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Au coeur de la corruption.

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Il n'est pas un jour où des informations ne viennent montrer, démontrer et confirmer que la corruption est au centre du système mondial de la santé.

La publication dans le British Medical Journal (on ne dira jamais assez l'importance de ce journal dont on peut critiquer ici ou là la politique éditoriale) de l'étude 329 revisitée (LA), c'est à dire rétablie dans sa véracité, est démonstrative de tout ce qui est fait (cacher, tricher, modifier, interpréter) pour promouvoir des médicaments dangereux dans le seul but de faire de l'argent.  Prenez le temps de lire des commentaires d'une grande pertinence : LA. Mais le nom des laboratoires Servier n'apparaît pas. Il s'agit de Glaxo qui a payé 3 milliards de dollars pour cette fraude alors que la molécule est toujours commercialisée... et continue d'être promue et de gagner des parts de marché.

Je pourrais aussi vous parler d'un article du JAMA qui a été publié puis rétracté alors qu'il s'agissait  de malades fictifs : les patients fantômes recherchés par les attachés de recherche clinique. Le commentaire est LA et l'article ICI. Mais le plus surprenant dans tout cela, et les défenseurs de l'industrie ne pourront manquer de s'en réjouir et de le faire savoir, c'est qu'a priori cette étude n'était pas sponsorisée et qu'elle concernait une molécule tombée dans le domaine public et valant trois francs six sous. Certains chercheurs n'ont même pas besoin qu'on les corrompe puisqu'ils sont spontanément ouverts à la corruption. Même sans les laboratoires Servier.

Les laboratoires Pfizer ne sont pas en reste (j'ai déjà raconté les histoires de ce merveilleux laboratoire) avec une affaire récente concernant la pregabaline (voir LA). Mais Pfizer est habitué à des procès retentissants avec une amende de 2,3 milliards de dollars pour bextra en 2009 (LA) ou l'utilisation d'enfants nigerains pour ses essais cliniques (ICI).



Le Manifeste des 30 (j'avais pensé de façon naïve qu'il s'agissait des 30 dernières victimes du Mediator non indemnisées par Servier) initié par Irène Frachon pour défendre les victimes du Mediator (cf. supra) mais surtout pour boycotter les laboratoires Servier et leurs dépendances (il eût d'ailleurs été pertinent de citer quels sont les laboratoires, officines, groupes, firmes, sous-groupes, sous-firmes, sous-officines, qui font partie du groupe et de donner les noms de tous les médecins qui, officiellement, ont reçu de l'argent du groupe depuis, disons, cinq ans) a été signé initialement (les 30 platinum signataires) par des gens qui ne sont pas libres de liens d'intérêt ou qui les revendiquent comme tels.

Ce Manifeste est, toutes chose égales par ailleurs, une entreprise (inconsciente pour les uns et consciente pour les autres) de blanchiment de l'industrie pharmaceutique sauf Servier, au même titre que Servier a tenté (avec succès en France) de blanchir le benfluorex de son péché originel fenfluraminique.

On connaît par coeur les arguments des collaborateurs universitaires ou non de big pharma. Ils ont des éléments de langage tout prêts. 
  1. Il n'y a pas de recherche en médecine sans la participation de l'industrie
  2. Si l'industrie nous demande de travailler avec elle c'est que nous sommes les meilleurs de la profession
  3. Notre parfaite connaissance de notre domaine de compétence nous permet d'influencer la recherche et ses orientations
  4. Nous sommes très mal payés et nous avons besoin de subventions pour nous déplacer dans les congrès internationaux ou nationaux
  5. Nos services sont très mal dotés et les "caisses noires" nous permettent d'acheter du matériel, voire d'informatiser notre service et/ou de permettre de subventionner de jeunes chercheurs.
  6. L'argent de l'industrie nous permet de porter la bonne parole dans les réunions de formation médicale continue
  7. Nous sommes indépendants et l'argent que nous touchons ne modifie en rien notre jugement
  8. La doctrine Bruno Lina (et désormais Arnaud Danchin) : manger à tous les rateliers garantit l'intégrité. Trop de corruption tue la corruption.
Il ne s'agit pas de condamner a priori l'industrie mais de se donner les moyens de contrôler son activité et notamment la sincérité des essais cliniques tant dans leur conception (design), dans leur mise en place et leur suivi (reporting), que pour l'analyse des résultats (open data) et que pour la rédaction des articles.
Au niveau européen (EMA), tout est fait dans l'autre sens, c'est à dire celui de la dévolution aux industriels des contrôles de leur propre activité.

Quant au reste, la corruption généralisée de l'appareil d'Etat, il est encore possible d'agir mais il faudrait une volonté politique claire. 
La sincérité des membres des agences gouvernementales françaises est largement remise en cause quand on découvre les officiels liens d'intérêt qu'ils entretiennent avec les industriels dont il décide la commercialisation des produits, leur prix et la façon dont ils doivent être recommandés.
Mais, à moins de définir des politiques publiques de façon concertée et démocratique, volontaristes et incitatives, il ne sera plus jamais (dans un avenir prévisible) possible d'influer sur la stratégie des grands groupes pharmaceutiques dans le domaine de la recherche. 
Il ne restera aux agences gouvernementales (et les données récentes concernant l'agence américaine, la FDA, 96 % des nouvelles molécules sont approuvées en 2014, sont extrêmement alarmantes sur sa possibilité de résister aux sirènes de big pharma, voir ICI, sans compter le CDC d'Atlanta dont les prises de position ces dernières années ont toujours été en faveur de l'industrie) que le contrôle a posteriori mais les moyens de l'effectuer ne sont pas fournis.

L'étendue de la corruption initiée par le lobby santéo-industriel est telle (je n'ai pas parlé de la corruption des professeurs qui délivrent l'enseignement dans les facultés, scandale absolu) et le degré d'innocence (?) des médecins est tel que je ne vois pas d'autres solutions que le pourrissement de la situation : la médecine va sentir le pyo pour de très nombreuses années.

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La médecine praticienne : un métier de chien.

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La médecine praticienne est la médecine où l'on reçoit des malades, où l'on parle avec eux et où l'on prescrit éventuellement des examens complémentaires ou des médicaments ou des gestes paramédicaux (que l'on fait aussi) mais on prescrit toujours à son corps défendant (paroles, mots, expressions, conseils, attitudes), la médecine praticienne permet de fournir du soin.

C'est un métier de chien.

Je parlerai surtout de la médecine générale praticienne que je connais le mieux. Mais la médecine générale commence chaque fois qu'un spécialiste d'organe (et ne croyez pas que j'écrive cela par mépris) s'intéresse à autre chose qu'à l'organe et prend le malade en compte comme un citoyen, je dis bien citoyen, pas seulement un patient ou un malade... 

Que l'on soit salarié, libéral, semi salarié, semi libéral, presque fonctionnaire, presque je ne sais quoi....

A partir du moment où quelqu'un s'installe en face de vous ou que vous vous installez en face de lui ou à côté de lui ou derrière lui, quelqu'un qui se sent malade, qui est malade ou bien plus, les emmerdements commencent.

Savoir accepter l'incertitude est la première difficulté. Jusqu'où aller. Jusqu'où ne pas aller. On ne vous reprochera jamais d'avoir demandé trop d'examens complémentaires alors que dans le cas inverse il y aura toujours quelqu'un pour vous ennuyer.

Savoir hiérarchiser le risque.

Se dire qu'un couac est toujours possible et surtout dans les situations "faciles". Surtout quand tout va bien.

Etre persuadé que l'enseignement reçu à la Faculté est une base et surtout un poids difficile à supporter ainsi qu'une source d'erreurs possibles.

Se rappeler que les symptômes correspondent rarement à une maladie, que les examens complémentaires créent des faits incidents et erronés, et donc que la médecine générale, selon le généraliste écossais Des Spence à qui j'emprunte les écrits (LA), n'est pas faite pour les obsessionnels, les craintifs, les introspectifs et encore que, je le cite, confiance, réassurance, erreurs, sont nos meilleures interventions thérapeutiques.

Savoir en recevant un patient dans son cabinet de consultation de médecine générale qu'il s'agit souvent du premier contact entre une personne qui se sent mal, qui a besoin d'aide, qui est programmée pour aller chercher des soins médicaux ou ce qu'elle pense être des soins médicaux et que le médecin généraliste est d'abord là pour écouter, écouter des personnes qui sont le témoin de l'érosion du bien-être, témoins de l'atomisation de la société, témoins de la dépersonnalisation, du déracinement social et géographique, de la destruction des solidarité familiales, et aussi des victimes de la médicalisation de la vie quotidienne qui conduit à l'hétéronomie des comportements, à la consultation excessive et inappropriée des médecins et à la sur médicalsation et au sur traitement.

Etre persuadé que ne rien faire, ne rien prescrire, simplement écouter et tenter de comprendre, et revoir les patients, et les réentendre, est une démarche qui devrait être fréquente et, comme le dit encore Des Spence, savoir résister aux sirènes des stupides recommandations expertales pour ne pas adresser inutilement est une des tâches fondamentales de notre métier.

Comment voulez-vous donc que le médecin généraliste, à contre-courant du flux moderne de la pseudo-science, à contre-courant des recommandations, à contre-courant des algorithmes, à contre-courant de la médicalisation de la société, au milieu de la schizophrénie moderne (et commerciale) qui favorise la junk food à coup de publicités envahissantes et vulgaires que la société ne saurait interdire pour respecter responsabilité individuelle et qui somme les médecins généralistes à dépister les maladies induites par cette même junk food, comment voulez-vous donc que le médecin généraliste n'ait pas du mal à résister et n'ait pas du mal à désespérer et à déprimer et à être anxieux, irritable ou auto destructeur ?

Nous avons un métier de chien car ce que nous entendons dans notre cabinet nous poursuit jusque dans nos vies personnelles, pendant les repas, pendant les réunions de famille, pendant que nous dormons.

Ne l'oublions pas, et malgré toutes les barrières que l'on ne nous a pas appris à dresser, nous ne connaissons spontanément et au gré de nos études qu'à l'arrogance médicale, au paternalisme, à la science infuse, et au mépris pour ce qui n'entre pas dans les cases de la théorie, nous sommes confrontés à la maladie, à la souffrance, aux âmes torturées, aux corps sales, au sang, aux larmes et à la mort, dont la notre qui approche.

Spence Des (GP)



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Octobre rose : le rouleau compresseur du dépistage organisé du cancer du sein.

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Cela commence très fort avec Gerald Kierzek, urgentiste, La nuit aux urgences, le matin sur Europe 1. Il a fait une chronique ce matin 30 septembre 2015 qui pousse très loin l'information déséquilibrée (et je suis poli) : voir ICI.
Comme il n'avait pas le temps de parler des éventuels inconvénients du dépistage, il commence sa chronique par le cancer du sein chez l'homme, problème éminent de santé publique. Puis il y va de tous les poncifs de la propagande de l'Eglise de dépistologie : plus c'est tôt mieux c'est, plus c'est petit mieux c'est, plus ça va et plus les patientes guérissent et plus le bonheur règne.
Merci docteur Kierzek.

Je voulais ajouter ceci :  Il n'est pas simple de faire une chronique de deux minutes sur un sujet aussi complexe. Il n'est pas simple sur une radio généraliste d'aller à l'encontre des recommandations officielles, fussent-elles contestables et contestées. L'exercice est sans doute difficile, j'en conviens et je le dis honnêtement, je n'en suis pas capable. Mais ce n'est pas une raison pour 1) alerter sur un cancer très rare (celui de l'homme) et pour 2) dire béatement ce que racontent les officiels. Je comprends, vu le faible taux de mammographies effectuées en suivant le dépistage organisé qu'il ne faille pas désespérer Billancourt... mais quand même.


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Désorganiser le dépistage organisé du cancer du sein. Prolégomènes.

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Commission de la vérité et de la réconciliation. Afrique du Sud.

Les éléments de preuves s'accumulent sur l'inefficacité du dépistage organisé du cancer du sein en termes de mortalité globale, de sa futilité en termes de mortalité spécifique mais surtout de sa dangerosité en termes d'effets collatéraux majeurs.

Ces éléments de preuves sont tels qu'ils posent un problème moral qu'il n'est plus possible d'éluder. Et quand il faudra signer un Manifeste pour les vicitimes de ce dépistage organisé, dans dix ans, vous vous rappellerez qu'il était possible de savoir tout depuis longtemps.

Et nous savons.

Le problème central que j'évoquerai dans le prochain billet est celui des citoyennes qui ont des seins et qui n'ont pas tous les éléments pour choisir de façon raisonnée comment gérer le risque d'avoir un jour un cancer du sein et comment le savoir.

J'ai déjà écrit sur le sujet en me faisant le porte-voix des vrais lanceurs d'alerte, pas les "J'arrive après la bataille", les "Je vous l'avais bien dit" ou "Hein que j'avais raison avant les autres"... Je ne vais pas revenir sur les chiffres bien que les chiffres soient indispensables pour s'assurer que l'on ne raconte pas n'importe quoi. Vous les trouverez ICI et LA mais les auto citations font rengaine.

Je vous propose pour vous attiser l'infographie réalisée par JB Blanc que vous pouvez retrouver sur son site avec des commentaires appropriés (LA).


Et, toujours du même auteur, un texte éclairant qu'il faudrait faire lire à tous les professeurs qui professent le dépistage organisé, et aussi aux non professeurs, aux médecins de base, mais surtout aux citoyennes pas malades, aux citoyennes qui pourraient le devenir ou, malheureusement à celles qui en ont déjà été victimes, et qui fait le point sur la manipulation du dépistage organisé (LA) en répondant à la majorité des questions que les dépisteurs patentés de l'INCa et d'ailleurs ne se posent jamais, d'abord en raison de leur incapacité intrinsèque à se poser des questions, ensuite en raison de leur aveuglement qui leur fait préférer leurs positions personnelles à la Santé publique, enfin en raison de blocages intellectuels que nous allons évoquer un peu plus loin et qui nous touchent les uns come les autres.

Merci donc de lire ce billet de JB Blanc avec attention.

Il m'étonnerait, et alors que le Ministère de la Santé demande à l'une de ses agences, l'Institut National contre le cancer (INCa), dont elle nomme les dirigeants non en raison de leurs activités de recherche ou de leur sens clinique mais parce qu'ils seront "politiques", "compliants", "observants" des politiques gouvernementales fondées sur la soumission au lobby santéo-industriel, d'organiser une large concertation citoyenne pour, ouvrons les guillemets, ouvrez vos oreilles, on se demande dans ce gouvernement et notamment dans ce ministère à l'agonie s'il existe une once de morale commune, améliorer le dépistage du cancer du sein (LA), c'est à dire bâillonner les opposants à ce dépistage organisé. C'est un peu comme si ce même Ministère de la santé faisait organiser par le Comité du sucre une large concertation citoyenne pour améliorer la consommation des boissons sucrées !

Cela fait du bien qu'une plume différente, celle de JB Blanc, tout comme celle de Sylvain Fèvre (voir LA pour le blog), et neuve dise ce que nos pionniers, Bernard Junot (malheureusement décédé), Peter Gotzsche (voir en particulier ce document Nordic Cochrane en anglais LA) lâché par Cochrane sur les psychotropes et par les Danois), Rachel Campergue (ICI pour son blog) (dont l'exil nous prive de son regard acéré de femme qui n'est ni médecin ni malade, le dernier billet date de décembre 2014, LA, et confirme que son point de vue est toujours aussi pertinent), nous ressassent depuis longtemps...

Et j'imagine que cette lecture fera plaisir à celles qui ont vécu le cancer du sein, celles qui pensent avoir été sauvées par le dépistage et celles qui croient avoir été sauvées par les traitements, quant aux autres, on les aime encore plus. Mais je m'arrête : pas de pathos.

Mais il me semble qu'un certain nombre de verrous (les blocages intellectuels dont je vous parlais plus haut) ne sont pas prêts d'être forcés. Chez les médecins comme chez les citoyennes et citoyens.


Et, au lieu de se balancer à la figure des arguments pour ou contre situés le plus souvent dans des plans différents de réflexion, les uns scientifiques et les autres un peu moins ou franchement limbiques, il est nécessaire d'identifier ces verrous.

En effet, les personnes qui ont commencé à douter de la pertinence du dépistage organisé du cancer du sein ne se sont pas réveillés un matin en se disant "Bon sang mais c'est bien sûr" ou "Je vais foutre le bordel dans cette fourmilière" ou, pour les plus fous, "Je suis un lanceur d'alerte, je suis un lanceur d'alerte !" Ils ont réfléchi, ils ont lu, ils ont douté.

Quand il existe des idées dominantes fondées sur le bon sens qui courent dans le monde médical et dans le monde profane, elles influencent également ceux qui n'y "croient" pas et les influencent encore quand ils n'y croient plus.

Je me rappelle, et surtout n'imaginez pas une seconde que je me prenne pour un lanceur d'alerte, je suis un esprit lent, prudent, pas très fort en calcul, en statistiques, je dois réfléchir à deux fois avant d'interpréter les rapports de cote, les valeurs prédictives positives et autres babioles qui devraient être acquises dès la première année de médecine, je me rappelle donc les conversations privées avec Marc Girard, c'était le début des années 2000, quand il me parlait de la connerie de la mammographie, il disait même cette saloperie, et que je n'avais pas encore lu Junod (qu'il m'a fait lire) et consorts (certains articles étaient d'une complexité rare)... Puis les choses se sont précisées avec les 2 numéros de Prescrire en 2007 et les avis de la Cochrane nordique déjà citée (Peter Gotzsche !). Mais que c'est dur quand on est un médecin généraliste que de devoir tout seul, aidé d'amis et de collègues (Dupagne, Braillon, Lehmann, Baud, Nicot), d'associations (et le Formindep a joué un rôle très fort, il faut le souligner, pour populariser les travaux de Bernard Junod membre du Formindep), de profanes (Rachel Campergue), de patientes (Martine Bronner, Manuela Wyler et d'autres), d'aller à l'encontre de ce qui se dit et écrit partout, penser contre l'Etat et son lobby santéo-industriel, de serrer les fesses comme dirait Christian Lehmann quand il s'agit de prendre des décisions  avec "ses" malades qui pourraient nous être reprochées ensuite. Car la différence entre le cancer du sein et le cancer de la prostate est la suivante : dans le cas du cancer du sein les recommandations officielles ne se posent pas de questions et il sera possible de se retrouver devant un tribunal et il sera possible de se faire attaquer par des experts "officiels" qui enfonceront le brave médecin qui n'aura fait que lire la littérature... tandis que dans le cancer de la prostate les recommandations sont presque claires bien que tous les urologues (que ceux qui ne le font pas envoient un message, cela ne bloquera pas le site) dosent le PSA systématiquement et que presque tous les médecins généralistes font idem mais, et Dominique Dupagne nous l'a montré, il sera possible en ce cas de se défendre victorieusement malgré les attaques ignominieuses des experts urologues patentés...

