet le croisement de plusieurs fichiers différents

    Le Système national des données de santé, SNDS, institué par l’article 47 de la  loi relative à la  santé, va croiser plusieurs registres de données : le PMSI qui contient toutes les données sur l’hospitalisation des patients, le SNIIRAM, qui regroupe tout le détail des remboursements, les données sur les cause de décès des communes, et le système Monaco créé en partenariat avec les complémentaires qui permet de connaître le reste à charge des patients (ICI). 
    A priori, pour l’instant, l’accès aux données de santé sera régulé par un comité scientifique, avec comme critères discriminants principaux, la nature des données selon qu’elles peuvent être identifiantes ou non, que la demande ait pour objet une recherche d’intérêt public et que les organismes demandeurs soient ou non à but lucratif. Les données ne seraient pas, pour l’instant, accessibles aux organismes à but lucratif. Mais on attend le vote de la loi pour avoir la version définitive de cet article.
    Cela mécontente toute une série d’acteurs, qui espéraient bien tirer le plus grand profit de l’ouverture des données, acteurs allant des associations de journalistes aux laboratoires pharmaceutiques en passant par les mutuelles, les sociétés d’assurances et le CISS. Mais également l’INDS, Institut national des données de santé. Pour tous ces acteurs les données de santé ne seront jamais assez accessibles (LA).  Le lobbying continue.

    Un débat dépassé ? Médecine personnalisée : la grande illusion

    Beaucoup espèrent que ce débat sera bientôt dépassé car ils comptent que ce sera le citoyen qui fournira lui-même toutes les informations nécessaires pour  se transformer en consommateur docile et soumis grâce à l’asymétrie permise par le contrôle des données individuelles par des sociétés privées et le marketing one to one. Parmi ceux qui espèrent beaucoup en la symbiose entre la médecine de précision, ou individuelle, ou personnalisée d’une part et les objets connectés d’autre part,  il y a les laboratoires pharmaceutiques mais aussi les géants tels qu'Apple ou Google.

    Faisons un peu de prospective. Bientôt ce sera très simple. Chacun se connectera lui-même à des objets de mesure, qui transmettront instantanément toutes sortes de données à des sociétés privées spécialisées (peut-être une fusion de Merck et de Google, de plus en plus impliqué dans le domaine de la santé ?). En effet, Google et Apple s’avèrent être des acteurs majeurs dans le domaine des objets connectés et Google investit de plus en plus massivement dans la santé comme le montre la création en 2013 de la société Calico, avec, à sa tête Arthur D Levinson [2]  (LA). 

    Les objets connectés  indiqueront au patient  le moment où ces mesures dépasseront le seuil de la norme, tel qu’établi par des sociétés savantes dont les membres seront directement rémunérés, pour faire plus simple, par les dites sociétés. Ou lui indiqueront qu’il est porteur de tel gène qui peut potentiellement induire un cancer dans 30 ou 50 ans. Une fois l’anomalie détectée, les mêmes sociétés lui fourniront les tests adéquats et le traitement associé (traitement approuvé par la FDA en 24 hs et réputé "sûr et efficace" --safe and effective). Puis veilleront à ce que ce traitement soit pris sans faute, en harcelant le patient ou en subordonnant l’accès à certains droits à la prise régulière du traitement, comme dans le cas de l’apnée du sommeil. Entretemps, la société d’assurances, qui aura, grâce à cette masse d’informations, pu individualiser les primes d’assurance, aura été prévenue et augmentera sa prime compte tenu de la dégradation potentielle de l’état de santé de l’assuré.

    Que fera-t-on quand, à la naissance de son enfant, son génome ayant été décrypté immédiatement, on nous annoncera qu’il est prédestiné à développer un cancer, puisque la génétique le dit, et qu’il devra prendre tel traitement toute sa vie pour l’éviter ? Ainsi, le citoyen sera transformé en patient/client passif n’ayant plus qu’à suivre le parcours fléché tracé par son fournisseur d’objets connectés. Un patient-consommateur à qui on demandera de ne surtout jamais exercer son jugement ou faire preuve de discernement, mais simplement de consommer ce qui lui est proposé, qui lui sera, dans ces conditions, bien plus nuisible que bénéfique.

    Ce monde, pour l’instant, n’existe que dans les fantasmes des multinationales. Mais son avènement se produit à une vitesse toujours accéléré et est déjà célébré par les marchés, les experts les plus en vue du monde scientifique et médical, ceux-là même qui sont perclus de conflits d’intérêts, les fondations sous l’emprise de dirigeants de ces mêmes multinationales et les associations de patients les plus influentes, donnant l’impression qu’il est inéluctable.

    La vérité est que la vie et la santé sont des phénomènes bien trop complexes pour être réduits à quelques algorithmes, et que la plupart des cancers ne sont pas essentiellement déterminés par la génétique. Nous devons aussi être conscients du fait  que les multinationales ne sont pas les mieux placées pour prendre soin de notre santé.