Commençons par le problème du sur diagnostic : le sur diagnostic n'est pas un faux positif !


Terminons par cette notion incroyable : il y a des cancers qui disparaissent tout seuls !

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Nous aborderons dans le billet suivant le problème de la transition. Que faire ? Comment agir pour passer d'un système qui ne marche pas à un système qui permet de reprendre la main et qui permet  d'entraîner moins de dégâts collatéraux.

L'entreprise est vaste car elle oblige à remettre en cause nos pratiques, une de mes amies radiologues (qui se reconnaîtra) me disait : "Tout ce que tu dis met en cause mon activité quotidienne, mon travail en cancérologie...", eh oui.

Une de mes patientes me disait (elle se reconnaîtra) : "Comment vous croire alors que tout le monde dit le contraire ?"

Mais cette transition et ce virage à 180 degrés sont-ils encore possible avec une machine industrielle lancée dont la force d'inertie est considérable ? Comment s'y prendre ? Comment gagner la confiance des citoyennes ? Comment faire pour qu'elles s'approprient le refus du dépistage organisé ? Comment faire pour que les tenants de ce dépistage ne perdent pas la face et admettent qu'ils se sont trompés ou que les données d ela science ont changé ?

NOTES


1) Résumé imparfait du livre de Rachel Campergue

Voici quelques éléments que j'ai pêchés ici et là dans le livre de RC, éléments que les femmes ne trouveront pas dans les brochures incitant à pratiquer une mammographie tous les deux ans à partir de l'âge de 50 ans et jusqu'à l'âge de 74 ans :
  1. Il n'existe pas un mais des cancers du sein : des cancers qui grossissent rapidement (parmi eux les fameux cancers de l'intervalle, ceux qui apparaissent entre deux mammographies et qui sont déjà métastasés lorsqu'ils sont découverts), des cancers qui progressent lentement, des cancers qui ne grossissent pas du tout, des cancers qui sont si lents à progresser qu'ils ne donneront jamais de symptômes et des cancers qui régressent spontanément (ces deux dernières catégories pouvant être considérées comme des pseudo-cancers).
  2. La mammographie ne permet pas un diagnostic précoce car elle découvre des cancers qui étaient en moyenne présents depuis 8 ans !
  3. Les cancers de l'intervalle ne sont, par définition, pas découverts par la mammographie lors du dépistage et ce sont les plus rapides à se développer et les plus mortels. Attention (je rajoute cela le trois octobre 2013) : un essai récent sur une population norvégienne dit le contraire (ICI)
  4. La mammographie peut se tromper et passer à côté de 20 % des cancers du sein et ce pourcentage est encore plus fort chez les femmes plus jeunes (25 % entre 40 et 50 ans), ce sont les faux négatifs.
  5. La mammographie peut se tromper et annoncer un cancer alors qu'il n'en est rien : ce sont les faux positifs. On imagine l'angoisse des femmes que l'on "rappelle" après la mammographie pour leur demander de passer d'autres examens et pour leur dire ensuite, heureusement, qu'elles n'ont pas de cancer... Voici des données terrifiantes : Après avoir subi une dizaine de mammographies, une femme a une chance sur deux (49 % exactement) d'être victime d'un faux positif et une chance sur 5 (19 % exactement) de devoir se soumettre inutilement à une biopsie du fait d'un faux positif.
  6. La seconde lecture de la mammographie par un autre radiologue ne se fait qu'en cas de résultat normal, pas en cas de résultat anormal : on ne recherche que les faux négatifs, pas les faux positifs (ceux qui conduisent aux examens complémentaires anxiogènes dont la biopsie qui peut être dangereuse)
  7. La mammographie est d'interprétation d'autant plus difficileque la femme est jeune (importance du tissu glandulaire) et qu'elle prend des estrogènes qui sont un facteur de risque du cancer du sein et d'autant plus difficile que la femme est ménopausée prenant des traitements hormonaux substitutifs (heureusement arrêtés aujourd'hui)
  8. On ne lit pas une mammographie, on l'interprète et il faut se rappeler que la variabilité inter radiologue peut atteindre (dans la lecture d'une radiographie du poumon, ce qui est a priori plus facile) 20 % et que la variation intra individuelle (on demande à un radiologue de relire des clichés qu'il a déjà interprétés) de 5 à 10 %
  9. L'interprétation erronée d'une mammographie dans le cas d'un faux positif (cf. le point 5) conduit les femmes à être "rappelées" (pour biopsie) : le taux de rappel peut varier, chez les "meilleurs" radiologues, de 2 à 3 % et atteindre 20 % chez les autres ! Certains estiment que le taux "idéal" de rappel serait de 4 à 5 % alors qu'il est de 10 à 11 % en pratique : sur 2000 femmes invitées à la mammographie pendant dix ans 200 feront face à un faux positif ! Anecdotiquement (mais pas tant que cela) le taux de rappel augmente quand le radiologue a déjà eu un procès.
  10. Quant à la lecture (i.e. l'interprétation) des biopsies elle laisse encore une fois rêveur : Un essai a montré que la lecture de 24 spécimens de cancers du sein par 6 anatomo-pathologistes différents a entraîné un désaccord pour 8 spécimens (33 %). Quand on connaît les conséquences d'une biopsie positive...
  11. La biopsie positive ne fait pas la différence entre ce qui n'évoluera jamais et ce qui évoluera de façon défavorable (sauf dans les rares cas de cancers indifférenciés) et c'est cette définition statique qui est source d'erreurs fatales... Et encore n'avons-nous pas encore parlé des fameux cancers canalaires in situ...
  12. Sans compter que nombre de cancers REGRESSENT spontanément comme cela a été montré dans la fameuse étude de Zahl de 2008 : une comparaison entre femmes dépistées et non dépistées montre que les femmes suivies régulièrement pendant 5 ans ont 22 % de cancers invasifs de plus que celles qui ne l'avaient pas été... Et encore les cancers canalaires in situ n'avaient-ils pas été pris en compte...
  13. L'exposition des seins aux rayons X n'est pas anodine.L'historique de l'utilisation des rayons X en médecine laisse pantois (pp 331-382). Mais je choisis un exemple décapant : dans les familles à cancers du sein (mutation des gènes BRCA1 et BRCA2) une étude montre que le suivi mammographique depuis l'âge de 24 - 29 ans de ces femmes à risque entraînait 26 cas de cancers supplémentaires (radio induits) pour 100 000 ; ce chiffre n'était plus (!) que de 20 / 100 000 et de 13 / 100 000 si le dépistage était commencé respectivement entre 30 et 34 ans et entre 35 et 39 ans !
  14. Il n'y a pas de sein standard pour les doses de rayon administrés par examen ! Ou plutôt si, cette dose a été définie ainsi : pour un sein constitué à parts égales de tissu glandulaire et de tissu graisseux et pour une épaisseur comprimée (sic) de 4,2 cm. Je laisse aux femmes le soin de vérifier...
  15. Terminons enfin, à trop vouloir prouver on finit par lasser, même si nous n'avons pas rapporté la question des biopsies disséminatrices de cellules et de l'écrasement des seins lors des mammographies répétées, sur le problème des carcinomes in situ qui "n'existaient pas auparavant" et qui sont devenus les vedettes de la mammographie de dépistage (environ 50 % des cancers diagnostiqués). Une enquête rétrospective a montré que sur tous les carcinomes in situ manqués seuls 11 % étaient devenus de véritables cancers du sein alors que la règle actuelle est de proposer mastectomie ou tumorectomie + radiothérapie... Sans compter les erreurs diagnostiques : un anatomo-pathologiste américain a revu entre 2007 et 2008 597 spécimens de cancers du sein et fut en désaccord avec la première interprétation pour 147 d'entre eux dont 27 diagnostics de carcinome in situ.
2)
Ce dont Gotzsche nous a appris à nous méfier.

  1. Croyance 1 : Dépister tôt, c'est mieuxLes faits : En moyenne les femmes ont un cancer du sein qui évolue depuis 21 ans quand il atteint la taille de 10 mm.
  2. Croyance 2 : Il vaut mieux trouver une petite tumeur qu'une grosseLes faits : Les tumeurs détectées par dépistage sont généralement peu agressives ; aucune réduction du nombre de tumeurs métastasées n'a été constatée dans les pays où le dépistage est organisé.
  3. Croyance 3 : En identifiant les tumeurs tôt un plus grand nombre de femmes éviteront la mastectomieLes faits : Non, un plus grand nombre de femmes subiront une mastectomie.
  4. Croyance 4 : Le dépistage par mammographie sauve des vies.Les faits : Nous n'en savons rien et c'est peu probable, par exemple la mortalité par cancer est la même.
3)
Le document du site cancer rose, site alternatif, proposant une brochure d'information raisonnable et raisonnée à destination des femmes afin qu'elles puissent choisir est consultable in situ en deux versions téléchargeables.

4) La conclusion des auteurs de la Nordic Cochrane

If we assume that screening reduces breast cancer mortality by 15% and that overdiagnosis and overtreatment is at 30%, it means that for every 2000 women invited for screening throughout 10 years, one will avoid dying of breast cancer and 10 healthy women, who would not have been diagnosed if there had not been screening, will be treated unnecessarily. Furthermore, more than 200 women will experience important psychological distress including anxiety and uncertainty for years because of false positive findings. To help ensure that the women are fully informed before they decide whether or not to attend screening, we have written an evidence-based leaflet for lay people that is available in several languages on www.cochrane.dk. Because of substantial advances in treatment and greater breast cancer awareness since the trials were carried out, it is likely that the absolute effect of screening today is smaller than in the trials. Recent observational studies show more overdiagnosis than in the trials and very little or no reduction in the incidence of advanced cancers withscreening.

Pour l'illustration et pour en savoir plus sur Vérité et Réconciliation.

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Bruits des sabots et corruption en médecine.

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Le dernier billet de Bruit de sabots (voir ICI) a provoqué de nombreux commentaires dans le petit milieu.
Il pose des questions essentielles.
Mais il pose des questions essentielles à ceux qui se posent des questions, c'est à dire à très peu de médecins (on sait que 60 % des médecins reçoivent la visite médicale et je ne sais combien, une majorité de ces médecins disent ne pas être influencés).


Mon lien d'intérêt est clair : je connais Bruit des sabots IRL (In Real Life), je lui ai parlé lors d'un congrès de Prescrire, je communique parfois par mel avec lui et il m'a fait relire sa thèse avant parution : ICI, une thèse d'une grande qualité mais qui, ironie du sort, traite justement du sujet). Et je l'aime bien. 

Quand j'ai lu le billet il y avait déjà un commentaire de Martin Winckler. Qui m'a déçu en bien. J'ai posté moi-même un commentaire qui a dû en surprendre plus d'un.

Puis est paru le billet de Perruche en automne (ICI). Auquel j'ai répondu. Mais les autres commentaires sont plus intéressants et les réponses de l'auteur indiquent qu'il est moins méchant qu'il n'y paraît.

Sylvain Fèvre (ASK) a écrit un billet bien fichu et favorable au choix de Bruit des sabots (LA).

Puis Bruit des sabots a réécrit un billet : LA.

Les liens d'intérêts et les conflits sont une affaire sérieuse qui demande des bases solides. En France, pays de profiteurs, pays où la triche fiscale est un sport national pour lequel la bienveillance est de rigueur, l'immense majorité des habitants de ce pays merveilleux ne sait même pas ce qu'est un lien d'intérêt. Alors, la différence entre lien et conflit paraît pour ces habitants de cette contrée merveilleuse que tout le monde envie, un concept martien.

Voici une définition états-unienne que j'ai traduite.

"Un concours de circonstances qui crée le risque qu'un jugement professionnel ou des actions relatifs à un intérêt primaire soient injustement influencés par un intérêt se condaire.

"Les intérêts primaires sont : promouvoir et protéger l'intégrité de la recherche, le bien-être des patients et la qualité de la formation médicale.

"Les intérêts secondaires peuvent inclure non seulement un gain financier mais aussi le désir d'avancement professionnel, la reconnaissance d'une réussite personnelle et des faveurs pour des amis et de la famille ou des étudiants et des collègues.

"L'IOM ajoute que les intérêts financiers sont souvent mis en avant notamment auprès de l'opinion publique mais qu'ils ne sont nécessairement pas plus graves que les autres intérêts secondaires ; ils sont en revanche plus objectivables, plus opposables, plus quantifiables et plus réglementés en pratique de façon équitable"

Avec un commentaire de Robert Steinbrook (LA).

Vous pouvez également lire un billet de Marc Girard qui, comme à son habitude, va plus loin (ICI).

Sur le site de Marc Girard il y a de très très nombreux billets sur le sujet ainsi que sur ce blog car le sujet est important et complexe.

Je voudrais revenir brièvement sur le concept de transparence et sur celui de lien/conflit d'intérêt. Rapidement.
La transparence est un concept barbare. Comme je l'ai écrit quelque part (LA), la transparence et la publicité, considérées comme geste éthique fondamental vis à vis des medias, de la maladie des hommes politiques, par exemple, est une des composantes, je pèse mes mots, du totalitarisme moderne des sociétés libérales, celui de l'intrusion de la démocratie d'opinion dans la vie privée de tout un chacun., et je peux citer Kundera, qui a une certaine habitude des systèmes totalitaires, qui fut choqué en arrivant en France (on l'avait chassé de Tchécoslovaquie où la transparence consistait à diffuser à la radio d'Etat des  enregistrement volés à l'intimité des opposants) de découvrir à la une des journaux des photographies de Jacques Brel mourant à la sortie de l'hôpital américain de Paris.

Passons-en aux faits :
  1. Soulignons, mais ce n'est pas une excuse, la franchise de Bruit des sabots qui, au lieu de se cacher derrière son petit doigt, au lieu de se poser des questions seul dans son coin et de faire  un choix difficile (avec ses amis, ses relations, sa famille, en toute autonomie) a choisi de mettre le débat sur la place publique (hétéronomie) et, on le lit, dans la douleur (voir son dernier billet qui paraît en même temps que j'écris : ICI).
  2. Insistons sur le fait majeur de ce billet : on y apprend (je l'apprends et je suis confus de ne pas l'avoir su avant) que l'industrie pharmaceutique sponsorise des postes universitaires ! Ainsi, non contente de toucher de l'argent ici ou là (le professeur Grimaldi clamant haut et fort que le système informatique de son service a été payé par un laboratoire, Sanofi-Aventis, qui est un acteur majeur de l'activité, la diabétologie, du dit professeur)
  3. Et le paradoxe de tout cela : je lui conseille d'accepter, je pense qu'à son âge je l'aurais fait (parce qu'à son âge je ne connaissais même pas l'existence de la notion de lien ou de conflit d'intérêt), je lui conseille (que ce terme est mal choisi, comme si je pouvais me permettre de conseiller quelqu'un dans un choix moral) de faire ce qu'il a choisi de faire, mais, aujourd'hui, aujourd'hui que je sais ce que je sais et que ma vie professionnelle est derrière moi,  je pense que sa position est sans doute intenable à terme mais la vie est ainsi faite qu'il faut expérimenter, aujourd'hui donc je n'aurais pas accepté.  
  4. Je fais un détour par Matthieu Calafiore qui est président du SNEMG (syndicat national des enseignants en médecine générale) et qui participe activement au CNGE (collège national des généralistes enseignants) ou au congrès de la médecine générale sponsorisé par l'industrie (ICI et LA) : je pourrais être critique à 100 %, sachant ce que je sais, mais je constate qu'il fait des cours à la Faculté dénonçant par exemple le tout cholestérol. S'il ne le faisait pas qui le ferait ? Le professeur Danchin ? Donc, Bruit des sabots, fais le Matthieu...
  5. Puis un détour par Jean-Marie Vailloud (LA) dont le billet est d'une désespérance totale. Ce billet mérite, comme on dit, de "déplaquer" : ce cardiologue (que je ne connais ni des lèvres ni des dents) écrit sans doute le blog de cardiologie le plus pertinent qui soit (sans doute mille fois plus pertinent que la revue Prescrire quand elle parle de cardiologie) et il nous narre, au delà de la défense corporatiste de Perruche en Automne (je vais parler du fond de ce billet dans le paragraphe suivant), son parcours compliqué pour éviter l'industrie, et le fait qu'il ne puisse pas l'éviter. Il nout dit ceci en filigrane : nous sommes cernés. Donc, Bruit des sabots, fais aussi bien que Grange Blanche
  6. Mais, cher Bruit des sabots, le morceau de résistance, c'est le billet de Perruche en automne (LA). J'ai écrit que le billet était méchant. Je persiste et j'ajoute que le ton, au delà de l'ironie, est méprisant. Il s'agit en réalité d'abord d'un plaidoyer pro domo : je résume : les petits khons ki croient ke c'est pas possible de ne pas être corrompus feraient mieux de fermer leur gueule puisque moi la meilleure Perruche en automne de la création, et malgré que j'en aie, je suis bien obligé d'écrire avec un stylo, manger un petit four, aller dans des congrès all inclusive pour le meilleur de ma spécialité et que d'ailleurs la fac c'est pareil, c'est pourri de partout donc, faut le dire aux jeunes qui s'inscrivent à une prépa pour faire médecine, ils vivront dans la corruption et on ne peut faire autrement, et cetera. Ensuite, l'autre aspect de son billet la vengeance personnelle. Comme ce garçon a l'air très bien, propre sur lui (j'ai déjà écrit ailleurs que ses billets, bien qu'un peu complexes pour un petit généraliste de banlieue sensible comme moi, étaient souvent d'une rare qualité scientifique bien qu'un peu anti pédagogiques par moments, mais, en tous les cas très au dessus du lot des néphrologues communs -- ceux que je côtoie toute l'année sont très en dessous et eux, sans vergogne aucune, écrivent leurs ordonnances sous l'influence directe de big pharma), qu'il sait quelles sont ses propres compromissions (je connais les miennes, merci) il se rappelle le Bruit des sabots qu'il était dans son extrême jeunesse (je romance, je freudise comme un crétin) et se venge de lui en se moquant de l'autre. Je me relis et je me rends compte que c'était ma première impression, ma première impression méchante et que, comme je le disais plus haut, les réponses aux commentaires de l'auteur le montrent sous un jour plus favorable mais, comme dirait l'autre, le vendeur de chez Darty, c'est la première impression qui compte...  
  7. Enfin, BdS, les commentaires sur twitters, enfin les quelques que j'ai interceptés, sont intéressants également. Y a 1) le mec, il l'a pas volé, 2) J'aurais pas fait comme lui (surtout les mecs à qui on ne l'a pas proposé), 3) Retour à l'envoyeur, 4) La vie, c'est un compromis, 5) Il faut être intègre, pas intégriste, 6) C'était pas la peine de faire tout ce cinéma pour finalement faire ce que fait tout le monde, 7) Je l'aime bien, je lui pardonne, mais pour un autre, je ne l'aurais pas fait, 8) La vie est un long conflit d'intérêt...
En gros, cher Bruit des sabots : fais ce qui te plaît et ne cherche l'approbation de personne mais tu sais désormais que tes prises de position seront examinées avec un oeil neuf et que l'on te cherchera des poux dans la tête à la première occasion.


Image : Ray Liotta dans Les Affranchis de Martin Scorcese.


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Une photographie signifiante et signifiée : faire grève pour des médecins libéraux est contre-intuitif.

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Les syndicats médicaux, après s'être étripés, sont réunis pour faire grève.
Je ne suis pas certain de comprendre comment des médecins libéraux peuvent faire grève. C'est une chose qui me dépasse (je ne suis pas seul : ICI, j'ai déjà expliqué : LA puis ICI)
Je ne comprends pas comment on peut décider de toute bonne foi de couper la branche sur laquelle on est assis.
Je ne comprends pas comment, symboliquement, on peut dire j'arrête de soigner, j'arrête de recevoir des patients, j'arrête d'entendre des patients, je nie la nécessité ou l'intérêt et l'évidence de mon activité. Et je m'en lave les mains : mes patients n'ont qu'à se rendre dans les services d'urgence. Ces services d'urgence que les médecins libéraux ne cessent de critiquer... A moins bien entendu que les urgentistes, le célèbre Pelloux par exemple, n'aient raison : les médecins libéraux ne font pas leur boulot (Il est évident, je vous rassure, que ce n'est pas le cas car le problème de l'engorgement des services d'urgences est tout aussi aigu quand la médecine est salariée, Grande-Bretagne, ou libérale, Etats-Unis d'Amérique) et ne servent à rien. Mais dire, je fais grève, je ne reçois plus "mes" malades, Dieu y pourvoira, n'est-ce pas un aveu d'impuissance et d'inutilité ?
Est-ce cela que les médecins libéraux désirent ? Que l'on pointe à leur propos l'inconséquence du système ? Alors que l'inconséquence du système se situe ailleurs...  

La grève est une gestuelle magique dont l'histoire des luttes sociales salariées a montré l'incontournable intérêt mais c'est aussi une gesticulation qui permet aux syndicats de montrer qu'ils sont à la pointe, aux grévistes qu'ils font partie des justes et au système de perdurer. La grève est un échec. Et dans le cas des libéraux : un naufrage. (Je lisais récemment les réponses des avocats en grève quand des prévenus se présentaient seuls en comparution immédiate car ils ne voulaient surtout pas reporter une audience qui signifiait retourner en prison... C'était minable)

La majorité des patients qui se rendent dans nos salles d'attente ne sont pas malades et sont victimes du disease mongering en français, de la knockisation du monde en anglais... Faire grève ne pourra que souligner ce fait, c'est le seul intérêt que j'y vois. Mais sera-ce productif ?

Car nous y sommes : les syndicalistes réunis autour de cette table sont opposés à la loi Santé mais que proposent-ils à la place ? Rien. 

Cette photographie montre une assemblée d'hommes mûrs dont le monde est en train de s'effondrer.

Nous sommes à la croisée des chemins.

Cette assemblée d'hommes mûrs (il y a bien deux alibis autour de la table) et d'hommes murs (des murs de certitudes) n'est d'accord sur rien, a des rancoeurs sur tout, et n'a de commun que des mandats électifs. 

Il y a donc des gens réunis :
  1. Qui sont pour la médecine à l'acte pure et dure, d'autres qui veulent un peu d'autre chose (et certains avec du rosp et d'autres pas), d'autres qui désirent le salariat,
  2. Qui reçoivent la visite médicale sans s'en soucier tout en en profitant tout en disant que cela ne les influence pas,
  3. Qui ne se forment jamais, qui suivent de la formation sponsorisée (voire qui en vivent), non sponsorisée ou un peu...
  4. Qui prescrivent des médicaments puisqu'ils ont l'AMM...
  5. Qui lisent Prescrire, qui sont abonnés et ne lisent pas Prescrire, qui pensent que les lecteurs de Prescrire sont des ahuris, ayatollahs et autres...
  6. Qui sont contre le tiers payant généralisé pour des raisons idéologiques, pour des raisons administratives, sociales et pour toutes ces raisons alors que d'autres n'y sont pas opposés pour des raisons du même métal...
  7. Qui se moquent de la médecine EBM ou qui ne savent pas ce que c'est ou qui tentent de l'appliquer...
  8. Qui pensent que voir 50 (40 ?) malades par jour est acceptable, que travailler 60 heures par semaine est acceptable et l'inverse...
  9. Qui sont contre les mutuelles non mutualistes et qui en sont membres...
  10. Qui travaillent ou non en solo, en cabinet de groupe avec ou sans secrétaire (s), en maison médicale de santé, en secteur 2, en secteur 1, en clinique, en dispensaire...
  11. Qui pensent ou non que les agences gouvernementales sont indépendantes et que le système est (n'est pas) corrompu...
  12. Qui sont persuadés ou non que les médecins généralistes sont de la merdre et qu'ils le méritent bien...
  13. Qui sont contre la financiarisation de la médecine et qui travaillent dans des cliniques financiarisées...
  14. Qui ne "voient" pas ou qui ressentent la médicalisation de la société et la sur médicalisation de tout...
  15. Qui trouvent que l'homéopathie ne devrait plus être remboursée et d'autres qui en font leur fond de commerce...
  16. Qui, lors de la pseudo pandémie A1H1N1, étaient contre les vaccinodromes, y ont participé, ou ne souhaitaient qu'une chose : vacciner dans leur cabinet...
  17. Qui...

Et tout ça, ça fait, d'excellents Français...

Je pense, et nous ne sommes pas les seuls, que la partie est fichue et que les exemples de la grande distribution, de la zootechnie, du vin, de l'automobile, montrent la voie : combines, ententes, frelatage, concussion, financiarisation, faux labels... L'industrialisation de la médecine, je veux dire l'industrialisation des malades, l'utilisation de leur corps non malade et malade à des fins mercantiles sont actées.

Je ne ferai pas grève, on le comprend, pour des raisons morales, pas parce que je suis content de mon sort ou du sort de mes collègues.


Une grève du zèle me plairait assez.

En parlerons-nous ?


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Je consulte le vendredi 13 novembre 2015 et je suis contre la Loi santé.

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Voici ce que pourront lire demain les patients dans la salle d'attente, dans mon cabinet de consultation (derrière mon bureau).

NON A LA LOI SANTE


Je suis en grève ce vendredi 13 novembre 2015

Mais je vous reçois en consultation.



La Loi santé est une menace pour vous.




Elle ne met pas fin aux franchises médicales qui pénalisent les plus pauvres et les plus malades.



Elle ouvre des espaces aux mutuelles complémentaires (dont les tarifs ne sont pas proportionnels aux revenus).



Elle autorise désormais des contrats mutualistes fondés sur votre état de santé (les plus malades ou les plus à risque payant plus).



Elle encourage la création de réseaux de soins mutualisés (menace sur la liberté du choix des praticiens et des hôpitaux/cliniques).



Elle autorise le partage de vos données personnelles de santé (risque de rupture du secret médical).



Elle ne donne pas les moyens aux médecins généralistes de s’installer et de mieux vous accueillir.


Ce sont les médecins généralistes, les médecins de famille, qui sont votre meilleure défense contre les menaces de cette Loi.



Parlons-en.


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L’étude SPRINT vue de la médecine générale : une méthodologie complexe et criticable et des résultats mitigés.

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L'hypertension artérielle (HTA), son diagnostic, les investigations qu'elle entraîne, son traitement, son suivi, sont le pain et le beurre des médecins généralistes et leur souci constant.
Pouvoir disposer d'un essai clinique permettant de mieux traiter "ses" patients en général et dans le contexte de la médecine générale en particulier est passionnant.

Nul doute que l'essai SPRINT dont vous trouverez le protocole ICI et les résultats LA susciteront (et ont déjà suscité nombre d'articles, de commentaires, de prises de position et... de critiques).

Je me permets d'apporter mon grain de sel car les commentaires dithyrambiques que j'ai lus ici ou là, avec, à la fin, des mots de prudence (ICI par exemple), bla bla bla, font partie, à mon avis, d'une stratégie de déploiement pour, comme on l'a vu pour le cholestérol dernièrement avec les recommandations américaines (LA), étendre le domaine de la lutte contre l'HTA chez des non malades ou des prés malades (stratégie de Knock et/ou disease mongering).

Préambule.

Malgré les recommandations, essentiellement nord-américaines et européennes dérivées, le seuil d'intervention dans l'HTA chez le patient naïf, c'est à dire indemne de toute pathologie cardiovasculaire n'est pas aussi clair que cela. Le Joint National Committee 8  indique  en 2014 (ICI) que pour les patients d'au moins 60 ans la pression artérielle systolique (PSA) d'intervention recommandée est de 150 mm Hg et au delà (recommandation de grade A). Pour les patients de moins de 60 ans il faut intervenir pour une PAS supérieure ou égale à 140 mm Hg (niveau de recommandation de grade E ou avis d'expert).
J'ajoute que pour la Revue Prescrire, le seuil d'intervention est fixé à 160/95 mm Hg (Hypertension artérielle de l’adulte. Des repères pour réduire la morbidité et la mortalité cardiovasculaires. Rev Prescrire 2004;24(253):601-11)
Les tenants du tout HTA pouvaient ne pas être contents.


Présentation de l'essai SPRINT (Systolic Blood Pressure Intervention Trial).

C'est un essai multicentrique randomisé d'envergure (mais sans aveugle).

Le fait qu'il y ait beaucoup de centres (102), une structure centralisée, n'est pas une preuve de qualité a priori. Je pencherais même pour le contraire.

Le financement est public mais n'est pas d'une transparence fantastique puisqu'on apprend au détour d'une phrase qu'un médicament, un sartan non commercialisé en France (azilsartan) a été fourni gracieusement par les deux laboratoires effectuant le comarketing US (2). Je n'ai pas vérifié que les membres du steering committee étaient big pharma free mais aux US, c'est souvent le cas (ce qui devrait faire bondir les exprerts français qui pensent que seuls les financés par big pharma sont de bons médecins).

Tous les médicaments de l'essai sont fournis.

L'idée de base est la suivante, selon une hypothèse énoncée en 2007 par un panel d'experts réunis sous l'égide du National Heart, Lung, and Blood Institute (NHLBI) : abaisser la PAS en dessous de 120 mm Hg permettrait de prévenir les complications dues à l'HTA chez les non diabétiques.

Ce qui me turlupine quand même c'est la raison pour laquelle un tel essai a été mis en place alors qu'un essai au protocole similaire (on l'a copié) mais pratiqué chez des diabétiques (The ACCORD study group) était négatif (LA)  hormis pour la diminution des AVC (1).

L'idée sous-jacente, je cherche toujours la petite bête, était sans doute triple : premièrement, les médecins chercheurs aiment le concept The lower, the better (on y a droit pour le cholestérol, on y a eu droit pour le diabète), deuxièmement, l'idée que le JNC Committee n'arrive pas à conclure vraiment avec des essais contrôlés, en embêtait plus d'un, troisièmement, le plus c'est bas c'est mieux  signifie plus de molécules donc plus de ventes de molécules, donc plus de cash pour big pharma. (En écrivant ces lignes j'apprends que l'US Preventives Service Task Force publie des recommandations de grade A sur le dépistage de l'HTA. Accrochez-vous encore : les hommes de plus de 18 ans qui sont à risque (à dépister donc) sont ceux dont la PA est comprise entre 130-139 pour la systolique et 85-89 pour la diastolique, et/ou en surpoids ou obèses, et/ou afro-américains. Voir LA)

Le design de l'étude SPRINT

Les critères d'inclusion des patients sont d'une complexité inouïe.
Accrochez-vous.

Etre âgé d'au moins 50 ans, avoir une PA systolique comprise entre 130 et 180 mm Hg, et présenter un risque cardiovasculaire augmenté (défini ainsi : avoir un au moins des critères suivants : une atteinte clinique ou infraclinique autre qu'un AVC ; une affection rénale excluant une maladie polykystique rénale avec une clairance MDRD comprise entre 20 et 59 ; un risque cardiovasculaire d'au moins 15 % sur la base du score de risque de Framingham (voir LA pour le score (2)) ; ou un âge de 75 ans ou plus.

Point important : il s'agissait de malades ambulatoires. Pas de patients institutionnalisés (équivalent EHPAD et autres).

Les patients étaient revus tous les 3 mois et la PA était prise, le patient assis pendant 5 minutes avec un appareil de prise de la PA automatisé (3 mesures).
Concernant l'observance, aucun dosage n'a été effectué.

Le protocole lui-même était le suivant : les patients, par centre, étaient assignés au hasard entre un groupe traitement intensif (objectif cible de PAS inférieur à 120 mm Hg) et un groupe traitement standard (objectif cible de PAS inférieur à 140) (et les soignants savaient bien entendu à quel groupe les patients appartenaient). A chaque nouvelle consultation le traitement était réadapté : dans le groupe intensif pour que l'objectif cible, PAS inférieure ou égale à 120, soit visé et, dans le groupe standard, adaptation du traitement pour que la PAS descende pas au dessous de 130 à une visite ou en dessous de 135 lors de deux visites consécutives.
On apprend également que la chlortalidone était favorisée comme diurétique thiazidique (molécule non commercialisée en France sauf dans deux associations inutilisées en France : logroton et tenoretic) et l'amlodipine comme inhibiteur calcique.


Les objectifs de l'essai.
Objectifs primaires : survenue d'événements groupés en un index composite comprenant infarctus du myocarde, syndrome coronarien aigu (n'entraînant pas un infarctus du myocarde), AVC, insuffisance cardiaque aiguë ou décès dus à une cause cardiovasculaire.
Objectifs secondaires : composants individuels de l'index composite ou décès quelle que soit la cause.

Les résultats

Nombre de participants : 9361

Suivi moyen : 3,26 ans (l'étude a été arrêtée avant son terme pour cause de "bons" résultats dans le groupe intensif)

PAS : dans le groupe intensif 121,4 mm Hg et dans le groupe standard 136,2 mm Hg avec une différence moyenne de 14,8 mm Hg pour 2,8 médicaments prescrits dans le premier groupe et 1,8 dans le second.

Distribution des traitements identique selon les groupes (je pense qu'il faudrait fouiller ce point car je remarque des incohérences importantes : dans le groupe intensif il y a 76,2 % de patiens sous sartan + IEC, 54,9 % de patients sous thiazidiques et 10,3 % de patients sous alpha-bloquants contre respectivement 52,2 %, 33,3 % et 5,5 %).

Plus d'événements primaires sont survenus dans le groupe standard que dans le groupe intensif (319 vs 243 - p inférieur à 0,001). Pour ce qui est des décès toutes causes la différence est significative dès la deuxième année.
Les auteurs parlent du risque relatif de décès par cause cardiovasculaire diminué de 45 % (p=0,005). Je n'ai pas calculé le risque absolu mais, comme d'habitude, il doit calmer les esprits.

Le nombre de malades à traiter (NNT) pour éviter un événement primaire, un décès quelle que soit la cause et un décès cardiovasculaire est respectivement de 61, 90 et 172. 

Chez les patients inclus avec une insuffisance rénale chronique (IRC) pas de différence entre les deux groupes (à ceci près que l'indice composite comprend des critères assez hard : diminution de 50 % de la clairance MDRD et/ou End Stage renal Disease) ; chez les patients sans IRC il y a plus de patients dans le groupe intensif qui présentent une diminution de 30 % de leur MDRD que dans l'autre groupe (p inf à 0,001). Les néphrologues n'ont pas l'air inquiets (ICI).

Les effets indésirables sévères.

Des effets indésirables sévères sont apparus chez 38,3 % du groupe intensif (n=1793) contre 37,1 % dans le groupe standard (n=1736).

Commentaire sur ce point : je trouve que cela fait beaucoup ! Les expérimentateurs ont dû employer le bazooka. Et ils ne parlent pas des effets indsirables non sévères !
Les effets indésirables sévères comme hypotension, syncope, anomalies électrolytiques et insuffisance rénale aiguë sont survenus plus fréquemment dans le groupe intensif (mais pas pour les chutes préjudiciables définies comme nécessitant une hospitalisation et/ou une admission aux urgences (!) et les bradycardies).

A noter : une fréquence significativement plus grande (p inf 0,001) d'atteintes rénales sévères (i.e. ayant nécessité une hospitalisation et/ou une prolongation d'hospitalisation) dans le groupe intensif (4,4 % ; n=204) que dans le groupe standard (2,6 % ; n=120).

Conclusion des auteurs : 

Cibler une PAS de moins de 120 mm Hg, comparé à un ciblage de moins de 140 mm Hg, chez des patients à haut risque d'événements cardiovasculaires mais non diabétiquesa entraîné un nombre poins important d'événements cardiovasculaires fatals et non fatals et de décès quelle que soit la cause. Cependant certains effets indésirables sont survenus significativement plus fréquemment dans le groupe 120.


Vu de la médecine générale :

  1. Critères d'inclusion compliqués et très restrictifs, avec des références au score de Framingham (voir LA) qui est un score nord-américain sans aucune pertinence en France (où le risque cardiovasculaire est moins important), ce qui réduit comme une peau de chagrin le nombre de patients à envisager.
  2. Pas de patients institutionnalisés (ce qui, à mon sens, sélectionne sérieusement les patients les mieux portants et les moins sujets aux chutes, par exemple)
  3. Prise de la PAS avec un appareil électronique avec trois mesures consécutives (tout bon praticien de médecine générale sait 1) que dans 90 % des cas la PAS est moins élevée quand elle est mesurée dans le cabinet du praticien habituel que lorsqu'elle est mesurée à l'hôpital, en clinique ou chez un spécialiste libéral en cabinet ; 2) que dans 90 % des cas la PAS est moins élevée quand elle est mesurée par auto-mesures au domicile du patient ;  3) que les données de MAPA sont fluctuantes...
  4. Les traitements de base seront certainement analysés dans un deuxième temps mais les différences semblent a priori très notables entre les groupes.
  5. Pas de données explicites concernant le cholestérol, le tabagisme, et cetera...
  6. Vue la dispersion des valeurs de PAS dans les groupes, il ne me semble pas que l'argument chiffré de PAS différent dans les deux groupes soit très pertinent, la seule chose que l'on peut affirmer, l'étude étant ouverte, c'est que l'effet Hawthorne (LA) a joué plein pot et que le non double-aveugle n'a pas été sans effet.
  7. Ce qui signie qu'il faut traiter intensivement et sans bénéfices 60, 89 et 171 patients pour éviter respectivement 1 événement primaire, 1 décès cardio-vasculaire et 1 décès toute cause.
  8. Enfin, le fait que l'étude ait été arrêtée plus tôt ne, comme dirait Joseph Prudhomme, préjuge en rien de l'avenir et notamment de l'avenir rénal de ces patients.
  9. En conclusion presque définitive : essai intéressant, essai non contrôlé, essai non praticien, essai difficile à reproduire, essai qui va à l'encontre de données antérieures, essai non adapté, à mon sens, aux patients institutionnalisés, essai volontariste et producteur de beaucoup d'effets indésirables sévères. 