    Tout ce scénario fait fi du fait que les progrès dans le domaine des biomédicaments sont encore très très loin de se traduire en progrès de santé, comme en atteste, notamment l’analyse faite par Tito Fojo, cancérologue et chercheur au National Center Institute (voir LA), qui évalue entre 2,1 et 2,5 mois le gain d’espérance de vie moyen permis par les nouveaux anticancéreux mis sur le marché par la FDA entre 2000 et 2014 et ceci, d’après les essais cliniques effectués par les laboratoires et non dans la vie réelle (ICI).  Ce qui signifie qu’en réalité ces gains pourraient être nuls. Pourtant, si on se fie à l’analyse de la multinationale IMS Health, les anticancéreux sont la classe thérapeutique dont le chiffre d’affaires a augmenté le plus rapidement depuis 2000 et devrait continuer à augmenter de manière exponentielle, en passant de 36 Milliards de dollars en 2012 à 83 Mds en 2016 (LA). En 2013, ils étaient au premier rang du chiffre d’affaires mondial, par classe thérapeutique, avec 67 Mds de dollars de chiffre d’affaires, donc, probablement, une évolution plus rapide que prévu  (ICI). On peut résumer la situation  autrement : il existe une déconnexion de plus en plus marquée entre la proportion de la richesse produite au niveau mondial captée par les multinationales pharmaceutiques, d’une part, et les bénéfices de santé induits par leurs produits, d’autre part, mesurés en termes d’amélioration de la santé publique. Ceci est bien illustré par le pays le plus en pointe dans le domaine des biotechnologies, les Etats-Unis, qui est aussi celui qui présente les indicateurs de santé publique les plus calamiteux parmi les pays développés, avec, dans le même temps, des dépenses de santé qui explosent et mettent en péril tout le système d’assurance santé. Il existe un gouffre entre les progrès effectués dans le domaine des biotechnologies et leur traduction en termes de bénéfices de santé que les médias et le marketing s’efforcent de combler artificiellement en vantant tous les jours les mérites d’une médecine personnalisée qui n’existe que dans les fantasmes commercialo-scientistes collectifs comme l’indique clairement le rapport du Sénat sur le sujet  (LA).

    Mais l’irruption d’une médecine personnalisée très coûteuse aux bénéfices inexistants dans notre quotidien pourra se concrétiser demain, et prendre corps dans la réalité virtuelle du marketing, grâce aux lacunes du système de contrôle des agences autorisant des mises sur le marché toujours plus rapides, de médicaments et dispositifs qu’on nous présentera comme fiables. Dans un éditorial publié début 2015 par la FDA, le directeur du service des nouveaux médicaments se flattait d’avoir fait bénéficier 46% des 41 nouvelles entités moléculaires (nouvelles molécules jamais utilisées auparavant en médecine, par opposition aux extensions d’indication des anciennes molécules) soumises à l’approbation de ses services d’une procédure accélérée, c’est à dire d’une approbation au rabais ne garantissant ni l’efficacité ni la sécurité de ces molécules  (ICI).

    On peut même aller plus loin et se dire que demain, la « médecine personnalisée » rendra les essais cliniques caducs. Tout reposera sur la capacité des grands groupes à persuader chaque patient-client, à travers le marketing personnalisé one to one, qu’il possède la solution adaptée individuellement pour prévenir le problème potentiel de santé que ces grands groupes auront eux-mêmes diagnostiqué grâce aux objets connectés.

    Tout cela a bien un sens, mais ce n’est pas celui mis en avant par les médias. Le Big data, la médecine personnalisée (ou individualisée, ou de précision), seront la voie royale pour contourner toute forme de régulation collective. Des freins et des verrous protecteurs, comme la nécessité de tester un médicament selon des règles précises avant de le proposer aux patients, ou l’interdiction de la publicité directe aux patients, vont tomber et laisser l’individu seul face à une formidable puissance marketing assise sur des centaines de milliards de dollars de chiffres d’affaires.

    Contrairement à ce que disent les associations de patients, les fondations, les experts, ceci n’est pas un grand espoir mais une redoutable menace. Ce n’est pas l’outil qui est en cause mais l’impossibilité de le réguler.


    Dans ce contexte, la médiation d’un tiers, le médecin, mais seulement s’il est  formé et informé de manière indépendante, est plus que jamais indispensable pour permettre au patient de ne pas se laisser piéger par des vaines promesses sans aucun fondement scientifique.



    Notes :
    [1] http://www.theguardian.com/commentisfree/2012/aug/28/code-practice-medical-data-vulnerable. « An answer to Cameron came from the Royal Society in June, in its report on science as an open enterprise."It had been assumed in the past that the privacy of data subjects could be protected by processes of anonymisation such as the removal of names and precise addresses of data subjects," noted a distinguished committee, including such luminaries as the philosopher Baroness O'Neill and the director of the Wellcome Trust, Sir Mark Walport. Their warning was brutal: "However, a substantial body of work in computer science has now demonstrated that the security of personal records in databases cannot be guaranteed through anonymisation procedures where identities are actively sought."

    [2] Arthur D. Levinson est à la fois directeur d’Apple, depuis 2011, succédant à Steve Jobs, directeur de Genentech, biotech rachetée en 2011 par Hoffmann La Roche, multinationale suisse et deuxième groupe pharmaceutique mondial par le chiffre d’affaires en 2014 d’après le classement Fortune et, donc, directeur de Calico, dont l’ambition affichée est de prolonger la vie jusqu’à 1000 ans. Arthur D Levinson est aussi conseiller scientifique au Memorial Sloan Kettering center of New York, centre majeur dans la recherche sur le cancer.


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