Pour compléter l'affaire et d'un point de vue non exhaustif :

Un résumé video en anglais : ICI

Des commentaires dans le New-York Times de Harlan Krumholz ( LA).

Des commentaires américains d'un gériatre : ICI.

Medscape : LA

Références
(1) Cushman WCEvans GWByington RP, et al. Effects of intensive blood-pressure control in type 2 diabetes mellitus. N Engl J Med 2010;362:1575-1585
(2) Commentaires (pertinents) sur l'utilisation des calculateurs de risques par JB Blanc en son blog : ICI)



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Lendemain de SPRINT : comme un sentiment de s’être fait avoir.

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Après que j'ai analysé l'étude SPRINT (ICI), lu ici ou là des commentaires académiques, les commentaires de CMT, conclu qu'il fallait diablement se méfier de ses conclusions en raison de nombreuses incertitudes protocolaires, je me suis rendu compte vendredi et samedi dernier pendant que je consultais que je prêtais plus d'attention qu'auparavant à la prise de la pression artérielle, et pas seulement systolique, et que je me posais même de sérieuses questions.

La culpabilité.

La prise de la pression artérielle est un des gestes rituels de la consultation de médecine.
Rituel au point qu'à la fin de la consultation, si d'aventure le médecin avait oublié de le faire (sciemment ou non) le consultant tend le bras.

J'ai jadis participé à une Thématique Prescrire sur l'hypertension artérielle où mes résultats au questionnaire final avaient été plus que bons... Ce fut la première et la dernière fois. Pour de multiples raisons tenant à la fois à la mauvaise qualité des documents produits (une resucée des articles Prescrire que j'avais déjà lus), aux efforts que j'avais dû fournir pour cette relecture et pour l'inanité de cette réappropriation. J'avais oublié que l'objectif de cette thématique n'était pas de cocher des cases de QCM pour avoir une bonne note mais de mieux prendre en charge les consultants (et non d'être plus savant). 




Quoi qu'il en soit, je me suis rendu compte, pendant ces deux jours, que je tentais de mesurer la pression artérielle avec mon sphygmomanomètre non électronique en essayant de me rappeler tout ce que j'avais retenu de ma formation thématique Prescrire. Sans oublier les vidéos que j'avais vues sur internet, les conseils multiples et variés sur les conditions de mesure, et cetera.

L'étude SPRINT était en train de me polluer l'esprit.

Et nul doute que c'était, dans l'esprit de ses promoteurs, le seul objectif.

Car, au delà des critiques émises sur le protocole, sur la façon de le mener, sur la cible théorique visée et sur les conclusions à en tirer, je me sens coincé par mes croyances, le socle de mes croyances et sur une vision idéale de la médecine qui serait une médecine parfaite où tout pourrait être contrôlé, où le contrôle serait possible à condition que le médecin soit lui aussi parfait, c'est à dire qu'il mesure "bien" la pression artérielle, qu'il "éduque" "bien" son patient, et cetera.

La normalisation de la prise de la pression artérielle est sans doute une bonne chose en soi puisqu'elle pourrait permettre d'homogénéiser les mesures et ainsi de pouvoir appliquer d'autres directives normalisées, thérapeutiques celles-là, voire, comme c'est déjà le cas dans certains pays, dans certaines institutions, remplacer la prise manuelle de la pression artérielle par des appareils automatiques considérés comme la norme, c'et à dire robotiser cette mesure comme si une mesure pouvait avoir une valeur absolue, et ainsi le protocole SPRINT pourrait-il conduire à la suppression pure et simple des médecins, des infirmières et conduire un appareil Omron à non seulement mesurer la pression artérielle, la comparer à la mesure précédente mais aussi à délivrer une prescription tenant compte des dernières données biologiques du patient contenues dans son Dossier Médical Personnalisé ainsi que de ses antécédents dûment répertoriés par un questionnaire rempli chez soi par le patient derrière son écran d'ordinateur, sans influences donc (?)... une prescription de molécules anti hypertensives vendues par les laboratoires partenaires...

L'étude SPRINT, dont la caractéristique principale est d'avoir modifié constamment en cours d'essai le protocole d'inclusion des patients et les modalités de leur prise en charge en ouvert (seule l'attribution des groupes était randomisée), c'est à dire que le médecin, pas le robot Omron (et encore, on ne sait pas), était au courant du groupe auquel appartenait le patient, l'étude SPRINT avait pour but, comme toujours dans les processus néo libéraux pseudo démocratiques (rationnalisation et contrôle des pratiques) de fixer des objectifs intenables (la façon de prendre la pression artérielle par exemple) et non tenus dans le protocole lui-même, afin que les conclusions de l'essai deviennent des impératifs thérapeutiques, c'est à dire de la prescription à outrance, au cas où, et, suprême élégance de la chaîne de commandement, la responsabilité du non suivi des recommandations non recommandables sera attribuée au pékin en bout de chaîne, c'est à dire le médecin généraliste.

Donc, je continue à mesurer la pression artérielle en mon cabinet et je me sens coupable inconsciemment de ne pas être à la hauteur d'une si belle étude, ce qui me conduira, n'en doutons pas, quand on est confronté à une situation d'impossibilité pratique ou de refus intellectuel, à renoncer.


Rappelons tout de même le génie de Philippe Geluk.
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Evidence Based Pharmacy.

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Rayonnage d'une pharmacie Evidence Based Pharmacy

Pas beaucoup d'articles sur le sujet de l'Evidence Based Pharmacy..
Enfin, un peu : ICI.

Je parle bien entendu de la partie Evidence Based Pharmacy qui s'intéresse à la vente directe, sans ordonnances, sans remboursement, l'OTC en anglais, ce que conseillent les pharmaciens en dehors de toute prescription médicale. Mais, en réalité, ce que les industriels appellent l'automédication.
Dans l'Evidence based Pharmacy il y a aussi le contrôle (non, ce mot ne me gêne pas) des prescriptions des médecins, c'est à dire l'analyse des prescriptions elles-mêmes, les doses, les posologies pour chaque molécule/produit, des interactions médicamenteuses possibles, et cetera, mais imagine-t-on cela ? Il y aurait tant à faire et tant de conflits en perspective (et tant de chiffre d'affaire en moins).

Etant entendu que les médicaments ou matériels sur prescription ne seraient pas visibles sur les étagères des EB Pharmacies car il n'est pas possible d'en faire la publicité.

Que pourrait-il bien y avoir comme produit OTC dans les rayonnages d'une EB pharmacie ?

Du paracetamol.
De l'ibuprofène.
De l'acide acétyl salicylique.
De l'acide folique pour les femmes enceintes ou celles qui voudraient l'être...
Une crème émolliente.
De l'alcool à 70 °
Un ou deux anti histaminiques.
Des pansements.
Des compresses.
De la vaseline.
Du savon de Marseille.
Du serum physiologique.

Vous voyez autre chose ?

Allez, je vous vois venir :
La contraception d'urgence.
La pilule pour dépanner.
Et d'autres trucs.

Dans une EB Pharmacie, les produits sont peu onéreux car ce sont des génériques de molécules commercialisées depuis longtemps, amorties, tombées dans le domaine public...

C'est donc un rêve, l'Evidence Based Pharmacie, et un cauchemar pour les pharmaciens qui vendent  en OTS des produits non evidence based par des essais contrôlés.

Je m'attends à ce que mes amis pharmaciens m'assassinent. C'étaient mes derniers mots.

Ce billet m'a été fortement suggéré par la lecture du livre de Margaret McCartney, The patient paradox, Why sexed-up medicine is bad for your health (pages 214 à 216) : ICI.

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The patient paradox. Why sexed-up medicine is bad for your health. Margaret McCartney.

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Ce livre est remarquable.
Après l'avoir lu je me suis dit qu'il ne me restait plus qu'à ranger mon clavier, à ne plus écrire de billets, à cultiver mon jardin car cette médecin généraliste écossaise, Margaret McCartney (MMC), a "tout" compris à la problèmatique du médecin généraliste et de la médecine générale tout en exerçant dans un système qui nous est étranger, le National Health Service (NHS), système sur lequel beaucoup de bruits contradictoires courent et sur lequel certains se fondent pour stigmatiser notre propre sécurité sociale ou pour montrer du doigt les voies vers lesquelles nous ne devons pas nous diriger.

Mais ce livre est écrit en anglais, n'est pas traduit en français, et j'ai demandé à l'éditeur anglais si cela pouvait se faire : il m'a affirmé que son éditeur français correspondant n'envisageait pas de le traduire. Dommage.

Et, de plus, c'est écrit dans un anglais limpide, clair, persuasif, démonstratif et empathique.

Destiné pour le grand public britannique il devrait être lu par tout médecin tant il est clair, documenté et éclairant. Il devrait surtout être à la base de l'enseignement de la médecine dans les facultés du même nom.

Ce livre s'inscrit dans la lignée des médecins qui ont réfléchi sur la médecine en général et sur la médecine générale en particulier, sur ses succès et ses limites et sur le fait qu'elle est à la merci des politiques publiques dont les objectifs peuvent paraître inadaptés et dont les fondements sont le plus souvent erronés. Bien qu'il s'inscrive dans le contexte du système de santé britannique dont le fonctionnement est très différent du nôtre, il a une portée universelle et française dans la mesure où la CPAM et les autorités de tutelle ont engagé les médecins généralistes français dans la voix déjà empruntée à tort par le National Health Service, à savoir le paiement à la performance et ses coûteuses initiatives inefficaces.


Je ne sache pas qu'un médecin généraliste français ait pu écrire un pareil livre si documenté, si peu polémique, si drôle par moment et qui ne tombe jamais dans l'invective ou dans le ressentiment.

Les quelques sujets qu'elle n'a pas abordés me laisse cependant entrevoir quelques possibilités de billets, sans compter les points sur lesquels je ne suis pas d'accord.

***

"... the biggest change to medicine that has arisen over the course of my career has been the seeming determination of healthcare professionals to bring healthy people into surgeries and clinics, and turn them into patients..."

***

Il est difficile de résumer ce livre tant le nombre de thèmes abordés  est important.
Le nombre de références et d'exemples est impressionnant.

Je vais tenter d'en dégager quelques idées forces et je vous demande de ne pas vous offusquer en disant "Mais on sait cela depuis longtemps" car : d'une part peu de médecins connaissent tous les points qu'elle développe et d'autre part, ceux qui les connaissent, les appliquent peu.

  1. MMC insiste sur la tendance générale de la médecine moderne : rendre malades les gens bien portants.
  2. Le premier sujet qu'elle aborde : celui du dépistage. Et elle l'accole au premier principe : First do not harm. 
  3. Elle donne l'exemple connu mais souvent oublié en pratique, et plus particulièrement lors du dialogue singulier avec le patient, du test précis à 90 % ("sûr" à 90 %) pour une maladie qui affecte 1 % de la population et pose la question : "Si vous êtes positif pour ce test quelle est la probabilité que vous soyez affecté par cette maladie ?" (voir la note 1 pour la réponse)
  4. Elle rappelle la notion parfois erronée : plus on diagnostique tôt et plus longue est l'espérance de vie, et nous explique  ce qu'est le lead-time bias. (voir la note 2)
  5. Dans un autre chapitre MMC parle du business du risque cardiovasculaire. Je n'insiste pas. Elle souligne l'inanité des dépistages de masse et la propagande des politiques et des marchands de médicaments et insiste sur la volonté de ce beau monde (et de certains médecins bien entendu) de remplacer la relation patient-médecin par la relation consommateur-médecin : les consommateurs ont le droit de demander et de payer tout ce qu'ils désirent indépendamment du coût ridicule, dangereux, inutile ou sans intérêt de la commande.
  6. Elle souligne en passant (désolé pour ceux qui connaissent cela par coeur mais j'ai lu cela récemment à propos d'un essai truvada) le scandale des promoteurs de santé qui présentent les résultats des essais en valeur relative et non en valeur absolue : un médicament qui réduit le risque de crise cardiaque de 2 à 1 %, par exemple. Cela signifie que la molécule diminue le risque relatif de crise cardiaque de 50 % et le risque absolu de 1 %, ce qui, dans le discours, n'est pas la même chose.
  7. Elle aborde le problème du cancer. Du cancer du sein (et notamment du cancer canalaire in situ) et reprend les données de 2009 du Journal of the National Cancer Institute : il est désormais démontré que plus de femmes meurent plus avec un cancer canalaire in situ qu'en raison de lui.
  8. Encore le sein et les nombreuses controverses sur la négation par les promoteurs du dépistage des risques induits. MMC insiste sur une notion forte : "Les experts peuvent être une source de biais simplement parce qu'ils sont des experts : si une étude paraît disant que votre propre spécialité, toute votre recherche et le travail de votre vie, étaient une perte de temps, il se pourrait que cela soit difficile à accepter."
  9. Il faut parler au patient et au public des risques et des dangers de toutes les procédures.
  10. MMC assène ceci : Il faut informer les patients des avantages et des risques des dépistages (et/ou des traitements ou des non traitements) car, au bout du compte, c'est le patient qui doit choisir. Ce que nous traduirions, merci JB Blanc (voir LA) par l'Evidence Based Medicine, toute l'EBM, mais avec la prise de décision partagée en sus. Nous verrons plus loin que MMC met un bémol à tout cela.
  11. Elle écrit un chapitre particulièrement dérangeant (je dois dire que je ne me rappelais plus avoir lu cela dans La Revue Prescrire) sur le dépistage du cancer du col par le frottis du col utérin en insistant sur le fait que rien n'a été démontré quant à la diminution de la mortalité globale par la mise en place généralisée de ce test. "L'ironie est étonnante. Le véritable problème éthique est d'avoir soumis des millions de femmes à un programme de dépistage qui n'avait pas été testé selon des standards élevés." Et elle conclut : "Les femmes ont plus de chance d'avoir un test faux positif que d'avoir une espérance de vie prolongée." (Voir la note 3).
  12. MMC en remet une couche sur les dépistages des cancers de la prostate et du colon et sur le dépistage des anévrysmes aortiques. Les habitués de ce blog sont familiers de ces problèmes. MMC sur le cancer du colon (dépistage par test fécal) : "Si vous avez 60 ans, le dépistage va réduire votre risque de mourir d'un cancer du colon de 78 à 58,8 pour 10000, soit une diminution du risque absolu de 0,7 à 0,58 %"
  13. "La claire distinction entre qui est un patient et qui est une personne n'existe plus. Les citoyens sont désormais invités de façon pressante à passer des tests de dépistage soit pour confirmer un état de non maladie, soit pour prédire un risque de mort ou de maladie. (...) ... Les victimes de la nouvelle médecine sont les gens qui sont étiquetés malades ou à risque d'être malades ou qui sont traités par des médicaments ou soumis à des procédures alors qu'ils n'en profiteront jamais."
  14. Elle s'attaque ensuite à la médecine protocolaire, à la médecine binaire, celle des croix dans des cases, au tri des malades fait désormais par des non médecins, à la dévolution des tâches, au paiement à la performance en fonction du nombre de cases cochées et des examens prescrits, et, accessoirement, s'interroge sur le droit qu'a une femme correctement informée de refuser un frottis, elle se moque de la médecine de dépistage (ce patient est-il déprimé ?) qui est tout sauf une médecine de diagnostic... Cette médecine de dépistage qui ne fait pas la différence entre la tristesse et la dépression et qui conduit, grâce à l'incentive proposé aux médecins, à la prescription inutile de millions de boîtes d'antidépresseurs, probablement inutiles, certainement dangereux.
  15. MMC se demande aussi avec ingénuité : Qui doit décider ce que les médecins doivent faire ? Big pharma, les politiciens ou les patients ? Et elle donne des exemples convaincants sur seroquel, vioxx, herceptine et paroxetine à propos desquels l'industrie a menti et a continué de mentir (et pour lesquels une majorité de médecins ont continué de prescrire). Qui fallait-il écouter ? Big Pharma ou les médecins qui, informés par la presse indépendante, ont cessé de prescrire ou n'ont jamais prescrit ?
  16. Elle aborde le problème des Charities (les associations caritatives) et des associations de patients, largement sponsorisées par l'industrie pharmaceutique (mais pas seulement quand on prend l'exemple d'Octobre Rose où Estée Lauder se taille la part du lion), dont les rôles sont beaucoup plus importants outre-Manche. Elle souligne que les Charities se font les avocats des patients et que rendre les patients aware n'est pas sans risque si l'on considère le seul point de vue de la communication promotionnelle. En effet les Charities ne choisissent pas les thèmes de dépistage des maladies en fonction de données solides de Santé publique mais en fonction des subventions et des dons qu'elles pourront recevoir. Elle détaille en particulier les campagnes promotionnelles des Charities à partir des documents qu'elles diffusent et dénonce leurs mensonges nombreux :  pour elles les tests sont toujours fiables, les traitements donnent toujours d'excellents résultats, le sur diagnostic et le sur traitement n'existent pas, les effets indésirables des tests, des traitements médicamenteux, chirurgicaux, radiothérapeutiques n'existent pas plus ou sont mineurs. (MMC aborde plus loin la promotion du patient expert sponsorisé). Les Charities et les associations de patients font du compassionnel pour gagner de l'argent mais, surtout, nombre d'entre elles ont abandonné leur objectif initial qui était d'aider les patients pour adopter les politiques des lobbys ou groupes de pression (notament liés à big pharma).
  17. MMC souligne que les messages de santé publique se font désormais par l'intermédiaire de public relations, de dossiers presse, que le marketing prend le pas sur l'information scientifique.. Que certains professionnels sont des marchands (elle n'aime pas beaucoup les chirurgiens cosmétiques) et seulement des marchands. Que le paiement à la performance pervertit la relation médecin patient et que les arguments pour l'avoir instauré, mettre l'Evidence Based Medicine en première ligne, est erroné : "... evidence-based medicine simply provides us with knowledge; it does not tell us what to do with knowledge." (la médecine fondée sur les preuves nous fournit implement de la connaissance ; elle ne nous dit pas ce que nous devons faire avec cette connaissance). (voir note 4)
  18. Paiement à la performance. MMC prend l'exemple de la patiente qui consulte pour parler dépression. L'ordinateur placé en face du médecin et ouvert sur le dossier de la patiente rappelle, pour obtenir des points (et de l'argent, pas seulement pour le médecin lui-même mais pour le cabinet dans lequel il travaille) que le praticien doit s'assurer du statut de la patiente vis à vis du frottis, engager la conversation sur le tabac, mesurer la pression artérielle, et cetera. L'objectif de cette consultation dépression (et MMC nous dit en passant que la durée moyenne de la consultation est de 10 minutes outre-manche) est d'écouter, de faire un diagnostic, de discuter de possibles actions, de s'assurer que la patiente ne présente pas de risques... ce qui revient à briser le contrat du paiement à la performance entre le MG anglo-écossais et le NHS puisque le dit contrat, hormis ce que nous avons vu plus haut (frottis, tabagisme, et cetera), ne s'intéresse qu'à une chose : que l'une des cases dépression sévère, modérée, ou légère, soit cochée, et au besoin en se servant d'un questionnaire, PHQ-9, approuvé par le contrat, développé par Pfizer (qui comme on le sait vend des antidépresseurs).
  19. Le chapitre 13, j'espère ne pas trop vous lasser ou alors j'espère vous lasser de me lire pour lire  en direct le livre de MMC (LA), aborde le sujet suivant : The inverse care law. Cela signifie que moins vous êtes malade et plus vous bénéficiez d'attention et plus vous êtes malade moins votre cas est pris en compte. Ce chapitre est important mais pourrait nous paraître exotique tant il s'applique à nos voisins. MMC veut dire ceci : trop de ressources (temps, argent) sont attribuées aux non malades ; le système de l'auto-adressage des patients parasite le système ; le tri doit être fait pas des professionnels de santé mais au mieux par des médecins ; c'est le médecin traitant qui connaît le mieux son malade, mieux que des structures dédiées ; l'automédication n'a qu'un seul objectif : enrichir les laboratoires pharmaceutiques et les pharmaciens ; les centres de référence n'ont pas fait la preuve de leur efficacité ; la politique du two-week wait instaurée en 1998 par le Labour, au lieu de diminuer les délais de prise en charge des malades, a eu l'effet inverse en parasitant le système avec des non malades (d'où l'intérêt du MG pour "trier")... Elle dénonce aussi l'abandon de la liste personnelle des patients pour les MG au profit de la liste du cabinet de groupe (déresponsabilisation personnelle) et se moque de la multidisciplinarité notamment en psychiatrie où les équipes types comprennent : "psychiatres, infirmière communautaires, travailleurs sociaux, psychomotriciens, psychologues cliniciens, pharmaciens, équipe de direction, professionnels de la santé mentale, secrétaires, réceptionnistes, assistants sociaux, benefits workers, visiteurs sociaux, secouristes, art therapists, et cetera"Ce qui, pour MMC, empêche la continuité des soins et déresponsabilise et le patient et le médecin.
  20. Quels patients ? Les patients sont au centre du système, nous dit-on. Oui et non. MMC aborde les sujets à la mode pour les dénoncer : disease awareness campaigns ; disease management (5) ; patients experts (avec le programme EPP - Expert Patient Programm- institué par le NHS dont le slogan est : "Contrôlez votre maladie, ne la laissez pas vous contrôler") ; autonomie et partage des connaissances ; pas de décision me concernant sans mon avis ; notez vos médecins. MMC fait la part de ce qui est acceptable et non acceptable dans ces programmes mais, surtout, elle se pose la question de savoir si ce sont les patients les mieux informés (c'est à dire en réalité les patients qui ont les moyens intellectuels et le temps de s'informer, par rapport aux autres dont les malades psychiatriques, les malades en fin de vie, et cetera) qui seront les mieux soignés grâce à ces programmes et si, encore une fois, ce ne seront pas les moins malades dont on s'occupera le plus. Ce chapitre 14 fourmille d'idées et de réflexions et met en valeur ce qui devrait être la qualité essentielle des médecins : le professionnalisme. 
  21. MMC ne préconise pas plus d'information mais une meilleure information. Elle regrette qu'il n'existe pas d'evidence-based politics, que les politiciens ne citent des preuves que lorsqu'elles les arrangent et qu'avant d'imposer des politiques ou des programmes ils ne fassent jamais une analyse systématique de la littérature scientifique, ce qui conduit à des désastres financiers.
  22. Getting back to the right kind of care. Ce chapitre est capital. Je vous le résume : quand on a un pré diabète (sic), une prè hypertension (sic), pas besoin de médicaments mais des prescriptions d'hygiène de vie ; les facteurs causant une mort prématurée partout dans le monde sont : "le niveau socio-économique, le stress, les conditions précaires de la petite enfance, l'exclusion sociale, le travail, le chômage, les addictions, la nourriture, ..." ; traiter la pauvreté avec des pilules n'est pas la solution ; les populations les moins à risque sont les plus dépistées et les plus traitées et, à l'inverse... ; les produits pharmaceutiques ne peuvent être une réponse à l'exclusion sociale ; les médecins doivent-ils se sentir coupables de croire que les prescriptions peuvent traiter la pauvreté ? ; n'est-ce pas un emplâtre sur une jambe de bois ? ; l'hygiène en général ne devrait-elle pas être la principale occupation des Charities ? ; l'expression, la guerre contre le cancer, cette autre, la bataille contre la maladie et contre la mort, ne sont pas des réponses adéquates à la prise en charge du cancer ;  si les soins palliatifs étaient un médicament ce serait un block-buster or les crédits qui lui sont alloués sont insuffisants ; dans le traitement contre le cancer les MG et les infirmières, au lieu d'être au centre du processus, ont été déplacés en périphérie ; il est dangereux que le "soin" du patient ne soit plus le premier objectif du médecin ; le patient bien informé (truly informed patient) devrait être la règle.
  23. Avant de conclure ce recensement, je voudrais insister sur un point capital souligné par MMC : "Historiquement, les médecins ont été à juste titre accusés de ne pas assez partager et de ne pas expliquer la médecine de telle sorte que les patients, plongés dans le noir, n'étaient pas autorisés à faire leurs propres choix. Mais maintenant les médecins sont vus comme les exécutants de n'importe quelle demande qu'elle soit justifiée médicalement ou non. (...) Quand les patients deviennent des consommateurs, ils perdent la protection que des professionnels médicaux avisés pouvaient leur assurer."
Je n'ai rapporté que quelques éléments de ce livre d'une grande richesse et j'ai tenté de m'interdire de commenter en bien ou en mal ce que disait notre généraliste écossaise.
Mais il y a de quoi faire.

Notes :
1) 1000 personnes sont soumises à ce test "sûr" à 90 %. Imaginons que la prévalence soit de 1 %, c'est à dire que 10 personnes sont atteintes de la maladie : le test en détecte 9 et en laisse passer 1 (test négatif) : 990 personnes n'ont donc pas la maladie et pourtant avec ce test "sûr" à 90 % 99 auront un test positif.
2) Lead-time bias : Une personne prend le TGV à Marseille et une autre le même train à Lyon, les deux passagers meurent lors du déraillement du train à l'arrivée gare de Lyon. Le passager de Marseille a survécu une heure de plus que le passager de Lyon. Trouver une maladie plus tôt peut faire penser que le patient survivra plus longtemps alors que l'heure de la mort est la même.
3) Un article de 1988 (!) a montré que sur 1781 femmes présentant des anomalies légères du frottis examinées entre 1965 et 1984, 10 présenteraient un cancer invasif et que 46 % des tests redeviendraient normaux dans les deux ans suivants.
4) L'evidence-based medicine, nous l'avons vu ici ou , n'est pas pour nous tout à fait cela.
5) A la française : sophia pour le diabète.





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Bilan de l’année 2015 et meilleurs voeux 2016.

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L'éthique se résume au choix cornélien entre le sacrifice de soi et le sacrifice de l'autre.
René Girard (1923-2015)



Les faits marquants.
  1. Le flop absolu de Madame Marisol Touraine dont le Loi santé, imposture médiatique aux conséquences potentiellement catastrophiques, mais qui tombera sans nul doute dans les oubliettes ou dans les poubelles de l'histoire hollandaise, a été adoptée et en particulier grâce à l'appui des "gauchistes" du PS, des "frondeurs" et des "écolos" qui l'ont fait, prétendûment, pour des raisons idéologiques. Madame Touraine, dont on peut douter qu'elle ait la moindre stratégie politique à moins que l'on ne puisse la résumer à la formule "moi et ma pomme" et dont l'arrogance auto-suffisante résume la pensée profonde, a réussi, sans faire le moindre geste, sans prononcer une seule parole, sans écrire un traître mot, à faire passer un texte inconsistant, un texte qui aurait dû parler de Santé et qui se couche et qui n'aborde pas vraiment les causes françaises de mortalité prématurée évitables, à savoir le tabac, l'alcool, la malbouffe, et qui confie trois des bases de la santé individuelle, la vue, l'audition et les dents, au secteur assurantiel, a donc réussi l'exploit de gagner contre la profession médicale (pas toute) en appliquant le slogan  de ses auto-proclamés opposants les plus farouches, No Nego.
  2. Le flop encore plus absolu de l'UFML, quatre initiales, deux mensonges, deux approximations, qui a vu son slogan idiot "No Nego" utilisé (voir plus haut) par Madame Touraine pour l'anéantir mais qui a "réussi" la gageure de réunir des ultra-libéraux, des libéraux, des réactionnaires, des conservateurs, des socialistes, des "gôches de la gôche" en traitant ceux qui ne les approuvaient pas de traîtres, de corrompus, d'agents des mutuelles, de salauds, voire pire... Au bout du compte les élections professionnelles n'ont pas apporté de changements majeurs... Finalement on retiendra de l'UFML que sa seule ambition était la dérégulation du marché, ce qui va se produire de toute façon avec une explosion des dépenses de santé au profit des plus riches.
  3. La victoire de big vaccine qui a réussi à faire croire que le gardasil était un vaccin efficace et à faire de la vaccination contre l'hépatite B (par rupture d'approvisionnement interposée) une vaccination obligatoire. Cette victoire a été largement soutenue par Hollande et Touraine.
  4. La nouvelle victoire annuelle de big mammo (octobre rose) qui a conduit la puissance publique corrompue par le complexe santéo-industriel à étouffer toute velléité de contester l'utilité du dépistage organisé du cancer du sein en se servant de ses laquais épidémiologistes de l'INVS (dont les articles publiés sont des soutiens aux politiques pré emptées -- voire la "description" annuelle des morts dues à la grippe, et non des articles fondés sur les preuves). 
  5. La victoire de big onco (la caricature absolue de big pharma) qui a réussi à faire nommer Agnès Buzyn à la tête de l'HAS (après des contorsions réglementaires dignes d'une république bananière) alors que l'on sait qu'en matière d'AMM, d'essais cliniques, d'établissement des prix, d'abstracts dans les congrès (voir ICI), le corps des oncologues (elle fut d'ailleurs directrice de l'INCa), je n'ai pas dit tous les oncologues, je ne voudrais pas un procès durant lequel je pourrais développer des idées perverses, est un des plus obtus, des plus corrompus et des moins à même de juger ses pairs en raison des liens consanguins (je ne dis pas cela parce que la professeure  est hématologue) avec l'industrie. (1)

BB King : 1925-2015


Les réussites de la blogosphère médicale.
  1. L'apparition d'un nouveau venu sur le web : JB Blanc : LA. Son histoire est exceptionnelle. Il explore avec un regard neuf ce que nous voyons tous les jours : il voit des choses que les "vieux" MG ne peuvent plus voir mais que les "vieux" citoyens comprennent immédiatement. Je retiendrai surtout (le meilleur article de 2015 de JB Blanc) : La prise de décision partagée en médecine générale : ICI. (Je reviendrai une autre fois sur les critiques que l'on peut faire sur cette PDPMG mais ne retiendrai que son côté positif : il permet enfin de "finir" l'Evidence Based Medicine en médecine générale).
  2. La confirmation d'un ancien venu sur le web : ASK. Le meilleur article 2015 de ASKDéterminante santé ? : ICI. Cet article, ASK a déjà écrit sur le sujet, est fondamental pour qui veut comprendre l'imposture de la Santé publique vue par les médecins et sur le rôle qu'ils s'attribuent pour justifier des résultats obtenus sur les indicateurs de santé publique et imposer des financements. L'autre dada d'ASK est de dénoncer les excès des campagnes sauvages de dépistage du cancer du sein par mammographie et de nommer les responsables. 
  3. Un blog (trop) riche (Médicalement Geek), dont il faut saluer la (presque) exhaustivité (et quel blogueur n'a pas rêvé de faire un tel recensement ?), le travail que cela suppose, mais qui, à mon avis, n'est pas assez incisif et conclusif (nous avons besoin de nous confronter aux certitudes) : à lire absolument. ICI. Un boulot monstrueux qui confirme que la médecine générale est un puits sans fond et que son exercice est une gageure de tous les jours. C'est pourquoi Dr Agibus devrait soigner la forme et prendre partie...
  4. Le meilleur article 2015 de Marc Girard : Quand les associations jouent à l'expertise, l'exemple du REVHAB : ICI. Marc Girard poursuit sur son site un travail de fond qui suscite souvent l'incompréhension en raison de la rigueur de sa démarche et de son souci de ne se plaire qu'à lui-même. Relire ses anciens textes rend idiot tant il a anticipé. L'énervement dont certains me font part parfois, parce qu'il semblerait pour d'autres que je ne fusse qu'un groupie, rend compte  de la précision de ses analyses et du dérangement qu'elles suscitent.
  5. Le meilleur article 2015 de Dominique Dupagne : Les 231 morts fictifs de la domperidone expliqués à ma fille : LA. Cet article est un mix dupagnien avec, dans le fond du mixer, les statalacons, le libertarianisme, le ressentiment contre La Revue Prescrire, l'ego hypertrophié et le talent. Rajoutons que les deux préoccupations actuelles de Dupagne sont le baclofène et le vapotage, deux solutions "miracles" qui permettent de soigner la misère sociale avec une pilule et une procédure sans s'attaquer à ses causes (mais la sociologie moderne est sociétale et a abandonné le social, quant à la médecine elle se moque, voire supra ASK, des déterminants de la santé...). 
  6. Le meilleur article 2015 de Bruit des sabots : Clinicat : LA. Qu'en est-il de l'indépendance de la Faculté de médecine par rapport à l'industrie pharmaceutique ? Le fait majeur pour l'auteur est la publication de sa thèse qui est une contribution majeure à la compréhension des mécanismes inconscients de la corruption dans la santé (la thèse tourne autour de la dissonance cognitive) : LA. Elle examine l'état de la presse médicale française et devrait inciter au boycott de tous ces titres sponsorisés par big pharma mais le souci de se faire voir est plus important que celui de ne pas se compromettre.
  7. Le meilleur article 2015 de Perruche en automne : Un kit de survie pour un avis néphrologique  optimalLA. Il s'agit d'une illustration tragique de la déresponsabilisation des médecins par rapport à leurs patients et, accessoirement, une critique de l'incompétence. La richesse de ce blog dans un domaine, la néphrologie, où il est facile d'être compétent et péremptoire tant l'enseignement de la néphrologie et la perception de ses enjeux sont si mal pratique"s (le serpent qui se mord la queue), mérite, une lecture et une relecture constante (je recommande plus particulièrement les articles sur les AINS et l'insuffisance rénale, la restriction hydrique, et cetera) en gardant à l'idée que la partie non scientifique du blog, beaucoup beaucoup plus discutable, ne devrait pas polluer l'image positive de sa partie médicale.
  8. Le meilleur article 2015 de Grange Blanche : On a retrouvé le genou de Pierre-Etienne : ICI. Notre cardiologue s'est déchaîné avec le talent qu'on lui connaît contre le site Deuxième avis. On aimerait pourtant qu'il se remette à  reparler de cardiologie... car c'est là qu'il excelle. Ses contributions sur les NACO comme sur le cholestérol sont encore aujourd'hui déterminantes.
  9. Pour les anglophones, le blog de Richard Lehman est toujours une pure merveille : ICI. Le lire toutes les semaines procure une augmentation d'intelligence médicale hebdomadaire, un plaisir de lecture, un sourire étonné, une admiration raisonnable et, au bout du compte, comme d'habitude, on se demande comment des médecins aussi clever, peuvent faire du système de santé britannique un tel fiasco. Le jeune retraité tweete : @richardlehman1.
  10. Pour les anglophones, toujours, ma découverte de l'année : Margaret McCartney, généraliste écossaise, qui tient un blog (ICI), qui écrit des éditoriaux dans le British Medical Journal (LA), qui fait des émissions sur BBC4,  qui publie des livres dont le dernier (ICI),  est remarquable (pour les commentaires : LA) et qui tweete : @mgtmccartney.


David Sackett : 1934-2015. Le théoricien de l'Evidence Based Medicine


Les réussites de la blogosphère médicale "grand public" : voici des blogs de qualité que je lis régulièrement (grâce au Club des Médecins Blogueurs).

  1. Doc Arnica : ICI. Dont la pratique, à ceci près que les clientèles sont sociologiquement différentes, se rapproche de la mienne et dont les billets me parlent.
  2. Jaddo : LA.  La star absolue. Je la lis pour être à la page, me disant qu'un tel engouement doit être le symptôme d'un syndrome dont je n'ai pas encore fait le diagnostic.
  3. Fluorette : ICI. L'écriture la plus personnelle de cette catégorie de blog avec des accès de poésie pure qui ont du mal pourtant à cacher une tristesse sous-jacente.

Patrick Macnee : 1922-2015


Les bloggers qui apportent du sens à la réflexion médicale (et dont je n'ai pas cité l'éventuel blog) (et c'est là que je vais me faire des ennemis : ceux que je n'aurais pas cités).
  1. Michel Arnould : @michelarnould77 dont on ne connaît pas de limites à sa geekerie inlassable et à sa croyance bicéphale en la médecine générale et numérisée.
  2. Jean-Jacques Fraslin : @fraslin qui nous abreuve de statistiques médicales populationnelles et autres et, parfois, de photos de dermatologie.
  3. Vincent Granier : @VincentGranier, journaliste spécialisé dans le suivi des décrets et lois de santé et qui apporte un éclairage, pour moi nouveau, sur la cuisine parlementaire.
  4. Jacques Lucas : @Jcqslucas dont on ne soulignera jamais assez la patience, exposé qu'il est aux critiques systématiques de l'Ordre des médecins. Quant aux autres critiques, elles sont tout aussi recevables...
  5. Medicalskeptik : @medskep qui parcourt la littérature médicale anglo-saxonne indépendante dans tous les sens.
  6. Docteur Stéphane : @Dr_Stephane : il sait tout sur les impôts, l'Urssaf, la compta et connaît La Revue Prescrire par coeur.

    Cabu : 1938-2015


    Les regrets
    1. La disparition (momentanée) de Rachel Campergue de la blogospère en raison sans doute de son exil costaricien.
    2. La mise en sommeil du blog 2 Garçons, 1 Fille : 3 Sensibilités. LA.
    3. Le blog Rédaction Médicale d'Hervé Maisonneuve (ICI), très intéressant, très informé, mais qui n'a pas encore compris les enjeux de l'indépendance.
    4. CMT n'écrit pas assez.


    Lisez Saul Bellow en 2016, c'est un génie.


    Pour finir.

    Les tendances à la mode dont le signifiant est à l'égal du signifié (à moins que cela ne soit le contraire), c'est à dire flous ou alors trop évidents.
    1. Le patient expert
    2. L'entretien motivationnel
    3. La médecine de précision 
    4. La médecine personnalisée. 
    5. La consultation d'annonce.
    6. J'en passe et des meilleures.
    Jackson Pollock : génie.


    Notes.
    (1) Vous pourrez lire avec intérêt un article d'un certain Eric Favereau sur la question, un article si mal informé, si bourré d'erreurs factuelles et de jugement, que l'on se demande si le prix Nul de l'année ne pourrait pas lui être attribué (bien que la concurrence soit rude...) : ICI. Je vous recommande notamment l'avis très informé sur l'indépendance de Claude Evin.


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    Edition spéciale : pourquoi le dépistage du cancer n’a jamais montré qu’il « sauvait des vies » et ce que nous pouvons faire à ce propos.

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    Vinay K Prasad MD, MPH
    Jeanne Lenzer freelance investigative journalist
    David H Newman Associate professor Emergency Medicine

    Vinay Prasad, Jeanne Lanzer et David H. Newman ne sont pas des Français. Et d'ailleurs ils n'écrivent pas en français (voir ICI).

    Ils ont écrit dans le British Medical Journal un article clair, sans pathos, qui pose, comme d'habitude, plus de questions qu'il ne résout de problèmes parce que nous avons été formatés, médecins (durant nos études) comme patients (dans la "vraie" vie), par le story telling cancérologique, disons en français le roman oncologique, qui dit ceci : plus un cancer est petit moins il est grave, plus on le diagnostique tôt plus on le détruit vite, l'histoire naturelle du cancer est linéaire, un cancer ne meurt jamais tout seul, les effets indésirables des traitements valent le coup si on sauve une vie et, enfin, les effets indésirables du dépistage sont rarissimes.

    C'est le bon sens des oncologues et ceux qui n'ont pas de bon sens sont des demeurés, et cetera.

    Je ne vais pas réitérer un éternel exercice d'auto-flagellation à la française mais convenons que les Français universitaires n'écrivent pas comme Prasad et Newman : ils auraient trop peur de déplaire, de ne pas obtenir de poste, de ne pas toucher de subventions, de ne pas être invités au Téléphone Sonne ou au Magazine de la Santé. Vous me dites qu'il y a des exceptions ? Sans doute : elles confirment la règle. 
    Quant à Jeanne Lanzer, journaliste, nul doute qu'elle ferait tache dans le paysage audiovisuel et scriptural français et qu'il serait difficile de la caser à côté, par ordre alphabétique, de Hélène Cardin, Michel Cymes, Jean-Daniel Flaysakier, Gerald Kierzek, Jean-François Lemoine, Danielle Messager ou Jean-Yves Nau...

    Quoi qu'il en soit, les médecins généralistes, espèce en voie de disparition, ces braves médecins traitants, ces crétins de proximologues, ces abrutis de pivots du système, sont confrontés tous les jours à la pression des autorités de santé (sic) puisque leurs patients reçoivent à domicile, ce qu'ils appellent des convocations, pour faire des mammographies (dépistage organisé), des recherches de sang dans les selles, des bilans périodiques de santé, des objectifs de Santé publique, tout en écoutant les conseils de dépistage tous azimuts des gynécologues (un frottis par an, une mammographie dès 40 ans), des patients experts (la mammographie m'a sauvée), des primes à la performance, et cetera. Sans compter le dépistage du cancer du poumon par scanner basse intensité qui est en train d'arriver en grande pompe.

    Quant aux spécialistes, c'est un cas d'école, insistons sur le fait que Vinay Prasad est hématologue et oncologue et que David H Newman est urgentiste, ils sont toujours et à 99 % (que les rebelles lèvent le doigt) pour le dépistage et même dans des domaines où il n'est pas recommandé : tous les urologues (ou presque) sont fans de PSA, tous les radiologues (ou presque) sont fans de mammographie, tous les pneumologues ou presque sont fans de scanner basse intensité, tous les gastro-entérologues sont pour l'hemoccult et maintenant son super remplaçant, tous les oncologues (ou presque) sont fans de tout, ... et cetera.

    L'article est très bien fait sur le chapitre résultats. Pour les propositions, c'est encore flou et/ou hypothétique...

    Que nous disent les trois auteurs ?

    Le dépistage du cancer en général pourrait ne pas réduire la mortalité totale. 

    Deux explications "évidentes".

    1) Parce que les études dont nous disposons ne sont pas formatées pour détecter de telles différences.
    2) parce que la diminution de la mortalité spécifique serait contrebalancée par les effets délétères du dépistage.

    L'étude du Minnesota (Minnesota Colon Cancer Control Study) a duré 30 ans ! Elle consistait à rechercher annuellement le sang fécal dans le groupe dépistage en comparaison avec le groupe contrôle. Résultats : le dépistage diminue significativement le nombre de décès dus au cancer du colon (mortalité spécifique) : 64 décès/100 000 de moins (128 vs 192/100 000) ; mais on constate : 2 décès/100 000 de plus dans le groupe dépisté que dans le groupe contrôle (7111 vs 7109/100 000) pour la mortalité globale. Ces résultats sont conformes à ce que l'on savait déjà sur la question (études antérieures).

    Ces résultats défavorables (plus de décès dans le groupe dépistage) sont probablement liés à l'utilisation de tests entraînant des faux positifs, au sur diagnostic, et aux incidentalomes (1).

    C'est pourquoi, le dépistage du cancer de la prostate par dosage annuel du PSA a été abandonné (2), tout comme celui du cancer des poumons par radiographies simples, ou celui du neuroblastome par tests urinaires.

    Les essais de dépistage montrant une diminution de la mortalité doivent être analysés avec prudence.

    Une étude américaine (NLST) (LA) montrant que le dépistage du cancer du poumon par scanner à basse intensité par rapport aux radiographies du thorax diminue chez les gros fumeurs les mortalités spécifique (20 %) et globale (6,7 %) paraît d'un très bon niveau de preuves mais doit être examinée avec précaution (voir LA). 

    D'abord, la radiographie pulmonaire n'est pas un bon comparateur. Le meilleur comparateur aurait dû être : la routine. (Une étude danoise menée dans ces conditions a même montré significativement plus de morts dans le groupe dépisté que dans le groupe contrôle (61 vs 42) ICI). 

    Ensuite, la diminution de la  mortalité globale dans le groupe scanner dépasse les gains en mortalité spécifique (87 décès en moins dus au cancer du poumon et 123 décès en moins dus à d'autres causes) : il est difficile de croire que c'est le scanner thoracique (qui a permis la diminution des décès dus à d'autres cancers ou à l'amélioration du statut cardiovasculaire) qui explique ces 36 décès de moins. Si l'on considère que l'amélioration de la mortalité non due au cancer du poumon est un hasard, les différences de mortalité globales disparaissent entre les deux groupes (p=0,11). 
    Il faudrait ainsi pouvoir disposer d'un essai montrant que la baisse de la mortalité spécifique est assez importante pour entraîner la baisse de la mortalité totale, ce qui n'est pas le cas. 

    Enfin, le bénéfice annoncé sur la mortalité par cancer du poumon en utilisant le scanner, soit 12 000 décès évités annuellement aux EU doit être balancé par la survenue de 27 034 complications majeures survenues après un test positif.

    L'agence américaine USPSTF a considéré que l'étude NLST était sans doute une anomalie puisqu'une analyse de 60 000 patients inclus dans des essais randomisés et à qui était pratiqué un scanner thoracique ne vivaient pas plus longtemps que ceux du groupe contrôle.

    La perception des bénéfices du dépistage du cancer est surestimée dans l'opinion publique 

    Les exemples les plus évidents concernent la mammographie, le PSA ou le frottis du col utérin (4).
    Les avocats du dépistage surestiment souvent les bénéfices en utilisant la peur (ou en la créant : fear mongering).
    D'autres, dont les auteurs, insistent sur le fait que la décision partagée dont être l'objectif, ce qui signifie tenter d'être honnête.
    Ils donnent l'exemple du cancer du sein et de la recommandation du Swiss Medical board de ne pas conseiller ce dépistage (LA).
    Ils rappellent les travaux de la Cochrane nordique sur la question (ICI).

      Les dommages

      Il faudrait quand même plus parler des dommages lorsque les études montrent aussi peu de bénéfices. Sur 57 études de dépistage primaire seules 7 % quantifient le sur diagnostic et 4% les faux positifs. Les chercheurs devraient en tenir compte.
      Les auteurs rapportent des données convaincantes concernant le cancer du sein (4).
      Ils rappellent que dans le dépistage du cancer du poumon par scanner l'étude NLST mentionne un taux de sur diagnostic de 18 %, et qu'il est de 33 % dans le cadre du cancer du sein (voire de 50 % pour les carcinomes in situ).

      Que faire ?

      La réalisation d'essais permettant de déceler des variations de mortalité globale nécessiterait 10 fois plus de patients. Pour le cancer colorectal il faudrait 4,1 millions de patients enrôlés pour démontrer une diminution de la mortalité globale contre 150 000 pour la mortalité spécifique. Cela nécessiterait un budget de 0,9 milliard d'euros...
      Mais mener des essais identiques sur des registres de patients diminuerait considérablement les coûts : 50 dollars par patient selon une étude prospective récente intitulée : The randomized registre trial -- The next disruptive technology in clinical research ? (ICI) Un essai randomisé sur registre  coûterait le prix d'un essai "normal".
      Ce serait un progrès de tenter de tels essais plutôt que de poursuivre des essais dont on sait à l'avance qu'ils ne feront pas avancer la Santé publique.
      L'adoption par Medicare du dépistage du cancer des poumons par scanner basse intensité coûterait 6 milliards de dollars par an.
      Les essais devraient d'abord cibler les populations à haut risque pour s'intéresser ensuite aux populations moins exposées (5).

      (on répète que les auteurs sont moins convaicants quand il s'agit de proposer...)

      Conclusion

      Nous encourageons les soignants à être francs sur les limites du dépistage -- les dommages sont certains, mais les bénéfices en termes de diminution de la mortalité totale ne le sont pas. Refuser le dépistage peut être un choix raisonnable et prudent pour de nombreuses personnes.

      Nous appelons à de meilleurs critères de preuves, non pour satisfaire à des critères ésotériques, mais pour rendre possible une prise de position partagée raisonnable entre médecins et patients. 
      Comme le dit souvent Otis Bradley (American Cancer Society) : "Nous devons être honnête à propos de ce que nous savons, de ce que nous ne savons pas, et de ce que nous croyons simplement."


      Notes :

      (1) Rappelons la différence entre faux positif et sur diagnostic : un faux positif signifie qu'un test est positif alors que la personne n'est pas atteinte de la maladie. Un sur diagnostic signifie que le test diagnostique un cancer qui n'aurait jamais menacé le pronostic vital.
      (2) Abandonné officiellement par les sociétés savantes et pratiqué of the records par les urologues (l'Association Française d'Urologie n'est pas claire sur le sujet)
      (3) Humphrey L, Deffeback M, Pappas M, et al. Screening for lung cancer: systematic review to update the US Preventive Services Task Force recommendation. Agency for Healthcare Research and Quality, 2013.
      (4) Les lecteurs de ce blog, pardon pour les autres, comprendront que nous ne développerons pas ces sujets que nous avons si souvent traités.
      (5) Rappelons aux 3 auteurs que c'est ce que fait déjà big pharma dans les essais contrôlés en  ciblant les patients les plus atteints où les résultats sont plus faciles à obtenir et en élargissant facilement des extensions d'indications grâce à la "fiablesse" des experts.
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      La mort, quand tu nous tiens. Histoire (s) de consultation 187, 187 bis, 187 ter, 166 et 187 quater.

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      L'oncologue Z "voit" dix personnes à l'heure. En moyenne. Parfois un peu plus, parfois un peu moins.
      Ecoutons madame A : "Le docteur Z est sympathique. Le plus souvent il me reçoit allongé dans son fauteuil, parfois un ou deux pieds sur le bureau, il regarde mon dossier, jette un œil sur mes radios en se tournant vers la fenêtre, puis annonce : 'Dix séances de plus'" Il s'agit de radiothérapie.


      Monsieur B est suivi depuis dix ans par l'oncologue Y, avec lequel il s'est toujours entendu parfaitement. Ce lymphome vient de virer au drame. Nous sommes au delà de tout. Pas de protocole "compassionnel" envisagé (je suis "assez" contre), pas de nouveau médicament sans AMM à "essayer" (je suis aussi contre). L'oncologue Y dit à Monsieur B que ce sont désormais les soins palliatifs qui vont s'occuper de lui. "Et vous, vous n'allez plus vous occuper de moi ?" Regard évasif et désespéré de l'oncologue... mais institutionnel.


      Madame D est en pleurs au téléphone. Son père, un malade que j'ai suivi pendant 15 ans et qui a changé de médecin ensuite pour les 10 années suivantes, pour des raisons que j'ignore (ou que je subodore), est en HAD à domicile. Le médecin traitant du patient qui a pris la succession d'un médecin partant à la retraite il y a environ trois ans ne fait pas de visites (je répète : un médecin généraliste qui ne fait pas de visites pour un patient en HAD -- et bien que je ne pense pas que du bien de l'HAD, voir ICI). Madame D, donc, dont je suis le médecin traitant (et celui de sa fille), me supplie de prendre la suite. Que dois-je faire ? Faut-il que je dise non ? Faut-il que je me drape dans mon orgueil de médecin généraliste qui a été "délaissé" ? Faut-il que j'écoute ma secrétaire qui me dit que je suis en train de me faire avoir ? J'essaie de me mettre à la place du patient, de la famille du patient... Je vais accepter, sans doute.



      Madame C, 92 ans, sort de mon bureau après un entretien (à l'hôpital on appelle cela une consultation d'annonce et comme sa fille était présente cela doit donner des points. Quant à la RCP (Réunion de Concertation Pluridisciplinaire, elle a eu lieu, sans moi, et les conseils étaient clairs : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie (1)) où je lui ai parlé de son cancer et le fait que, vu son âge, on n'allait quasiment rien faire, sinon des mesures de confort, et que cela allait certainement très bien se passer. Je la revois une semaine après pour faire le point, elle n'est pas désespérée, elle n'est pas joyeuse, elle semble confiante. Au moment de se quitter, elle est face à moi, assise, je suis aussi assis, heureusement, elle me dit (mais elle ne plaisante pas) : "Heureusement encore que ce n'est pas un cancer." (c'était le cas onco 003 - histoire de consultation 166 du 27 février 2014 où la patiente ne savait pas qu'elle avait subi des séances de radiothérapie : ICI).



      Monsieur  E, 57 ans, a un lymphome (je trouve, en passant qu'on voit beaucoup de lymphomes ces temps derniers), il est suivi en hématologie. Il signe pour un protocole d'oncologie et on lui attribue un groupe. Il refuse la biopsie osseuse pour convenances personnelles : le médecin qui s'occupe de lui : "Pas de problème, on vous met dans l'autre groupe..." C'est un essai randomisé.

      (Incise : Le PET scan: quels sont ses réseaux ? Pourquoi les oncologues en sont-ils si friands ? Dans combien de cas sont-ils inindiqués ? Sont-ils devenus aussi des examens compassionnels ?)


      Note :
      (1) Définition ancienne de la RCP : 1) Une annexe de big pharma ; 2) un tirage au sort de protocoles ; 3) une usine à fric ; 4) une conjuration des imbéciles ; 5) un déni du patient..

      Illustration : Jérôme Bosch (1450-1516) - La mort du réprouvé.
      Edward Hopper : A Woman in the Sun (1961).
      Francis Bacon : Tête III (1969).
      Egon Schiele : Nu, Autoportrait  (1910).
      Pierre Soulages : Peinture 181 x 405 cm, 12 avril 2012.

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      Attention : pathos.

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      Alessandro Magnasco (autoportrait) : 1667 - 1749

      Monsieur A, 54 ans, avait disparu des radars et nous recevons hier son avis de décès.
      Je dis nous car la secrétaire du cabinet, dont je ne parle jamais ici, est tout aussi effondrée que moi.
      Monsieur A était suivi depuis des années pour un lymphome de haut grade.
      Il était enseignant, professeur de physique.
      Il était Burkinabé.
      Il avait commencé comme ouvrier chez Renault à son arrivée en France, avait pris des cours du soir et avait obtenu le CAPES.
      Il n'a jamais voulu que le motif de ses arrêts successifs soit indiqué sur aucun papier administrtif car il s'est toujours méfié de l'absence de secret à l'Education nationale.
      Il n'avait pas envie qu'on sache qu'il avait un cancer.
      Monsieur A était un homme discret et je ne le voyais, finalement, que tous les trois mois, pour discuter et pour renouveler son ordonnance de coumadine et represcrire des INR.
      Il avait fait plusieurs rechutes et avait subi plusieurs cures de chimiothérapie qu'il supportait d'autant mieux qu'il ne parlait jamais de ses souffrances ou des effets indésirables des traitements.
      Il y a environ deux ans, il s'est effondré dans mon bureau. Sa fille de vingt ans venait de mourir. Un mélanosarcome pour lequel elle avait d'abord subi une grosse intervention chirurgicale (amputation) puis la maladie avait repris.
      Je ne connaissais pas sa fille.
      Peu après le décès la maladie avait flambé (merci de ne pas penser qu'il puisse y voir une causalité) et les possibilités de traitement s'étaient effilochées.
      Il est donc décédé.
      Nous sommes (très) tristes.

      (je précise quand même que j'ai anonymisé tout ce que je pouvais)

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      Ce que je vous raconte est vrai. Histoires de consultation 188, 188 bis, 188 ter et 188 quater.

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      Ce que je vous raconte est vrai. Comme d'habitude je transforme les choses pour préserver le secret mais vous pouvez considérer que ces transformations ne dénaturent pas le fond des affaires. C'était un samedi matin entre 8 h 30 et 15 h 15.




      Madame A, patiente dont je suis le médecin traitant depuis de très nombreuses années, a toujours été exigeante. Elle m'appelle vendredi à 16 heures. "J'ai une angine, donnez moi un rendez-vous demain." Heu, nous avons déjà refusé, ma secrétaire ou moi, environ dix rendez-vous pour ce samedi... Je la mets "entre deux", après deux rendez-vous pour deux membres de la même famille (1)... Elle arrive un peu en avance. Je la reçois. Elle "fait" sa classique bronchite "sifflante" de l'hiver. Jusque là tout va bien. Puis, après que j'ai rédigé la prescription et que l'ordonnance est sortie de l'imprimante, elle me demande son ordonnance de "renouvellement". Ma grimace est éloquente. "Vous ne pouviez pas me le dire avant ?" J'ajoute que son ordonnance de fond n'a pas de rapport avec la pathologie précédente. Et elle sort de sa main un papier où elle a inscrit des médicaments "qu'elle voudrait bien que je lui rajoute sur l'ordonnance" et je lis : "Dafalgan, doliprane et nurofen flash". Ouaf ! Je lui explique, la patience a des limites, qu'il n'est pas possible d'inscrire dafalgan et doliprane sur la même ordonnance car il s'agit de paracetamol, il faut donc choisir et je lui indique que nurofen flash n'est pas remboursé (2). Elle fait une (grosse) grimace. Je finalise l'ordonnance et elle ajoute : "Mettez quand même nurofen flash, c'est pour ma fille". Mais, chers lecteurs aussi impatients que moi que la consultation se termine, ce n'est pas fini. Elle a aussi besoin d'un renouvellement de certificat pour la salle de sport ! Moi : "Madame A, vous me demandez un rendez-vous en urgence, je vous trouve une place entre deux patients, vous en profitez pour me demander votre ordonnance habituelle pour laquelle vous auriez pu prendre un rendez-vous sans urgence et, en plus, cerise sur le gâteau, vous me demandez un certificat pour la salle de sport. Eh bien, zut. Vous charriez. Je crois que je ne vais plus être votre médecin traitant... - Vous ne pouvez me parler comme cela. - Si." Nous nous serrons la main et elle s'en va non sans qu'elle ait jeté un regard sur la salle d'attente qui s'est remplie des personnes bien sages qui ont pris rendez-vous et que je vais examiner avec un peu de retard.







      Monsieur et Madame B amènent la petite C, vingt-trois mois, pour que je la vaccine (je suis l'équivalent de son médecin traitant -(3)-). Elle est en retard pour rubéole/oreillons/rougeole. Mercredi j'ai aperçu son père et elle dans la salle d'attente (bondée) où il n'a pas eu le courage d'attendre. Il me dit : "Nous sommes allés voir un de vos confrères car il y avait trop de monde, désolé. - Je comprends... - Il n'était pas aimable.... - Ah... - Oui, je me suis d'abord fait engueuler parce que je l'emmenais pour un rhume... - Hum... - Ensuite, il m'a fait remarquer que les vaccins n'étaient pas à jour. - (Re : hum) Ben... - Donc, on est là pour le vaccin." Je jette un oeil distrait sur le carnet de santé où le MG consulté n'a rien noté (mais je ne pose pas la question de savoir si les parents avaient ou non omis de l'apporter...). En revanche, les parents ont collé l'étiquette des médicaments prescrits et l'un de ceux là est "amoxicilline". "Il a prescrit des antibiotiques ?" je demande incidemment. "Oui. - Hum" Donc, le médecin généraliste engueuleur, et que celui qui n'a jamais "repos" un malade me jette la première pierre, il reproche aux parents de consulter pour un rhume et, pour un rhume, il prescrit des antibiotiques...







      Madame D vient après que son père a été vu par l'oncologue. Cette histoire est compliquée et mérite réflexion et détails (et elle n'est pas finie). Il s'agit d'un patient dont j'ai déjà parlé (Histoire de consultation 187 ter : ICI). Je rappelle quelques trucs. Le patient est suivi en HAD. C'est un nouveau patient pour moi. Je suis au domicile du patient avec l'infirmière de l'HAD qui ne comprend pas plus que moi ce qui se passe et surtout quel type de soins il faut donner. Et j'ai déjà été alerté par le fait que la famille, indépendamment de ces problèmes, semble ne pas avoir compris le pronostic. Je téléphone à l'un des chirurgiens qui s'est occupé du patient (le docteur Z) : il me donne des explications. Je rappelle l'infirmière. J'apprends que le patient doit voir l'oncologue (le docteur Y) dans quelques jours. J'écris un courrier pour l'oncologue afin de lui signaler les deux faits : 1) la famille "plane" ou, comme on dit, "fait du déni" sur le pronostic, ce qui ne favorise pas le travail des intervenants ; 2) il serait utile de mieux expliquer les soins aux personnels soignants de l'HAD qui ont été lâchés dans la nature sans beaucoup de biscuits. 
      Moi : " Alors ?, cette consultation." Madame D lève les yeux au ciel. "Je ne sais pas si je peux vous le dire... - Allez, parlez sans crainte... - Le docteur je ne sais comment, il a lu votre lettre, il l'a chiffonnée et il l'a mise directement à la poubelle. On s'est regardés avec ma soeur pour savoir si on avait vu la même chose toutes les deux. - Non ?... - Si. - Et ? - Vous allez apprendre le pire. Il nous a dit des trucs sur mon père que l'on ne savait pas, un cancer dont nous ne connaissions pas l'existence, il a dit cela avec l'air un peu énervé, et il a rajouté que ce n'était pas fameux... Vous saviez qu'il avait un cancer du pancréas ?" Moi : "Non." madame D : "Surprises, nous avons réussi à aller voir le docteur X (un des chirurgiens qui avait opéré leur père), qui est tombé des nues, qui a téléphoné devant nous au docteur Y et qui nous a dit qu'il avait mélangé les dossiers..."
      Dois-je rajouter quelque chose ?







      Madame E amène F, son fils de deux ans et demi, pour deux vaccins. Le carnet de santé est détérioré. Les pages concernant les vaccinations sont presque toutes arrachées et le reste a été mouillé, séché, colorié, collé. Les deux vaccins ont été prescrits par l'ancien médecin (généraliste) de l'enfant dont le nom apparaît dans les quelques pages restantes. J'appelle immédiatement le médecin qui me dit, après avoir cherché dans l'ordinateur, qu'il n'a aucune trace des précédents vaccins. "Vous êtes bien le médecin de F ? - Oui. - Et il n'y a rien dans votre ordinateur ? - Non." Fin de la conversation.







      Monsieur F, 49 ans, consulte pour un syndrome grippal assez vague "qui le met à plat". C'est le dernier patient de la fin de matinée (il avait rendez-vous à 14 heures 30). Je l'examine. Pas grand chose. Il veut un bilan (il n'en a pas fait depuis des lustres, il a grossi, il des habitudes alimentaires farfelues en raison de ses horaires de travail, je cède). Puis nous parlons. Nous parlons du coin, des enfants, il m'a connu quand il avait 13 ans, il se souvient de moi à cette époque, on parle de l'évolution du Val Fourré, qu'il a quitté, de l'école maternelle et de l'école primaire qu'il fréquentait, j'en connaissais les directeurs, on parle de sa belle-mère, on parle d'une ancienne voisine dont il ignorait qu'elle fût hospitalisée en rééducation au décours d'un accident (il me dit que lui et sa femme vont appeler sa fille et qu'ils vont aller la voir), et cetera. On parle incidemment de l'islam, de politique, et cetera. Il est quinze heures quinze quand il sort de mon cabinet. Je n'ai pas beaucoup fait de médecine (et encore) et il me semble que nous avons passé un bon moment.


      Notes
      (1) Il faudra qu'un jour j'écrive un billet sur les rendez-vous familiaux groupés...
      (2) La Santé publique à la télévision : ras-le-bol.
      (3) Le médecin traitant pour les enfants, je ne suis pas contre.
      Continuer la lecture

      Une gifle. Médecine générale pratique, situations inattendues et incertitude. Histoire de consultation 189.

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      La petite A, 4 ans, est venue consulter avec ses deux parents pour se faire vacciner. 

      Pour ceux qui  pensent  honnêtement, les autres se reconnaîtront (je ne peux rien faire pour eux), que les médecins généralistes ne servent à rien, je vais me permettre de commenter une fois de plus des faits simples de consultation, une situation banale (j'ai déjà rédigé 186 histoires/situations de consultation), c'est à dire souligner ce que notre pratique présuppose en aval de notre rencontre avec un ou des patients, en termes de réflexion, de préparation, d'attention non seulement aux "dernières données de la science" mais aussi aux phénomènes sociétaux et à la façon dont les citoyens perçoivent leur état de santé et le rôle supposé qu'ils attribuents à la médecine et aux médecins, ici les médecins généralistes. 
      Les médecins généralistes que nous aimons et que nous fréquentons tentent d'être conscients de leur rôle majeur en Santé publique, c'est à dire au courant non seulement de ses enjeux (scientifiques et sociétaux) mais aussi de ses limites (c'est à dire la vanité paternaliste de faire le bien à tout prix de patients ou de citoyens tous différents et tous plongés dans une histoire rêvée qui serait celle d'une médecine exacte et unique). 
      Je rappelle également que mes liens d'intérêt sont les suivants : tenter de pratiquer l'Evidence Based Medicine (voir LA) en essayant de partager la décision de soins ou de non soins, ce que l'on appelle La prise de décision partagée en médecine générale (voir ICI l'excellent billet de JB Blanc sur la question).   

      Il s'agit de la vaccination contre la méningite C. Je n'ai pas eu l'initiative de cette prescription mais c'est moi qui ai prescrit le vaccin.

      Méningite C : vous avez sans doute lu le billet de CMT (voir ICI) et si vous ne l'avez pas lu il est encore temps de le faire.  Ainsi suis-je  dubitatif sur la question.  Et ainsi ne proposé-je jamais cette vaccination.
      Les parents : lors d'un consultation précédente ils ont souhaité que leur fille soit vaccinée contre la méningite C et je leur ai dit ce que vous avez lu dans le billet de CMT, à savoir, en substance, que cela ne protégeait pas contre toutes les méningites, que ce n'était donc pas parce qu'elle avait été vaccinée qu'il ne faudrait pas s'inquiéter de symptômes pouvant évoquer une  méningite et que les preuves scientifiques de son intérêt n'étaient pas suffisamment étayées. Les parents, et je ne leur ai pas demandé qui les avait convaincus de le faire, ont maintenu leur décision et j'ai donc prescrit le vaccin.
      La prescription : on pourrait s'étonner que je "cède" et considérer cette soumission à une volonté de la patientèle comme une manifestation de clientélisme ou à un renoncement lié  à une certaine fatigue. Et se dire aussi : tout ça pour ça. Se poser autant de questions pour finir par rendre les armes. Disons, pour faire vite, que la prescription de ce vaccin ne met en danger ni la santé de cet enfant, ni la santé de son entourage proche ou éloigné, enfin, dans l'immédiat (1).

      La maman affirme haut et fort que la vaccination va bien se passer et le papa acquiesce. J'ai noté dans le dossier le comportement anxieux de l'enfant lors de ses dernières visites au cabinet (les parents n'ont pas choisi de "médecin traitant" pour leurs enfants entre mon associée et moi). Elle n'est jamais facile à examiner et c'est plus facile dans mes souvenirs quand elle vient seule avec son papa. Mais il s'agit d'une vaccination, c'est plus anxiogène encore. Je demande aux parents si elle a été prévenue les jours précédents qu'elle allait se faire vacciner. Ils me disent que non. Le visage de A se ferme. 

      C'est une question difficile, prévenir ou non les enfants, et ma réponse est le plus souvent celle-ci : "Il faut toujours prévenir un enfant qu'il va être vacciné, et, plus généralement, il faut toujours prévenir un enfant de ce qui va lui arriver (de façon raisonnée, appropriée, en fonction des enjeux, des risques, des conséquences, cela va sans dire)." C'est plus correct. Quel que soit l'âge de l'enfant ! Même chez un nourrisson. Je me rappelle cette maman qui m'amenait son bébé de onze mois pour une vaccination, une maman qui me connaît depuis une bonne dizaine d'années, et à qui je demandais : "Vous lui avez dit qu'il allait être vacciné aujourd'hui ?" et elle, souriante, "Oui, hier soir, et il n'a pas dormi de la nuit." (2)

      Nous choisissons d'un commun accord la position assise sur les genoux du papa. Mais cela ne calme pas la petite qui bouge dans tous les sens et vient le temps des bonnes paroles de réassurance. Je me recule un peu, le coton alcoolisé à la main, je parle, je temporise, je raconte une histoire d'Allan, et, tel un coup de tonnerre dans un ciel serein, la maman colle une violente gifle à sa fille... en lui disant : "Finie la comédie !"
      "Madame B !"
      Je suis interdit. "Elle l'a méritée." dit la maman.  Le mari ne dit rien, n'exprime rien puis : "A, il faut te tenir tranquille." La petite pleure sans en faire trop.
      Comment dois-je intervenir ? "Il ne faut pas faire quelque chose comme cela...", je finis par dire. "Ce n'est pas bien..." La maman n'est pas contente comme s'il ne s'agissait pas de mes affaires. "Une petite gifle, ça peut faire de mal à personne... Vous n'en avez jamais donné une à vos enfants ? - Non."

      Que faites-vous ? Vous faites un signalement ? Vous passez à autre chose ? Je ne signale pas mais je parle. Je ne signale pas car je connais une grande partie de la famille : les parents, les beaux-parents, les frères et les soeurs et même les cousins et les cousines. Cette enfant n'a aucune marque sur le corps, cette enfant n'est pas apeurée quand j'approche mes mains de son visage, elle a tout juste peur de la vaccination, de la piqûre, mais elle n'a pas peur de moi. Je sais qu'en ces circonstances certains de mes confrères interviendraient. Je crois que je vais pouvoir gérer. Avec l'aide également de mon associée qui est toujours de bon conseil en ces circonstances. Est-ce que cela sera bénéfique pour l'enfant d'envoyer la cavalerie (le médecin de PMI, les assistantes sociales...) ? Ce n'est pas, attention Freud et ses épigones ne sont pas loin, l'anxiété de l'enfant qu'il faut envisager mais celle de la maman et aussi celle du papa qui accepte sans rien dire. Faut-il que je soupçonne que lorsque je ne suis pas là cette enfant prend des coups ?



      Cette consultation s'est passée avant les vacances de février. J'en ai parlé à mon associée qui n'a pas eu l'air inquiète : elle connaît également le contexte familial proche et éloigné ? Mais nous serons vigilants.

      Au retour des vacances, dans la voiture, sur l'autoroute, en conduisant, j'entends un entretien entre Laure Adler et François Cluzet (Emission Hors-Champs, voir ICI). Propos convenus sur le rôle du comédien, de l'acteur... Et tout d'un coup François Cluzet explose : il explose contre Bertrand Cantat, il le traite de tous les noms avec une rare violence, Bertrand Cantat, c'est celui qui a tué Marie Trintignant (avec laquelle François Cluzet a eu un enfant), et il rappelle d'un ton sévère que le rapport d'autopsie a indiqué qu'il avait porté contre elle dix-sept coups mortels... Dix-sept coups mortels, répète-t-il. Il ajoute qu'il a eu l'envie de le tuer. Qu'il n'a plus envie de le tuer car cet homme a aussi des enfants. Mais la suite : François Cluzet rappelle les violences faites aux femmes et parle du "dernier mot". Selon lui les hommes qui frappent veulent avoir le dernier mot. Je suis au volant, il y a du monde, et je manque de faire une embardée. Le dernier mot pour empêcher les femmes de s'exprimer. Et dans le cas de cette maman, merci de ne pas penser que je fais un parallèle osé, elle a aussi voulu avoir le dernier mot. Sans doute par impuissance ou par incompréhension de sa fille : elle ne sait pas comment elle fonctionne. Et qui pourrait dire qu'il est facile de savoir comment fonctionne  une enfant de quatre ans ?

      J'ajoute que cette consultation, le vaccin a été fait, la petite fille a ressenti, comme on dit, plus de peur que de mal (mais estce vraiment rassurant ?), n'était pas la seule de la journée (une des trente de la journée sans doute, et les vingt-neuf autres soulevaient tout autant de problèmes, peut-être pas aussi aigus, mais tout aussi "interrogeants" sur le rôle du médecin généraliste...) et qu'elle rend compte de l'intérêt et de la difficulté de la médecine générale pilotée par des médecins généralistes conscients ou non des conséquences souvent inenvisageables du moindre de leurs actes, de la moindre de leurs paroles, médecine générale réceptacle de toutes les peurs et de toutes les envies sociétales... 

      Sans en avoir l'air nous avons abordé, durant une seule consultation, les sujets suivants : les valeurs et préférences des patients dans le cadre de l'EBM, la validité/non validité de la vaccination contre la méningite C, les sévices corporels chez l'enfant, la violence faite aux femmes, le respect des enfants (et je n'ai pas abordé le problème du tutoiement des enfants), l'information des enfants (qui doit, à mon sens, commencer dès les premiers jours de la vie), la distance et la proximité  à garder vis à vis des parents et des enfants, l'expérience interne des praticiens, la lecture des articles informés, les recommandations officielles, la liberté de prescription, la clause de conscience des praticiens, l'information éclairée, la prise de décision partagée en médecine générale, la prise en charge instantanée et longitudinale du patient ou non patient en médecine générale, le rôle de l'environnement familail et sociétal dans la construction des options de soins, les implications des situations transférentielles/contre-transférentielles... je m'arrête là. On comprend qu'un jeune médecin, devant la complexité de ces tâches et, souvent, en raison de sa non formation pour les appréhender (en sachant que l'expérience interne du praticien, et pas seulement sa lecture de la littérature ou la capacité à faire des actes techniques, à bien parler, expliquer, refuser, accepter, s'acquiert avec le temps en fonction bien entendu des lectures médicales, de l'habileté personnelle mais aussi et sans doute surtout par les lectures extra médicales et par l'expérience de la vie en général), et surtout de sa non formation à la prise en charge de l'incertitude (la noter, l'accepter, ne pas la prendre pour une incapacité ou comme une erreur, la gérer donc, la faire partager sans angoisse aux patients, et cetera...), ait envie de renoncer à pratiquer la médecine générale ou, au contraire, soit excité par ses enjeux (optimiste, trop optimiste)...

      La médecine générale, c'est la vie... avec un peu de médecine.


      Notes :
      (1) Cette situation, prescrire à la demande du patient, est donc à contextualiser : prescrire des antibiotiques dans une maladie virale à la demande du patient ("chez moi, ça se transforme toujours en bronchite, docteur") n'est pas la même chose que prescrire des antibiotiques dans une otite moyenne aiguë à un enfant de huit ans à la demande des parents (le médecin : "les antibiotiques ne sont pas obligatoires dans cette situation, il existe des études... bla bla... et je reverrai le tympan de votre enfant demain") et exige une information éclairée de la part du praticien (cf. supra "La prise de décision partagée en médecine générale" sur le blog de JB Blanc : LA). Il existe aussi des situations où l'éthique du médecin est en porte-à-faux. Faut-il toujours respecter les valeurs et préférences des patients ?
      (2) La phrase la plus communément entendue dans un cabinet est celle-ci : " Si tu n'es pas sage, le docteur va te faire une piqûre !" C'est bien entendu d'une sottise absolue mais l'analyse de cette phrase mériterait une thèse de sociologie ! Ainsi la vaccination serait-elle une obligation douloureuse. Ainsi le médecin devrait-il se substituer à l'autorité parentale pour punir a priori. Et le reste...

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      Le professeur Agnès Buzyn nommée Directeur de la HAS. La victoire de big onco.

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      La nomination du professeur Agnès Buzyn à la tête de la HAS est sans doute ce qui pouvait arriver de pire pour la Santé publique française.

      "Quand il y a une connerie à faire, Hollande n'est jamais loin et Touraine est sur la photo."

      Que la papesse en chef de l'Eglise de Dépistologie soit nommée à la tête de l'Agence la plus importante du système de santé français en dit long sur la volonté du lobby santéo-industriel à changer les choses...

      Issue de l'INCa, agence gouvernementale défendant la dépistologie pure et dure, scientifique qui n'avait pratiquement jamais entendu parler du possible rôle néfaste des dépistages organisés, du problème aigu du sur diagnostic et du sur traitement, et qui, nous le rappelle Christian Lehmann (ICI) en citant le media d'investigation qatari, je veux dire Mediapart, déclare, en substance, que les seuls vrais experts, les experts compétents, sont ceux qui participent aux boards de l'industrie pharmaceutique et qui se déplacent dans les congrés tous frais payés par cette même industrie en se faisant rincer midi et soir par ces mêmes industriels. 

      Elle est donc adepte de la théorie Bruno Lina qui, se vantant de manger à tous les rateliers, prétend que "Trop de corruption tue la corruption." : quand on a le ventre plein on ne se rappelle pas qui l'a rempli.

      On nous avait promis "plus jamais ça" après le scandale du Mediator, on nous avait promis que la nomination de Dominique Maraninchi, issu aussi du milieu de l'oncologie, à la tête de l'ANSM allait permettre de nettoyer les écuries d'Augias... Peine perdue.


      Mais cessons de plaisanter, l'heure est grave : nommer une cancérologue, fût-elle hématologue, à la tête d'une Agence gouvernementale c'est comme donner la Légion d'Honneur à un prince saoudien ou  voir sièger un représentant de la Mauritanie à la Commission des droits de l'homme de l'ONU...

      Car l'oncologie est la quintessence de ce qu'on peut trouver de pire en médecine dans le domaine des essais cliniques comme dans celui de la protocolisation des traitements ou, tout aussi dramatiquement, sur l'entrée du privé dans le service public comme dans le cas de l'Institut Gustave Roussy.

      Nul doute que vous n'apprendrez pas de la bouche d'Agnès Buzyn que les 71 dernières molécules labellisées par la FDA dans le domaine de la cancérologie augmentaient en moyenne l'espérance de vie des patients de... 2,1 mois ! (Voir LA)

      Cette nomination est aussi l'aboutissement du modèle américain avec contrôle direct de la FDA par l'industrie pharmaceutique. Les US l'ont fait, nous suivons.

      La déclaration des effets secondaires en oncologie est également considérée comme peu pertinente.

      Les premières déclarations de Madame Agnès Buzyn sur les liens et conflits d'intérêt entre experts et industrie pharmaceutique n'annoncent rien de bon mais surtout démontrent la formidable impunité dont elle croit disposer en déclarant d'emblée que l'intelligence des experts est corrélée à leur degré de dépendance à l'égard des industriels.

      Nous nous préparons des jours difficiles.
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      L’angoisse et la solitude du radiologue au moment du compte rendu et de l’annonce.

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      L'autre jour, un patient me téléphone : "Je sors du scanner, est-ce que je peux venir vous voir ? - Le radiologue ne vous a rien dit ? - Non. Et je ne comprends pas le compte rendu."
      Ma première réaction : "Les radiologues..."
      Ma deuxième réaction : "On va dire encore que je n'aime pas les spécialistes..."
      Je vais donc recevoir le patient "entre deux".

      J'ai demandé un scanner car je craignais quelque chose n'aille pas.

      Le plus souvent, trop à mon goût, les radiologues en font trop. Ils commentent les clichés, ce qui est le moins que l'on puisse leur demander, mais ils "prescrivent" également. Ils prescrivent de façon large. C'est à dire qu'ils donnent une tonalité à leurs commentaires de "Rassurant" à "Préoccupant". Une tonalité que le patient, qui n'a pas toujours l'oreille fine ou qui ne comprend pas les subtilités de l'interprétation, va ressasser, réinterpréter, mal interpréter à partir du moment où il va se retrouver sur le trottoir, les clichés entre les mains, et jusqu'à ce qu'un clinicien lui donne des informations plus ou moins précises et, j'ajoute, pas toujours pertinentes. C'est selon.

      Ne vous inquiétez pas, chers radiologues, nous en sommes tous là. Malgré toute absence de formation ou en dépit d'une formation approfondie, un Diplôme Universitaire de communication (je ne sais pas si cela existe), il est impossible de tout contrôler, il est impossible (rappelez-vous que les praticiens en théorie les mieux formés en ce domaine, les psychiatres, les psychologues, ratent eux aussi leur message, il suffit d'entendre les patients parler de leurs séances ou de leurs consultations...) de maîtriser et surtout pas l'anxiété du patient. Ce que nous disons, ce que nous ne disons pas, les mimiques que nous faisons (le non verbal) ou que nous ne faisons pas, le patient les interprète à sa guise.

      Les radiologues, parfois, souvent, ça leur arrive, prescrivent trop, disent qu'il faut faire de la kiné, qu'il faut opérer, ne pas opérer, prendre des AINS, des antalgiques, infiltrer, mais surtout "Que pour compléter les investigations il faudrait faire un scanner... ou une IRM..." Quand le radiologue ne prend pas déjà rendez-vous avec le rhumatologue ou le chirurgien de la clinique ou de l'hôpital...

      Cela nous met tous (les praticiens comme les radiologues en porte-à-faux) : le patient ne sait plus où donner de la tête.

      C'était pour la charge.

      Voici la décharge.

      Le radiologue est parfois bien embêté en remettant les clichés à un patient qu'il ne connaît pas, pour lequel il a eu si peu de renseignements cliniques, patient à qui il faut dire ou ne pas dire qu'il vaudrait mieux consulter le médecin prescripteur, patient qui a besoin d'être informé, rassuré ou non inquiété, ou qui désire quelque chose que nous ne savons pas.

      Et il y a, malheureusement, de très nombreux cas où le radiologue fait lui-même la consultation d'annonce, il y est contraint par ce qu'il a vu sur les clichés, ilest obligé par les regards expectatifs du patient, il est donc contraint de le faire sans antécédents, sans contexte, cette putain de consultation d'annonce, cette invention oncologique qui fait partie de la démarche qualité, parce qu'avant on ne savait pas comment cela se passait, et maintenant on sait, il y a des procédures, des normes, des cases à cocher, des notes à se donner, et peut-on dire que cela se passe mieux ? peut-on dire que le patient  soit mieux informé ? peut-on dire que le nombre de cases cochées rende moins horrible l'annonce sidérante, l'annonce qui sidère ? L'information brute, c'est : "Vous avez un cancer." Les oncologues ont inventé la consultation d'annonce parce que cela se passait mal auparavant, sans doute, mais les normes de la consultation d'annonce ont, me semble-t-il, encore aggravé les choses. Or les médecins n'ont pas changé, c'est la procédure qui a changé et la procédure, au lieu d'empathiser (ne cherchez pas, c'est un néologisme) les relations, on me dira que c'est toujours comme cela, les ont rendues encore plus inhumaines et incontrôlables. "J'ai fait ma consultation d'annonce et ainsi ne pourra-t-il rien m'arriver, j'ai coché, j'ai fait le boulot..."

      Mais revenons au radiologue : est-il prêt, dans le couloir, dans une salle d'examen, dans son bureau dans les meilleurs des cas, à annoncer une saloperie à une personne qu'il ne connaît pas ? A l'incerse, peut-il laisser un patient partir dans la nature avec un compte rendu où, en lisant entre les lignes, voire même en lisant les lignes, il va fantasmer, s'apeurer, se lamenter, se faire des films, regarder sur internet, lire des choses horribles ? Il faut bien lui dire quelque chose, le rassurer, lui dire que cela aurait pu être pire, mais peut-on vraiment rassurer quelqu'un en lui disant qu'il a un cancer ?

      Donc, le radiologue n'a pas un métier facile. Rappelez-le vous quand vous râlerez... Le radiologue n'a pas un métier facile et, de plus, on compte sur lui. On compte sur lui pour faire le diagnostic, pour ne pas se tromper, pour être aussi exhaustif que possible, car le radiologue, c'est le boss, combien de médecins généralistes savent lire un scanner, une IRM, une mammographie ou un pet scan ? On est bien obligés de lui faire confiance.

      Et pire : les oncologues font de plus en plus confiance aux radiologues, il y en a qui ne lisent pas les scanners, les IRM, les mammographies ou les pet sans, sinon, comme moi, les comptes rendus... Et il y a aussi des spécialistes d'organes, des médecins qui font encore de l'oncologie, encore, car nous assistons à une terrible dérive, les spécialistes d'organes finissant par ne plus faire de cancérologie pour les organes dont ils sont les spécialistes, laissant les oncologues faire le boulot, et donc, je disais,  il y a certains spécialistes d'organes qui savent mieux lire un scanner, une IRM, une mammographie ou un pet scan que des radiologues lambda et mieux qu'un oncologue lambda. Nous sommes en pleine incohérence. Je ne dis pas que tous les radiologues lisent mieux des clichés qu'un oncologue et que tous les spécialistes d'organes lisent mieux des clichés qu'un radiologue, je dis : faisons attention. Je dis que le saucissonnage des patients entre organes, spécialistes, radiologues, oncologues et autres n'est pas bon.

      Et ainsi, un protocole trucmuche XYZ est décidé pour un patient à partir de clichés non lus ou non interprétés par un oncologue mais par un radiologue et pas par un spécialiste ad hoc de l'organe.

      Ah, zut, j'avais oublié les RCP ou Réunions de Concertation Pluridisciplinaires dont nous avons parlé ICI et LA.

      J'avais oublié.

      Donc, je voulais souligner lourdement la solitude du radiologue au moment du compte rendu et encore plus de l'annonce.

      Il est tout à fait possible que le patient qui va venir me voir tout à l'heure avec son scanner me désoriente, que je ne puisse pas le recevoir dans mon bureau, mais dans un coin sans témoins de mon cabinet, et que je doive, en lisant le compte rendu, improviser. Ce serait une putain de consultation d'annonce à la con.

      Donc, respect pour les radiologues.


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      Directives anticipées.

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      Un rapport de l'IGAS datant d'octobre 2015 traite du sujet des directives anticipées (ICI). Quelqu'un a attiré mon attention sur le sujet sur twitter. C'est pourquoi je vous en parle.


      L’article 8 de la proposition de loi «créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie « prévoit que toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté et que ces directives sont conservées sur un registre national »
      .
      Je ne suis pas un spécialiste du sujet (et, comme dirait l'autre, cela va se voir).

      L'IGAS propose que les directives anticipées soient incluses dans le Dossier Médical Partagé.

      Pour ce qui est de la gestion du registre, après expertise des différents opérateurs possibles la mission considère, qu’après un complément d’analyse juridique, technique et médicale qui pourrait être confié conjointement à la CNAMTS et à l’ASIP-Santé, que le futur Dossier Médical Partagé (DMP) prévu dans le projet de loi de modernisation du système de santé devienne le lieu de conservation des directives anticipées. Son déploiement dans un délai de 18 mois à 2 ans est tout à fait compatible avec la loi, qui précise que le registre n’est qu’un des moyens de conservation. 

      Le Dossier Médical Partagé est un vieux serpent de mer bureaucratique (je ne suis toujours pas spécialiste de ce truc) pour lequel je suis très sceptique pour une raison anecdotique qui s'appelle le droit à l'oubli et pour une raison essentielle qui se nomme la déliquescence professionnelle et sociétale du secret médical.

      Le DMP ne devrait comporter que quelques informations, à savoir les intolérances aux médicaments, éventuellement le traitement en cours. Rien d'autre. C'est déjà pas mal. Et peut-être déjà trop.

      Pour les directives anticipées, voici quelques remarques générales qui pourront passer pour des truismes mais enfiler les perles de l'évidence peut avoir un certain intérêt : 
      1. Mes directives anticipées : je désigne une personne de confiance (voir ICI), une personne qui me connaît, une personne avec qui j'ai discuté cent fois de ce problème, pour moi, pour les autres, pour des patients, pour des amis, une personne qui connaît mes incertitudes, mes certitudes, mes hésitations, mes partis-pris, mes faiblesses, mes lâchetés... Et cetera. Elle se reconnaîtra.
      2. A qui appartient la fin de vie, la mort et... la vie après la mort ? Il y a grosso modo deux conceptions mais avec d'énormes divisions d ela conscience.
      3. La première conception est celle-ci : il faut coûte que coûte respecter les dernières volontés de celui qui va mourir. C'est la conception kundérienne : la fin de vie, la mort et la vie après la mort appartiennent à celui qui va mourir et ceux qui ne respectent pas ces volontés sont des traîtres. Pour mieux connaître ce point de vue, lire Les testaments trahis, un essai de Milan Kundera qui en dit plus que de nombreux traités spécialisés et qui, à mon sens, est un des plus grands livres du vingtième siècle. Pour alimenter ce point de vue et pour en dénoncer son non respect Kundera parle, entre autres, de Max Brod, l'ami de Kafka, qui, contrairement à ce que lui avait demandé son ami, n'a pas détruit une grande partie de son oeuvre, qu'il a au contraire publiée (ce qui a fait la postérité du Praguois) et qui l'a encore plus trahi en rendant Kafka semblable aux personnages de ses romans, c'est à dire en mentant sur la vraie personnalité de son ami.
      4. La deuxième conception (mais il est possible qu'il y ait autant de positions intermédiaires que d'individus -- encore que Kundera ait écrit : il y a moins d'idées que d'hommes) et aussi la moins populaire et la moins avouable : les gens qui vont mourir, les morts, la postérité des morts, appartiennent aux vivants, c'est à dire à ceux qui survivent (j'avais traité le sujet LA), c'est donc à eux de décider. Je rappelle Montaigne : "Les Essais (I,3), citant Saint Augustin (Cité de Dieu, I,12) : "Le service des funérailles, le choix de la sépulture, la pompe des obsèques sont plus une consolation pour les vivants qu'un secours pour les morts.""
      Alphonse Allais


      En réalité, le problème de la fin de vie est éminemment un problème sociétal (je sais, quand on a dit cela, on a tout et rien dit, mais, ne vous inquiétez pas, je ne vais pas proposer une réflexion citoyenne...) et se rattache à de nombreux thèmes qui courent dans ce blog : hédonisme, droit de ne pas souffrir, immortalité, sur traitement, valeurs et préférences des patients. J'ai oublié quelque chose ?

      Et les paradoxes ne manquent pas.

      Il est impossible à mon sens de parler de directives anticipées sans aborder le problème de l'acharnement thérapeutique voulu par certaines familles (traitements de troisième ligne sans aucun intérêt pratique) qui seront ensuite les premières (ou non) à prôner le "débranchement".

      Impossible de parler des directives anticipées sans s'occuper de ce qui se passe avant le moment où le patient ne peut faire de choix. 

      Impossible de parler des directives anticipées sans parler du comportement discrétionnaire des équipes soignantes (voir LA)... Il semblerait qu'il existe des consensus locaux, des endroits où on fait ça et d'autres ou on fait ceci, indépendamment du patient et de la famille.

      Impossible de parler des directives anticipées sans parler des problèmes familiaux que cela entraîne et surtout si une personne de confiance a été désignée.

      Impossible de parler des directives anticipées sans évoquer des expériences nombreuses qu'ont les soignants et les familles des changements d'avis de leurs proches ou de leurs patients au cours du temps.

      Rien n'est gravé dans le marbre (et encore moins dans le DMP).

      En réalité, les incertitudes concernant les directives anticipées, et il semble d'après l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD ; LA), j'élargis le sujet, que 95 % des Français interrogés (sondage IFOP de 2014) seraient favorables à une loi que propose l'ADMD (et le sondage a dû être proposé par l'ADMD), je cite, visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et à assurer un accès universel aux soins palliatifs, d'où viennent-elles ? 

      C'est sans doute qu'il existe des points à éclaircir. Je conçois que j'obscurcis le sujet en étendant mon propos.

      Je suis incapable dire ce que je ferai quand les choses se présenteront car, n'en doutons pas, les directives anticipées n'anticipent en rien la décision que peut prendre un patient de mettre fin à ses jours pour abréger ses souffrances avant qu'il ne devienne incapable de décider. Contre l'avis du corps médical, par exemple ; contre l'avis de sa famille ; ou d'une partie de sa famille. 

      Pendant que j'écrivais ce billet je suis sorti prendre l'air et j'ai vu un monsieur d'une cinquantaine d'années qui accompagnait son (vieux) père manifestement dément dans les rues de Versailles : faudra-t-il que j'écrive dans mes directives anticipées qui seront intégrées à mon DMP que j'autorise "ma" personne de confiance à m'euthanasier en ce cas ne voulant ni embêter tout le monde ni me représenter en dément marchant dans les rues de Versailles ?

      Voici ce que propose l'ADMP pour le point précis des directives anticipées : LA

      Je lis le document avec attention et notamment ceci :


      JE DEMANDE :
      qu’on n’entreprenne ni ne poursuive les actes de prévention, d’investigation ou de soins qui n’auraient pour seul effet que la prolongation artificielle de ma vie (art L.1110-5 du code de la santé publique), y compris pour les affections intercurrentes.
      que l’on soulage efficacement mes souffrances même si cela a pour effet secondaire d’abréger ma vie (art L. 1110-5 du code de la santé publique).
      que si je suis dans un état pathologique incurable et que je suis dans des souffrances intolérables, je puisse bénéficier d’une sédation terminale, comme l’autorise l’article L. 1110-5 du code de la santé publique.
      que s’il n’existe aucun espoir de retour à une vie consciente et autonome, l’on me procure une mort rapide et douce. 

      Y a-t-il quelque chose de choquant ?

      Faut-il une loi pour cela ? 

      Finalement, ce qui me terrifie vraiment, lisant ce que je viens de lire, ce serait que l'on me désignât comme personne de confiance. J'en serais paralysé. On voit où est le problème.

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